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 Teona Mitevska par Livres-Addict.fr 

"Je suis de Titov Veles" de Teona Mitevska

image_titov_1C'est un film qui parle de l'innocence. De la beauté et des vertus salvatrices de l'idiotie. Un film où il est question d'une forme fusionnelle et vénéneuse de fraternité. Un amour sororal triplé, lequel se traduit à travers l'allongement conjoint des corps qui jonchent les couches ou le sol avec la légèreté d'une aile de papillon, avec la grâce transluscide d'une aurore printanière.

Nous sommes à Titov Veles, dans l'ex-Yougoslavie. Cette ville macédonienne se caractérise par les déchets et émanations toxiques que rejette l'usine du cru, spécialement prodigue en désastres et effets vénéneux. Voilà qui provoque un exode massif, les habitants désertent, quittant un à un ce site maléficié. Par-dessus les gaz plane, au moins aussi menaçante, l'ombre de Tito. Cela nous vaut des images horrifiques, des défilés scpectraux d'hommes chauves, blêmes, contrefaits, rongés, vitriolés, mortellement atteints par les émanations radioactives.

Au coeur de tout ce ravage se dressent trois jeunes femmes, trois soeurs comme trois fleurs surgies des décombres. Trois délicates boutures tout à fait incongrues, déplacées dans cet univers barbare. Et du reste, elles poussent de travers. Elles n'ont à faire qu'à des hommes frustes, grossiers qui, dans le meilleur des cas, les convoitent ou alors les toisent, les humilient ou encore les pulvérisent de leur indifférence.

Slavica, l'aînée, est corpulente et plus de toute première fraîcheur mais sa blondeur et ses rondeurs jouent en sa faveur, elles aimantent un goujat qui vient la ravir à ses soeurs pour l'épouser. Pour supporter sa condition présente et future, le blond objet du désir se came jusqu'à l'os...

image_Titov_2Sapho, la cadette, brune sylphide, svelte et pulpeuse à la fois, toute de grâce ondulatoire monnaie ses charmes, pratique l'amour tarifié dans le but d'obtenir un visa pour la Grêce.

Quant à Afrodita, la benjamine, elle est point nodal,  centre de gravité, catalyseur du trio comme du film. C'est la figure de l'innocence, de l'ange rebelle, c'est une idiote dostoïevskienne, une vierge folle. Ses courts cheveux blonds, son clair visage étonné et androgyne, son corps menu et flexible d'elfe véloce, toujours en mouvement en font une créature troublante, à la lisière entre l'humain et le féérique. Elle a choisi, pour mode présence au monde, de rompre avec la parole articulée. Son silence délibéré n'est ni une reddition ni une offensive guerrière. Pas même le manifeste de qui entre en résistance. C'est une manière d'être légère, gracieuse, délestée de tous les mots imparfaits, approximatifs, qui ajoutent à la souillure du monde. C'est un tribut offert à la pureté, une forme de virginité, encore, qui s'accorde avec les pas dansants, aériens qu'elle multiplie lorsqu'elle sillonne la ville telle une aile papillonnesque, une lutine mutine en apesanteur.

Afrodita fréquente assidûment les cabinets de gynécologie, convaincue d'avoir été fécondée par immaculée conception... C'est par les yeux et par la voix intérieure de cette figure fascinante qui nous prenons connaissance du monde gangrené qui l'entoure et dont elle s'affranchit.

Afrodita assure la tenue, la verticalité du film lequel est aussi émaillé d'images horizontales d'une saisissante beauté : celles qui nous montrent les soeurs allongées côte à côte, le corps serti dans des robes sublimes, des robes de reines, légères comme de la tulle, somptueuses comme du brocard. Ce sont là des séquences presque oniriques dont la grâce infinie (les soeurs paraissent flotter et léviter) et la poignante magnificence offrent un contraste salutaire avec la laideur ambiante.

Un film regorgeant de trouvailles et de merveilles.

Un vrai poème.

BH 04/09

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