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 Lisandro Alonso par Livres-Addict.fr 

"Liverpool" de Lisandro Alonso

image_liverpool"Liverpool" n'est pas un film. C'est une alternative. Une pause, une respiration, un repos. Une invitation à voir au-delà et autrement. C'est une page blanche, un grand afflux de vent salubre qui nettoie l'oeil engorgé d'images. Une douce exhortation à sortir du cumul et de la vaine trépidation. Un espace grand ouvert, un temps offert, octroyé, pour repartir autrement et différent.

Le voyage s'annonce géographique mais il est spirituel. L'argument tient à rien. Un homme, profil taillé à la serpe, presque mûr, alenti, comme accablé et qui pourtant taille sa route avec détermination, débarque d'un cargo, accoste en terre de feu, dans une bourgade pauvre où il cherche à renouer avec sa vieille mère perdue de vue depuis vingt ans. Ladite mère est une pauvre chose, fluette, alitée, dont l'esprit bat la campagne, dont la mémoire, poreuse, a définitivement laissé échapper ce fils tardivement prodigue. Lui se nomme et se renomme, tâche de raviver le lien mais tous les circuits propices au possible renouement semblent désactivés. Il est mal accueilli par la petite communauté villageoise, stigmatisé pour être resté trop longtemps absent. Il est logé dans un abri précaire et il fait la connaissance d'une soeur ou demi-soeur putative, née après son départ, une jeune attardée dont les gestes et les regards sont d'une grâce d'autant plus bouleversante qu'elle nait de sa gaucherie, de sa trop visible altérité.

image_liverpoolNotre homme, âpre figure, masque impavide, repart comme il était venu, dénué, démuni de tout, les mains (et le coeur ?) vides. Nu, raclé et d'autant plus beau. Il se volatilise aux trois quarts du film mais avant de disparaître, fait cadeau à sa soeur d'une chaîne argentée arborant l'inscription "Liverpool".

La dernière fraction du film est consacrée à la vie sur l'île, sans lui. Les menus travaux et les jours. Comme si son passage avait été nul, sans empreinte, sans postérité autre que ce bibelot que la jeune fille triture et tourne et retourne entre ses mains.

Mais ce qui importe, c'est le regard. L'acuité, l'infinie liberté et la gratuité de ce regard. Regard qui s'accorde le temps de voir, qui s'attarde, indéfiniment, sur les paysages et les visages. Le temps s'étire, l'espace aussi. Longues étendues âpres, longs plans fixes, méditatifs. Et il y a le silence aussi, qui imprègne et recouvre tout de son gel pur. Et on ressort lavé.

Mais, surtout, il y a la qualité dudit regard: les personnages n'ont pas besoin de faire quoi que ce soit, il leur suffit d'apparaître pour être pleinement. Le seul fait d'apparaître sous le regard du cinéaste les doue d'une noblesse presque surnaturelle.

Grandiose. Nécessaire.

BH 08/09

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