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Fernando Eimbcke par Livres-Addict.fr
"Lake Tahoe" de Fernando Eimbcke
Au début, un adolescent emboutit la voiture de son père. Le caractère anecdotique de cet incident est tout de suite démenti: bien que les routes s'étendent à perte de vue, on est encagé dans une ville mexicaine étrangement déshabitée, comme frappée par un exode massif, suffocant sous un ciel trop bas, dans la touffeur d'un climat irrespirable. Il y a du drame dans l'air, quelque chose de crucial se joue.
Le jeune garçon s'engage dans la quête obsessionnelle d'une pièce manquante pour mener à bien la réparation du véhicule paternel. Il va, dans la moiteur ambiante, de garage en garage, se heurtant chaque fois à des portes closes comme si toute la population s'était évaporée. Il débusque finalement un vieux mécanicien qui vit reclus avec son chien et un jeune hurluberlu électrique, fan absolu de Bruce Lee qui exécutera, en exclusivité pour notre jeune héros, quelques prises bien senties en forme de voltes hallucinées.
Ces deux hommes, le jeune et le vieux, offriront une aide précieuse à l'adolescent tout en lui enseignant la patience ainsi que les rigueurs et les douceurs qui accompagnent l'épineuse épreuve de l'altérité.
Chemin faisant, il fera également la connaissance d'une bouillante brunnette, prématurément mère et ne s'en souciant guère, qui l'initiera aux transes musicales et à d'autres et plus intimes extases. Ces rencontres hautes en couleur ne jalonnent pas seules le jour: le jeune homme effectue des va-et-vient entre ses nouveaux amis et la maison paternelle où il retrouve son petit frère confiné dans sa tente et sa mère prostrée dans sa chambre.
Emaillé d'épisodes tour à tour cocasses ou tragiques, le film s'étire, languissant, indolent, le temps se dissout dans la chaleur et connait soudain de brusques accélérations, des embardées qui électrochoquent.
De même l'adolescent fera en accéléré l'apprentissage de l'amour et du deuil et nous le verrons effectuer un gracieux adieu à son enfance.
A la fois quête initiatique et fable allégorique, ce film se
distingue par sa mélancolie teintée d'humour, par sa vagabonde
fantaisie et par la languide poésie qu'il distille.
BH 08/08