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 Peter Weir par Livres-Addict.fr

"Pique-nique à Hanging Rock" de Peter Weir

image_picnicC'est un film de fleurs et de flux. Un film d'ondes liquides et magnétiques. Un film qui ressemble et cependant surprend. On croit reconnaître, on croit pouvoir épingler, assigner et on est dérouté et débouté.

Tous les poncifs du roman victorien sont présents mais le film avance par bonds, par sautillement primesautiers, il refuse de se laisser réduire, il excelle dans le pas de côté et c'est l'étrangeté qui l'emporte.

On se trouve quelque part dans la lande australienne dans un pensionnat de jeunes filles en plein XIX° siècle. Il y a des passions brûlantes et oblatives, des adolescentes dont la beauté fraîche éclose s'ébroue et affole, une jeune professeur de français toute charme, délicatesse, sensibilité et son antipode, son parfait contrepoint, sèche et revêche et aussi la directrice, granitique, jalouse de son pouvoir et âpre au gain. Il y a des adorations secrètes ou avouées, des discriminations sociales, d'odieuses persécutions. Il y a un défilé incessant d'éblouissantes beautés nubiles mais il y a trop de grâces (les trois botticcelliennes sont du reste explicitement évoquées) et trop de grâce pour que la grâce soit sans revers et sans venin.

Les belles ont l'éveil vaporeux, chorégraphié, voluptueux. Trois d'entre elles tranchent. Il y a Miranda, la blonde et évanescente béauté vénusienne, Sarah la brune orpheline ombrageuse adoratrice de Miranda et Irma une autre brune altière à la découpe sculpturale.

Après l'éveil des fées dans leur berceau floral et nacré, c'est le branle-bas: c'est le jour de la Saint-Valentin et nos demoiselles ont droit à une exceptionnelle sortie pique-niquée dans la forêt prochaine. Toutes sauf Sarah dont le tuteur n'a pas réglé les frais éducatifs et qui, de ce fait, se trouve consignée au pensionnat, occupée tout le jour à aduler Miranda qu'elle invoque secrètement et pour laquelle elle confectionne des offrandes votives.

Une menace plane, (assez lourdement) explicite depuis les premières images. La mordorée, l'éthérée Miranda va même jusqu'à avertir sa thuriféraire Sarah qu'elle ne la reverra probablement pas.

image_picnic2Et voici nos jeunes filles qui jouent à "promenons-nous dans les bois". Après le fameux pique-nique, quatre d'entre eles se détachent du troupeau languide, gracieusement somnolent pour s'aventurer en hauteur vers les roches marquées du sceau de l'interdit. Il y a là, la diaphane Miranda bien sûr, Irma mais aussi une charmante bigleuse insignifiante et une boulotte lunettée, elle aussi et qui, non contente de cumuler les disgrâces physiques, ronchonne continuellement.

Leur passage dans les bois est magnifié par des ralentis suaves qui frôlent  la mièvrerie. Miranda, notamment, a droit à de longs étirements arachnéens qui l'égalent à la fée des alpages... Le chemin des filles croise celui de deux jeunes garçons, un fruste et brun orphelin taillé dru et pragmatique (il s'avérera être le frère de la ténébreuse Sarah) et un délicat héritier blond qui ne se remettra pas d'avoir percuté la divnie image de Miranda.

Au retour, quatre des parties manquent à l'appel : Miranda, Irma, la douce effacée et plus surprenant, la rechignée accompagnatrice. La seule rescapée est le grommelant repoussoir qui pousse les hauts cris...

Le film alterne alors des scènes de battue (auxquelles participe avec acharnement l'héritier magnétisé) et des plongées dans le pensionnat qui se cristallisent autour de la figure de Sarah, éperdue de perte, de plus en plus abjectement persécutée par la directrice à mesure que l'enquête n'avance pas et que des parents retirent leur fille de l'établissement...

Car les disparitions durent et demeurent inexpliquées et les évaporées-volatilisées exercent sur les implantés une fascination qui les désaxe et les désancre peu à peu. Les jeunes évadées incarnent le mystère et acquièrent le statut de divinités agrestes. On est dans un curieux film de genre, à la croisée du fantastique et du romantisme exacerbé et assumé.

Oui, une vraie curiosité et un film qui vaut pour son esthétique superbe quoique sucrée.

BH 08/09

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