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Asghar Farhadi par Livres-Addict.fr 

"La fête du feu" de Asghar Farhadi

Fête_du_feuC'est un film irrigué par le feu et par le verbe. Feux pétaradants et verbe torrentiel. Un film souvent facétieux qui tend vers la tragédie. Un film volubile et prolixe mais pas bavard. Nous sommes à Téhéran et une jeune fille, à la veille de son mariage et tout euphorisée par son imminent changement de statut, débarque, en plein drame conjugal, dans l'appartement d'un couple qu'elle va s'affairer à nettoyer pour gagner quelques liquidités. L'appartement est dans un état rwandesque, atomisé, cyclonique, c'est un fatras innommable subséquent à une virulente altercation entre les époux.

La jeune fiancée qui n'a ni les yeux ni la langue dans sa poche assiste, ahurie, aux péripéties qui jalonnent la désagrégation-éclair d'un couple (cela dit la situation cataclysmique dont elle est témoin résultat, de toute évidence d'une lente dérive amorcée bien longtemps auparavant).

L'épouse (femme d'une beauté majestueuse encore rehaussée par le port du voile) suspecte son époux de la tromper. Elle se perd en conjectures, s'abîme dans les tourments exponentiels. Le doute qui la taraude la jette dans des états violents dont la jeune fiancée fait les frais : elle devient elle-même l'objet d'une suspicion constante, elle essuie des rebuffades violentes, endure des renvois successifs avant d'être récupérée in extremis...

Ce qui distingue ce film, c'est que son dispositif s'égale quasiment à celui d'une tragédie classique : il y a presque unité de temps et de lieu ce qui assure une montée graduelle de l'intensité. La majorité des scènes se déroulent à l'intérieur de l'immeuble où vit également la maîtresse présumée de l'époux (une accorte et affriolante jeune femme qui transformé son appartement en salon de coiffure clandestin). La jeune fiancée est amenée à entrer en contact avec les trois protagonistes du triangle amoureux et au gré des circonstances ou de ses humeurs, elle prend parti pour et agit en faveur de l'un ou l'autre ou la troisième, infléchissant la situation de manière parfois décisive. Elle va vivre une défloration morale en accéléré... Quant aux affres et turpitudes de la vie maritale, on peut difficilement trouver initiation plus décapante, dévirginisation plus brute...

Mais le plus frappant reste sans doute la place accordée à la parole. Tout le film tient par les dialogues incessants, violents, saignants, débités à la mitraillette. C'est une cataracte, un déluge verbal étourdissant et toujours percutant. Les saillies, les traits d'humour abondent et pourtant (probablement parce qu'on est en Iran et que le poids de l'oppression est sensible), on est pas dans un vaudeville, la gravité affleure à chaque instant. Les femmes sont peut-être voilées, tenues, cependant elles affirment et affichent dans ce film une énergie, une audace, une liberté de ton et une insolence des plus réjouissantes face à des hommes balourds et empêtrés.

A la fin, l'époux conduit son petit garçon à la "fête du feu" (rituel iranien qui consiste à embraser la ville à l'aide de pétards et de feux d'artifice pour célébrer la nouvelle année) et cette profusion ignée renvoie aux crépitements, aux éclats incendiaires du film entier.

BH 01/08

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