Livres-Addict.fr

 AccueilLivres | Films | Expositions | Sites internet

 Valérie Mréjen par Livres-Addict.fr 

"En ville" de Valérie Mréjen et Bertrand Schefer

en_villeC'est un film tout de ténuité, de transes vaporeuses et de grâce. Un film qui se tient en équilibre instable sur la pointe des pieds, à l'image de l'héroïne adolescente qui s'étire démesurément pour atteindre le ciel changeant de ses désirs. 

C'est un film en fleur comme Iris (Lola Creton, saisissante) la jeune fille qui éclôt délicatement sous nos yeux. Mais c'est une éclosion heurtée qui s'accomplit au fil des visages farouches et du corps buté qu'Iris offre et oppose, tout du long, à la caméra. Et il y aura aussi des rages crachées et d'insurmontables et dédaigneux dégoûts.

Iris est pourvue d'une meilleure amie frondeuse (Adèle Haenel, toute de désinvolture bravache), d'un père perplexe et démuni à qui l'opposent des conflits fréquents (et une incompréhension grandissante), d'un petit ami ad hoc (beau gosse joliment bouclé et gentiment insipide) qu'elle fait tourner en bourrique avec la valse-hésitation de ses sentiments et les intermittences de son coeur qui ne sait pas bien encore qui et comment aimer. Iris affole un quadragénaire égaré en boite de nuit et séduit un condisciple ambitieux et exigeant qui assène force propos définitifs... Rien que de très ordinaire en somme.

Et puis, l'extraordinaire va faire irruption en la personne de Jean, (Stanislas Mehrar, captivant d'indolence magnétique) la mèche et la quarantaire romantiques, Jean qui arbore un air lunaire, vague et perdu, qui est photographe échoué dans cette petite ville portuaire où il est venu en résidence et, semble-t-il, véritablement se perdre car il se concentre sur les zones désaffectées et que son objet est le vide et sa préoccupation première et passion principale l'ennui.

Iris et Jean se rencontrent en bordure, dans les marges, dans la voiture de Jean et il va se développer entre eux une relation d'une nature étrange, complexe, délicate et (à l'image de Jean) doucement violente.

en_villeEntre l'homme et l'adolescente se noue un dialogue ténu, subtil et, dans le même temps, extrêmement puissant car chacun est pour l'autre la limaille qui tire, qui aimante la vie tout entière et les gisements inexploités viennent au jour et toutes les sources cachées, démurées, affluent en secret.

Et on est loin des figures imposées et éculées. Car Jean le retranché, le doux rêveur doucement accidenté, est tout sauf un séducteur chevronné et Iris n'est pas davantage une Lolita calibrée.

C'est une vraie rencontre qui est ici filmée et une rencontre au plus profond car chacun trouve en l'autre la part de poésie qui manquait à sa vie.

Et comme toute vraie rencontre, celle-ci est atomique. Iris va réensemencer le flux créateur en berne de Jean. Elle va se faire, fugacement, presque forfuitement, égérie et modèle de Jean. Jean qui, jusqu'alors, ne photographiait que des lieux, des paysages industriels désolés et excavés et qui, soudain, se trouve entièrement requis par une matière humaine, une personne, quelqu'un à aimer. 

Les rêves qu'enfante ce drôle d'amour si fort dévorent l'écran. Mais tout, dans cette alliance aussi improbable que magique, est si fragile et menacé. Et d'abord parce que Jean est marié, pourvu d'une jeune femme (Valérie Donzelli, idoine) aussi pétulante que dévouée...

Et tout est filmé sobre et intègre, sans concession ni aux poncifs ni aux images suggestives et racoleuses.

Une étonnante première oeuvre, toute de pudeur et de délicatesse. Une dentelle de film.

BH 06/11

   © Livres-Addict.fr - Tous droits réservés                                                                                                          | Accueil | Contact |