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Antonioni par Livres-Addict.fr 

 "Le désert rouge" d'Antonioni (1964)

Ca se passe quelque part en bord de mer, sous un ciel sombre et menaçant, dans une zone industrielle désaffectée. D'emblée, on est projeté au bout du monde. Il y a des usines qui crachent d'épaisses et agressives fumées, des zones marécageuses et puis... rien !

desert rouge 2Dans ce lieu hautement hospitalier viennent s'installer un ingénieur embauché à l'usine, sa femme et son petit garçon. L'ingénieur confie à l'un de ses collègues que sa femme a été victime d'un accident de voiture il y a quelques mois de cela. Elle s'en est sortie avec quelques contusions mais le choc psychologique fut terrible et elle en est restée troublée voire désaxée. La femme, c'est bien entendu la sublime Monica Vitti. On la voit errer et dériver dans cet endroit impossible. Elle joue à merveille les égarées avec ses longs yeux de biche écarquillés. Son visage est une oeuvre d'art : ces yeux étirés, interminables, sa grande bouche, sensuelle en diable, ses pommettes idéales, sa chevelure souple... toutes choses à quoi vient s'adjoindre un corps bellement charnu et parfaitement proportionné. Donc, cette femme somptueuse mène une vie de perdue dans un lieu de perdition.

A un moment donné, un groupe de personnages (collègues et amis) se réunissent en bord de mer dans une sorte de cabane. Ils sont tous liés à ce lieu toxique, à ce désert hérissé d'usines. Ce sont des couples constitués, légitimes ou clandestins dont certains tendent à se défaire, se verraient bien permuter... Il y a échange de propos anodins ou provocateurs, à caractères ouvertement sexuel. Il y a là une blonde piquante et une blonde quelconque ainsi que la jeune amante d'un subalterne, assez bombesque créature à la noire chevelure. Mais celle qui brille comme un sombre joyau avec ses grands yeux dévorés d'inquiétude et son pur visage effarouché, celle qui surclasse les autres sans conteste, c'est Monica Vitti. Du reste, toutes les énergies présentes dans la pièce convergent vers elle, elle est le catalyseur.

Depuis l'instant où son mari a présenté M. Vitti à son collègue, il y a eu choc électrique. Entre eux, ce sont de longs regards équivoques, chargés de trouble et de désir. Lui, le collègue, est un bel homme, grand, blond, des traits harmonieux et énergiques à la fois. En outre, il est manifestement sensible et généreux quand le mari, un homme au physique plutôt ingrat, apparaît fermé, borné, ne saisissant rien de la détresse de sa femme qu'il est incapable de secourir. On sent que M. Vitti recherche le collègue mais qu'elle le fuit dans le même mouvement. Finalement, dans un accès de crise, elle se précipite chez lui. Elle est défaite, paniquée, elle est venue sans savoir pourquoi mais, semble-t-il, c'est davantage pour demander de l'aide (car elle est la proie d'états seconds, de dérapages déments qui la crucifient) que pour se donner à l'homme qu'elle désire. Elle crie, s'échevèle, exhale son désarroi. Lui, désemparé, la questionne, tente de l'apaiser, de l'étreindre mais elle se dégage, s'esquive. A l'issue d'un face à face, d'un corps à corps épuisants, elle se donne mais comme on se rend, comme on capitule, par fuite de capitaux et de déficit de forces. Et elle souligne la chose du trait suivant : "j'ai vraiment tout raté : j'ai même réussi à devenir une femme adultère !"

Mais Monica Vitti, même brisée, reste ensorcelante. Elle est la quintessence de la féminité. Elle a quelque chose d'absolument idéal, elle est affolante, ensorcelante. Il faut dire qu'Antonioni la filme comme une figure sacrée, il est en transe (et son visage à elle reflète cette transe), il est la proie d'un envoûtement majeur ! Monica Vitti le magnétise, le vampe, le happe absolument et il en est de même du pauvre et bienheureux spectateur !

BH 07/07

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