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 Micha Wald par Livres-Addict.fr 

 "Voleurs de chaveaux" de Micha Wald

voleursdechevauxC'est un film sans ancrage précis sinon dans les corps. Cela se passe, nous dit-on "quelque part à l'est vers 1810". Le film est divisé en trois chapitres, trois partitions musicales qui portent des titres énigmatiques : "Lui", "Eux" et "La traque". On a à faire à deux binômes, deux fratries ennemies. Ce sont quatre jeunes hommes, des corps sauvages qui peinent à dompter leur sang bouillant. Entrent d'abord en scène Jakub (Adrien Jolivet) et Vladimir (Grégoire Leprince-Ringuet) qui s'enrôlent, parce qu'ils y trouvent gîte et couvert, dans une armée de cosaques. Pour Jakub, il s'agit aussi d'éprouver son courage voire sa témérité et de ciseler au grand jour son sens de l'honneur cependant que Vladimir, pleutre et vulnérable, ne s'engage qu'à contrecoeur. Car les deux frères sont des gueux, des pouilleux et pour cela en butte aux brimades et aux vexations de leur supérieur comme de leurs pairs. Jakub, Zébulon fier et farouche, s'insurge et relève, bravache et frondeur, tous les défis quand Vladimir, ployé et hoquetant, se laisse odieusement persécuter. Les traverses, les revers de fortunes éperonnent l'ainé tandis qu'ils abattent le cadet lequel s'affaiblit de jour en jour.

Le second duo fraternel intervient pour porter le coup fatal à ce dernier. Voici donc "Eux" : Roman (Grégoire Colin) et Elias (François-René Dupont), "bandits de grand chemin", maraudeurs patentés, ce sont les voleurs de chevaux et ils vont ravir ceux des jeunes cosaques imprudemment laissés sans surveillance sur le rivage pendant que leurs propriétaires se délectent d'un impromptu bain lacustre. S'ensuivra un affrontement féroce à l'issue duquel Vladimir trouvera la mort. Le dernier volet, "La traque" narre donc l'équipée furieuse de Jakub qui se confond désormais avec sa soif de vengeance. Mais il s'agit aussi du portrait brossé à traits vifs, coupants, des deux autres frères. Roman, l'ainé, est un bloc de rage compacte et brûlante. C'est un torrent de lave totalitaire qui exerce sur son frère une tyrannie absolue. Il accomplit ses forfaitures sans états d'âme. Son regard est une lame qui divise sans merci, ses mots dépècent. Quant à Elias, le cadet, c'est un ingénu, un tendre, accessible à la pitié, enclin au pardon, saisi par des vagues, des accès de douceur. Il se laisse circonvenir, happer par une jolie brunette mais ces amours enfantines seront durement châtiées par l'irascible et implacable frère aîné.

C'est un film à fleur de peau, tout d'émois et de sensations brutes. Les corps, souvent dénudés, occupent tout l'espace scénique, tout l'espace dramaturgique et leurs reliefs ciselés, lustrés, animés d'une vie débordante, hypnotisent. On a du reste le sentiment que certaines situations n'existent que pour permettre à ces jeunes corps de s'ébrouer, de s'ébattre, de donner la mesure de leur beauté. Car c'est avant tout un film esthétique et exquisément stylisé.

C'est aussi un film qui révèle ou confirme de jeunes acteurs. Grégoire Colin en tête qui impose une fois de plus sa noblesse native, sa beauté sombre, aiguisée, son jeu félin et pulsionnel, sa présence magnétique en diable, sa violence à fleur de nerfs, son physique de jeune premier ténébreux détourné des emplois auxquels on est supposé l'affecter. On découvre, dans le rôle de son jeune frère, François-René Dupont, jeune homme en fleur, vibrant à souhait, beauté séraphique, visage de chérubin, corps dans lequel la tendresse le dispute à la vigueur. On mesure surtout l'étendue du talent d'Adrien Jolivet débarrassé des afféteries, du vernis de branchitude vulgaire qui le déparait dans ses précédents films. Ici, il est un corps incandescent, une architecture de nerfs en fusion, un concentré de rébellion pure et sa révolte le grandit, lui prête une beauté convulsive. 

C'est un récit empreint d'un sombre lyrisme mais c'est surtout un film de célébration, un film qui louange la beauté et la jeunesse magnifiées par la lutte et par les forces de dépassement à l'oeuvre en elles.

BH 12/07

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