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 Rodolphe Marconi par Livres-Addict.fr 

 "Lagerfeld confidentiel" de Rodolphe Marconi

LagerfeldC'est un festival de réparties cinglantes, de sentences définitives qui fusent. C'est Karl Lagerfeld tel qu'en lui-même, plus bagouzé qu'un gothique taxidermisé, sanglé dans sa superbe, harnaché dans son austère, quasi calviniste, costume de scène.

Rodolphe Marconi l'a suivi, filmé pendant quatre ans dans son intimité (très restrictivement ouverte), dans sa vie solitaire et publique. On le voit dans ses appartements dont le luxe consiste surtout en des pièces dévorées de livres, envahies de vêtements.

Toujours en mouvement, il ne se pose, occasionnellement, que pour dessiner, fort prestement, des robes vaporeuses aux tailles étranglées qu'il orne de typex pour créer un effet satiné.

On a droit à de nombreuses scènes de transit : Karl en taxi, en avion car les voyages favorisent chez notre homme non les épanchements mais les répliques saillantes, vitriolées, les jugements expéditifs, les considérations à l'emporte-pièce.

Florilège : 

- La mode, c'est injuste, dangereux, cruel et c'est éphémère. Si on n'accepte pas ça, il faut faire un autre métier, il faut devenir fonctionnaire !

- Je suis né déterminé.

- Je peux me séparer de quelqu'un avec qui je collabore depuis 30 ans d'un instant à l'autre. Les gens connaissent mes critères et s'ils s'imaginent pouvoir faire les choses à leur idée, de leur côté, ils savent à quoi ils s'exposent, ils connaissent les risques ... Je ne vais pas remettre en question tout mon travail et celui de tous ceux qui travaillent autour de moi pour l'égo de deux ou trois connards ! ... De toute façon, les victimes ne sont jamais innocentes ...

- Je déteste kes gens qui disent " C'était mieux avant, l'élégance n'est plus ce qu'elle était, etc ..." Si on commence comme ça, on est mal parti, autant se foutre par la fenêtre tout de suite !

Ce drôle de personnage, on le suit également dans son activité (relativement récente) de photographe. Il affiche une prédilection pour les modèles masculins d'une beauté presque écoeurante et scabreusement déshabillés - parfois à la limite du grotesque.

Et, comme de juste, il défile, souverain, impénétrable, ovationné, sur les podiums de l'éphémère qui loue avec tant de ferveur.

 Ce qui émerge peu à peu, c'est un homme qui a sculpté son corps comme sa vie. Il ne jure que par la légèreté, la fugacité, ne veut s'embarrasser de rien ni de personne. Autocrate par goût et par nécessité, il semble qu'il ait été à bonne école avec sa mère qui, elle aussi, entendait ne s'appesantir sur rien et réussit, toute sa vie, à se faire adorer et servir par tout le monde, maris, amants, enfants sans jamais adresser un mot de remerciement à quiconque. "Elle devait bien avoir un don !" conclut, facétieux, le digne fils de cette femme.

Lagerfeld se dit mauvais candidat pour l'analyse, il prétend qu'il n'y a chez lui rien à découvrir car il fut exempté de toute immersion dans la religion. Mais son audace et son esprit affranchi ne lui ont-ils pas plutôt été légués par sa mère, femme absolument libre au sujet de laquelle il assène : " Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi culotté qu'elle. Moi je la trouvais géniale et je trouvais toutes les autres mères connes ! "

A la fin, il livre ce qu'il croit être la clef de son dédalesque ego. Il dit qu'il propose de ne peser sur personne de même que personne n'est autorisé à peser sur lui. Il désire ne pas être une réalité dans la vie des autres. Il se soucie tant des apparences car ce qu'il entend être, c'est une apparition ... Ainsi le roi de l'image se veut icône absolue. Il sculpte sa légende de manière à coïncider bord à bord avec son apparence.

Mais ne rien approfondir (fût-ce par décret), ne s'arrêter à rien qui soit susceptible d'éveiller tristesse, dégoût ou regret, n'est-ce pas une manière de mutilation ? Se dessine un portrait qui oscille entre le glaçant et le fascinant. On se régale de tant de brio, d'esprit corrosif, de traits mémorables. On s'amuse de surprendre le documentariste manifestement enamouré et subjugué.

Lagerfeld : personnage bien plus que personne, le masque et la pose en guise d'âme mais la cohérence et la radicalité de sa démarche forcent le respect.

Peut-être manque-t-il une pointe d'humanité ?

BH 10/07
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