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 Arnaud des Pallières par Livres-Addict.fr 

"Parc" d'Arnaud des Pallières

image_parcC'est un film d'une beauté inquiétante, rongeante, vénéneuse. Un film plein d'infiltrations toxiques et hypnotiques. On se trouve dans "Parc", banlieue pavilllonaire indéterminée et parfaitement aseptisée.

Tout est d'emblée placé sous le signe d'une dualité marquée et même forcenée. Deux "cas", emblématiques tous les deux, s'opposent, alimentent un antagonime foncier et persistant.

Il y a, d'une part, le bourgeois archétypal, d'un conformmisme vomitif (Sergi Lopez à qui l'on a raboté son inquiétante aura) gratifié tout de même, en la personne de Nathalie Richard, d'une femme très belle, délicate, impeccable, pleine de grâce et d'un charme piquant. Ce couple répond au patronyme de "Clou" et hérite d'un voisin baptisé "Marteau" (sic !), un Jean-Marc Barr hiératique, aristocratique en diable, impressionnant d'opacité, de douleur rentrée et flanqué, lui, en guise d'épouse, d'une longue tige blonde et névropathe qui agrémente les dîners mondains de sorties détaillant les frasques sexuelles nécessairement déviantes de son mari. Le sieur Marteau accueille, impavide, ces intempestives douceurs et cependant son visage marmoréen se craquèle, visiblement fracturé et délabré sous le vernis inentamé. Le froid jeté se mue en une glaciation assez terrifiante.

Le petit monsieur Clou, voisin (forcément!) de Marteau semble, quant à lui, épargné par ces affres d'une conjugalité retorse. Il bricole, aménage, coupe, taille, élague, dans une parfaire insouciance, une parfaite inconscience et une autosatisfaction inentamable. Mais la vie de cet homme, mécanique bien huilée, va s'enrayer, la façade idéalement vernissée va se fissurer. Il est père d'un adolscent qui sera l'agent et l'indice de la fracture. Un beau jour, ses parents le découvrent gisant sur son lit, terrassé, l'âme soufflée, liquidée. Il ne peut plus faire face car, affirme-t-il, il a le sentiment d'être un personnage de téléréalité et qui n'importe qui peut l'éteindre et appuyant sur la télécommande. Le seigneur Marteau, lui non plus, n'en peut plus de cette existence dessubstantifiée. Retranché derrière la verrière parfaitement étanche de sa somptueuse villa, il contemple d'un oeil éperdument fixe l'inanité qui s'offre à lui.

image_parc_2Recevant, le temps d'un week-end, sa lady anglaise de mère (Géraldine Chaplin, toujours aussi racée et radicalisée jusqu'à l'os), il est saisi d'une illumination. Tout comme lui, sa mère déplore la corruption générale de l'époque et elle préconise, pour y remédier, une méthode imparable : crucifier un homme sur la porte d'une église afin que le monde soit purifié ... Marteau, résolu à appliquer le programme maternel, jette son dévolu sur Clou ...

Si le choix des patronymes ressortit apparemment du burlesque, on est en réalité très loin de la farce. On est précipité dans une fable glaçante qui stigmatise avec brio, et sans jamais quitter les chemins de traverse, les travers de l'époque. L'esthétique du film est, pareillement, d'une splendeur glacée qui donne le frison.

Et cependant tout n'est pas univoque : au coeur de cet univers délétère, Arnaud des Pallières s'offre le luxe d'une paranthèse brûlante, sublime, le temps d'une étreinte fiévreuse autant que somptueuse entre Sergi Lopez et Nathalie Richard.

Les corps sont là, nus, entrechoqués, feux liquides qui célèbrent magnifiquement la vie.

Les corps sont là et ils résistent.

Un film d'une singularité totale, sombre, habité, envoûtant.

Un film autre, magnétique, entêtant.

BH 01/09
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