Livres-Addict.fr

 AccueilLivres | Films | Expositions | Sites internet

Delphine Kreuter par Livres-Addict.fr 

"57 000 km entre nous" de Delphine Kreuter

57000km*Malgré la pléthore de signes convergents, la charge symbolique on ne peut plus marquée, il ne s'agit pas d'une fable mais plutôt d'une drôle de satire, une chronique familiale gratinée et vitriolée.

Il y a la mère, le beau-père (le père étant un superbe maghrébin transsexuel), la fille adolescente et deux jeunes enfants asiatiques adoptés. Tout ce petit monde vit sous le gouvernement du virtuel. La mère et le beau-père, timbrés de haute volée, brindezingues à souhait, ont créé un site sur lequel ils mettent des images de leur vie familiale. Ils passent donc leur temps à filmer tout et n'importe quoi, livrent en pâture la matière foutraque et pathétique de leur existence, croyant ainsi l'élever au rang de mythe ou du mois l'arracher à l'insignifiance, opérer une geste transfiguratrice alors que les images projetées révèlent et accentuent au contraire travers, vulgarité, veulerie et j'en passe. Le pouvoir de l'image est redoutable : elle jette une lumière crue, corrosive sur la lie morale dans laquelle macèrent ces personnages, elle ne pardonne rien, n'épargne personne.

 L'adolescente qui peste, persifle et s'exaspère de la dinguerie de ses parents, n'est pas en reste. Elle entretient, via Internet, une relation avec un jeune garçon qu'elle n'a jamais vu, dont elle ignore qu'il est hospitalisé, cancéreux et pour qui elle représente une salutaire diversion. Elle chatte aussi et délecte à aiguillonner un détraqué sexuel (Mathieu Amalric halluciné, complètement désancré et siphonné) qui fiat le chien, se travestit en bébé rampant, baveux et répugnant. Les cadets, quant à eux, quasiment autistes, vivent en autarcie, greffés à leurs jeux vidéo et autres prodiges technologiques.

Les parents, assujettis à leur folie, finissent par condenser une forte teneur de laideur humaine, ils évoquent des gargouilles grimaçantes, des spécimens supérieurement fêlés mais dont la fêlure inquiète et écoeure plutôt que d'attendrir ou d'émerveiller. Pas un brin de poésie dans ce délire-là. Loin d'être désignés comme les fauteurs de trouble, les médias technologiques apparaissent comme les amplificateurs d'un état de fait. Seule est sauvée la relation entre Nat, l'adolescente et le jeune cancéreux car entre ces deux-là se développe une histoire d'amour aussi délicate que poignante.

Mention spéciale aux actrices. La mère, c'est Florence Thomassin dans toute sa rayonnante étrangeté : voix acidulée et rauque à la fois, esprit on ne peut plus fantasque, folie douce à fleur de peau et de lèvres, ondoiement des hanches auquel répond le vacillement constant de la prunelle, résidus d'enfance mais d'une enfance inquiétante et torse, le tout dans un physique sculptural, un corps royal de star hollywoodienne : perturbant !

Quant à l'adolescente qui campe Nat, elle est étonnante et détonante : corps de mouche, de sylphe presque immatérielle, jambes de sauterelle miniature, un corps voué à rester inapparent mais qu'elle gaine et sangle dans les vêtements les plus provocants qui soient... Et avec ça, une insolence tranquille, des réparties sanglantes, de savoureuses saillies... Elle promène autour d'elle  un regard incisif mais dénué de haine ou d'angoisse. Elle avance, elle va son chemin, c'est l'adolescente nouvelle, déterminée et pragmatique. Quat à Marie Burgun, la jeune actrice, c'est une vraie découverte.

BH 02/08

   © Livres-Addict.fr - Tous droits réservés                                                                                                          | Accueil | Contact |