Livres-Addict.fr

 AccueilLivres | Films | Expositions | Sites internet

 Chantal Akerman par Livres-Addict.fr 

"La folie Almayer" de Chantal Akerman

La-Folie-Almayer-akermanC'est un film béant et hanté. Un film hanté de béance, une gueule ouverte.

C'est une transe dédiée, un envoûtement toxique, une longue et languide plainte laminante. Un homme aux prises, simultanément, avec le génie des lieux, avec un territoire impératif et récalcitrant, et avec ses propres démons, ses démons rémanents qui infusent et submergent.

C'est l'amour, fou tel qu'on a rarement vu : la roue du supplice à l'état pur. Cela se passe en Asie du Sud-Est, loin de tout, en bordure d'un fleuve qui exhale des vapeurs délétères. L'atmosphère est moite, poisseuse, torpide, mais aussi bizarrement enchantée. La nature luxuriante, la forêt où éclatent à chaque instant d'hypnotiques splendeurs, semblent regorger de fleurs carnivores et d'envoûtements maléfiques.

C'est l'adaptation du premier roman de Conrad mais, ce qu'on voit surtout, c'est la liberté claquante de Chantal Akerman qui s'affranchit de toutes les lignes narratives et fait du livre un film circulaire et abyssal.

La-Folie-Almayer-akermanC'est le portrait d'un homme agité par un trouble si profond qu'il tourne en possession immobile. Cet homme, le dénommé Almayer, un occidental déplacé, un exilé, se débat d'abord avec le maigre prestige qui lui échoit et qu'il porte comme une plaie, une écharde. Il se mesure aussi avec le pouvoir qu'il exerce chaotiquement et dont le poids fait bientôt de lui un corps urticant, ulcéré, vociférant, à vif. Et il a à en découdre avec la corruption rampante, la sienne propre et celle des autres. Pour couronner le tout, il a épousé une femme du cru qui lui tient tête et le contrarie férocement.

Mais bientôt tout cela est relégué au rang d'anecdote et d'arrière-fond. Ce qui importe à Almayer, c'est sa fille, une sublime métis pour qui il conçoit une passion dévorante, qu'il veut arracher au pourrissement ambiant et à qui il s'arrache, dont il s'ampute violemment pour qu'elle reçoive, au loin, une éducation correcte et correctrice. A son retour, elle est une jeune fille et Almayer s'incendie d'une passion cette fois définitive et fatale. 

Toute la seconde partie du film dépeint cette transe fixe, cette folie hurlante, exorbitée, qui fait d'Almayer un derviche hanté, proférant d'insanes incantations. Dans le rôle, Stanislas Mehrar, cloué, vif, frôle le sublime et nous offre des scènes dont la beauté malade perce et soulève le coeur.

BH 02/12

   © Livres-Addict.fr - Tous droits réservés                                                                                                          | Accueil | Contact |