Livres-Addict.fr

 AccueilLivres | Films | Expositions | Sites internet

Lee Chang-Dong par Livres-Addict.fr 

 "Secret sunshine" de Lee Chang-Dong

secretsunshineOn pourrait dire que c'est un film sur le deuil et l'exil, que c'est une charge virulente contre la religion. Mais c'est surtout le film d'un visage. Un visage mobile, hanté et dont la plasticité répercute toute la gamme des émotions humaines jusqu'aux plus insoutenables.

Une jeune coréenne quitte Séoul pour s'installer avec son fils dans un bourg perdu qu'elle élit au motif que son défunt mari en est originaire. Les premières images la montrent en panne (métaphore appuyée, annonciatrice du tour funeste que prendra sa vie) sur la route qui la conduit vers son nouveau lieu d'habitation et dont le nom (prophétique lui aussi) signifie ensoleillement secret. 

Cette jeune veuve ne suscite pas la sympathie. Ni celle des gens du bourg ni celle du spectateur. Plutôt ingrate, frêle et farouche, elle se retranche dans une attitude butée, méfiante voire carrément revêche. Son étrangeté (qui ne se réduit pas à son statut d'étrangère) dérange et fait jaser. Mais elle n'en a cure, elle mène son bonhomme de chemin avec détermination et s'intègre progressivement dans ce milieu inhospitalier. Pour assurer sa subsistance et celle de son fils, elle donne des leçons de piano. Car c'est son fils (petit elfe tour à tour espiègle et bonheur) qui la requiert toute et lui infuse la force qu'elle déploie. Mais ce fils adoré lui sera enlevé lui aussi. Littéralement car on le kidnappe.

On réclame une rançon à la mère qui vide précipitamment son compte, suit scrupuleusement les consignes des ravisseurs et cependant l'enfant est abattu. La perte est alors absolue et la jeune femme sombre dans une douleur qui dépasse l'entendement et qui se traduit par des états de prostration, elle devient pour ainsi dire cataleptique. La pharmacienne du bourg, versée dans le prosélytisme, lui propose, en guise de palliatif, d'entrer dans un cercle religieux qui lui promet la renaissance. Il s'agit de protestants fanatiques qui se rassemblent à tout bout de champ et se mettent dans des états de transe. L'héroïne se laisse fléchir, elle adhère avec une rapidité et une ferveur suspectes à cet horizon consolateur, elle s'exalte, croit avoir trouvé le salut jusqu'au jour où, dans un accès et un excès de zèle, elle rend visite en prison à l'assassin de son fils dans le but de lui offrir son pardon. Elle découvre alors que cet homme a trouvé dans la religion une forme véritable de rédemption alors que son cas à elle, il ne s'agit que d'un cataplasme trompeur. Horrifiée par la levée de l'illusion, par le leurre mis à jour, elle sabote les réunions du cercle religieux, débauche, pour le souiller, le mari de la pharmacienne...

Elle finit par se rompre et aboutit en psychiatrie avant de, très fragilement (mais authentiquement cette fois) renaître.

Outre cette athlète de la douleur, il est un autre personnage très présent dans le film et qui apporte, quant l'atmosphère est saturée, quand point l'irrespirabilité, des contrepoints de malice, des saillies et des respirations bienvenues. Il s'agit d'un homme simple, tout de bonhomie rubiconde et facétieuse qui tombe éperdument amoureux de cette femme impossible. Il la suit partout, la soutient dans toutes les étapes de son calvaire, lui offre son dévouement sans faille et sa générosité rieuse. Bien que sans cesse éconduit, il continue inlassablement à se donner entier. Il est bouleversant.

Mais répétons-le, le vrai sujet du film, c'est le visage de cette femme, sismographe saisissant des émotions les plus infimes comme des plus extrêmes, ce visage que le réalisateur filme en voyant, en chamane ou sourcier de l'âme, ce visage qui parvient à nous faire pressentir ce que c'est de passer au-delà de la souffrance...

BH 11/07
   © Livres-Addict.fr - Tous droits réservés                                                                                                          | Accueil | Contact |