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Kim-ki-Duk par Livres-Addict.fr 

"Souffle" de Kim-Ki-Duk

SouffleNous sommes en Corée. Apparaît une femme sublime, sorte d'Adjani asiate dont le visage est comme délavé par la tristesse. Elle s'occupe de sa fille, une écolière mutine, s'absorbe dans des tâches ménagères et sculpte des anges chagrins et sidérés. Elle est très seule et s'ennuie profondément. Elle est mariée à un bel homme froid qui la trompe sans vergogne.

A bout de désespoir et de désoeuvrement, elle décide, sur un coup de tête, de rendre visite à un détenu condamné à mort dont les tentatives de suicide répétées sont largement médiatisées.

La rencontre entre ces deux éclopés se produit sous le signe de la fulguration. Immédiate et durable. La jeune femme se trouve face à un homme intégralement mutique et qui le restera d'un bout à l'autre du film mais l'intensité de son silence n'a d'égale que celle de sa présence qui magnétise littéralement l'espace. La belle délaissée déploie des trésors d'ingéniosité pour adoucir le sort de cet homme peu commun. Elle transforme les murs de la prison en un décor bucolique, elle fait défiler les saisons plus fleuries et chatoyantes au fur et à mesure de ses visites et s'illustre dans de spectaculaires karaokés. La fantaisie est à son comble, la fantasmagorie aussi. Un amour incandescent se développe entre ces deux êtres que la souffrance érode autant qu'elle exalte leur beauté noble et épurée. Mais si la jeune femme doit bientôt faire face aux salves de jalousie d'un époux que ses forfaitures n'empêchent pas de se montrer tyrannique et possessif, le condamné à mort a, pour sa part, à composer avec les ruées sauvages d'un codétenu auquel il inspire une passion sans équivoque. Laquelle donne lieu, au sein de la cellule qu'ils partagent, à des scènes hypnotiques au cours desquelles l'amoureux transi circonvient le beau taiseux, le couvrant de soins, d'attentions, de caresses plus ou moins appuyées, esquivant ses coups en des voltes agiles lorsque l'autre se rebiffe ou se montre récalcitrant. Au gré de ces ballets fervents, l'univers carcéral se mue en un lieu presque enchanté, creuset de multiples fécondités qui voit se déployer des chorégraphies des plus inspirées.

Le point d'orgue est atteint dans l'une des dernières scènes. Le mari sourcilleux de la jeune femme lui ayant formellement défendu de revoir le charismatique détenu, celle-ci s'était pliée à son vouloir. Mais, à la veille de l'exécution, elle transgresse l'interdit et part retrouver l'homme aimé. A ce moment-là, le mari est touché par une sorte de grâce rédemptrice puisqu'il offre à sa femme de la conduire auprès de son rival. Ils emmènent leur petite fille et le ciel lui-même se met de la partie puisque la neige tombe subitement, formant rapidement un épais tapis et père et fille s'euphoriseront dans ce paysage féerique cependant que leur mère et épouse rejoint son aimée.

On assiste alors à une scène poignante et de toute beauté. Dans une cellule nue et sous les yeux d'un gardien (qui très vite, conscient du caractère sacré du moment, se détourne) les corps, déchirés de désir se heurtent, se cognent, se mordent au sang et l'amour, violent et sublime, se fait en lisière de la mort.

C'est un film empreint d'une profonde mélancolie et cependant irradié d'un enjouement et d'un ludisme inattendus.

Le "souffle" du titre est à l'oeuvre tout du long. Il est dans l'amplification apportée par la poésie à l'oeuvre, il est dans la beauté des visages et des corps qui transcendent la noirceur des situations, il est dans toutes les images qui semblent proclamer : "la création, c'est la nuit transfigurée".

BH 12 /07
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