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 Jia Zhang Ke par Livres-Addict.fr 

"Useless" de Jia Zhang Ke

uselessUn documentaire sur l'industrie textile en Chine ? Pas folichon, me direz-vous. Et pourtant ce film-là est d'une poignante, d'une infinie beauté. Il s'intitule "Useless" soit "inutile" et explore la situation en trois volets qui se percutent crûment et se répondent tout bas.

Nous voici d'abord dans une usine textile à Canton. C'est une ruche, une mécanique emballée et implacable, le taylorisme dans toute son inhumaine efficacité. On voit la tâche obscure et usante, les gestes répétitifs, on voit surtout les visages cireux, déserts, les vies aplaties. Dans un recoin précairement aménagé, à peine à l'écart des machines, un médecin dépassé recueille plaintes et doléances des ouvriers harassés.

Puis saisissant changement de décor : on est projeté dans un loft fastueux, temple dédié à la création où officie Ke Ma, styliste de renom. Cette jeune femme est une guerrière, une croisé du sens. Elle refuse la loi du marché, le formatage, elle veut donner à la haute couture chinoise ses lettres de noblesse, elle s'insurge contre la parcellisation, elle ne supporte pas que le produit fini, le vêtement, soit coupé et ignorant de ses origines, elles souhaite injecter de l'humanité, de la continuité dans le processus de fabrication. Ainsi a-t-elle installé chez elle un atelier grâce auquel elle contrôle toutes les étapes de la création. Il lui est aussi venu l'étrange idée d'enterrer les vêtements afin qu'ils fleurent l'humus, portent une marque originelle et ne soient pas pure facticité. D'abord intitulée "Exception", sa ligne de vêtements s'appelle désormais "Useless" : elle veut que l'inutile ait une portée. On la retrouve à Paris lors d'un défilé d'une frappante beauté. En guise de défilé, on assiste à un tableau vivant : les mannequins immobiles, hiératiques, revêtus de tuniques rêches, quasi médiévales et de masques résillés sont juchés sur des colonnes et semblent des santons éthérés, des figures de terre cuite, de longs elfes nobles surgis de la glaise, des nonnes somptueuses ...

Le dernier volet nous emmène dans les terrils de Fenyang car Ke Ma prétend avoir besoin de se frotter à ces âpres paysages pour nourrir son inspiration. On découvre les mineurs fuligineux, hagards et pourtant parés d'une sombre beauté et leurs corps noircis font étrangement écho aux désirs chtoniens, aux fantasmes telluriques de Ke Ma. Il y a là un ancien tailleur qui a dû se faire mineur car il ne disposait pas du capital nécessaire pour prospérer... Et l'on se prend en pleine figure que se poser la question du sens relève d'un luxe inouï...

BH 02/08

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