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Ana Katz par Livres-Addict.fr
"La fiancée errante" d'Ana Katz
Voici un premier film argentin, singulier et attachant.
Soit
un couple de trentenaires bringuebalés dans un car qui doit les mener
sur la côte de leurs vacances amoureuses. Lui, Miguel, barbu bourru,
laconique et manifestement exaspéré. Elle, Ines (rôle interprété par la
réalisatrice elle-même), plaintive, pleurnicharde, en veine de
récriminations, n'ayant de cesse de relancer la crise. Le car marque un
arrêt, Ines descend (par erreur?), Miguel reste. Et voilà notre Ines
larguée car Miguel ne la rejoindra jamais. Un rien faraude, elle décide
d'occuper quand même la chambre réservée et le temps de vacances
imparti. Le film montre ce drôle de personnage qui bidouille, aux
prises avec sa solitude et son désarroi. Cette fille bancale oscille
entre le pathétique et l'héroïsme quotidien. Elle alterne les crises de
désespoir, les sanglots à gros bouillons, les assourdissants monologues
téléphoniques adressés au traître en cavale et les vrais accès de
courage. Car elle a du cran et de l'appétit, elle saisit les bonnes
fortunes qui se présentent, rencontres fortuites ou fêtes auxquelles on
la convie. Elle se bricole des échappées dans le malheur qui la frappe.
Elle ne s'effondre jamais durablement, elle ne s'appesantit pas, elle
résiste. Ce qui relève à priori du drame est déporté du côté de
l'humour juif new-yorkais. Dès lors, notre intérêt, alerté, se met à
frétiller. Car le film répercute quelque chose d'éminemment
contemporain: les lamentations romantiques sont caduques, le
désespoir larmoyant et les complaintes gémissantes ont cessé de faire
recette. L'apitoiement sur soi ne porte plus beau. L'anti-héros
moderne, si piteux soit-il, se sait responsable de son sort, il se bat,
il invente, sionon une dignité nouvelle du moins une morale de la
débrouille, de la lutte salvatrice. Ces accents-là, qui parcourent tout
le film, sont d'une rare justesse. De même l'observation très fine des
situations et le ton acidulé, légèrement déjanté, entre empathie et
autodérision, font de ce film bien plus qu'un objet de curiosité.
BH
08/07