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   Carlos Reygadas par Livres-Addict.fr 

"Lumière silencieuse" de Carlos Reygadas

lumieresilencieuseLa trame du film est d'une simplicité presque déconcertante. Au Mexique, dans une communauté mennonite, un homme, bien que toujours très attaché à son épouse, vit avec une femme non moins religieuse que lui une liaison passionnée. Or, dans ce milieu l'adultère est bien entendu plus réprouvé que partout ailleurs. L'homme, déchiré, aux prises avec les affres de la culpabilité, tente de rompre puis succombe à nouveau. Sa femme, instruite de la situation depuis le début, en tombe malade puis en meurt avant d'être ressuscitée  par ... l'amante elle-même.

Tout l'intérêt du film réside évidemment dans le traitement du sujet. Carlos Reygadas, adepte de la démesure, ose l'ampleur, le lyrisme radical, la solennité et le silence. Tout est appuyé, outré. On est placé face à une succession de longs plans fixes, hypnotiques. La caméra est l'oeil de Dieu qui scrute interminablement les visages, sonde les âmes et les reins, nous assène comme une claque des paysages austères, dépouillés mais somptueux, éclaboussés d'une lumière crue, écho de l'opération de dénudement à laquelle sont soumis les êtres humains.

Les face à face qui opposent l'homme à son épouse et à sa maîtresse sont des chefs-d'oeuvre de noblesse, de grandeur presque écrasante. Les scènes d'amour sont filmées comme des rites sacrificiels, des cérémoniaux saturés de sacré.

Mais de nombreux plans sont aussi consacrés à la vie de famille car cet homme est, comme il se doit, couvert d'enfants. L'on voit ainsi une théorie de blondinets se tenir, très droits, bouche cousue, en prière devant la table du petit déjeuner auquel on n'est autorisé à toucher qu'après s'être très longuement et pronfondément recueilli. On les retrouve plus tard s'ébattant dans un lac mais de manière étrange, hésitante et retenue.

Le verbe est rare et même les enfants n'échangent que peu de mots cependant que le réalisateur capte à merveille la gaucherie de leurs corps soumis à des règles de vie draconienne de même que la surprise effarée, l'étonnement d'être au monde qui s'inscrit sur leurs visages.

Tout est ainsi bridé, contenu, imprégné d'une gravité et d'une componction qui impressionnent la pellicule autant que le spectateur.

Quant aux deux femmes rivales, elles sont, à la hauteur du projet, d'une évidente et remarquable noblesse. L'épouse avec son beau visage aussi régulier que ruiné par le chagrin silencieux, intériorisé, campe à la perfection la dévastation, le renoncement ravageur. L'amante, elle, paraît d'abord ingrate avec son grand corps d'oiselle, sa silhouette héronnière, son nez trop fort, son menton fuyant mais la grandeur qui se dégage d'elle, le rayonnement qu'elle diffuse très vite la subliment, la parant d'une beauté racée.

La rédemption n'est pas seulement finale : dès le commencement tout est constamment transfiguré.

BH 12/07
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