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  Wim wenders par Livres-Addict.fr 

 "L'état des choses" de Wim Wenders (1982)

etat_choses"L'état des choses" est un film de pure vacance ou plutôt de vacation forcée.

Sur la côte portugaise, un réalisateur allemand (Patrick Bauchau fascinant d'élégance et d'apparente désinvolture) tourne un film de science-fiction "Les survivants". Faute de pellicule et de subsides, le tournage est interrompu. Le producteur (véreux) a pris la fuite, il est introuvable, injoignable et la reprise du tournage est suspendue à sa réapparition.

En attendant, il s'agit pour chacun d'apprivoiser, de modeler le vide. Quel usage peut-on en faire? Certains s'en accommodent, se réjouissent même de cette trêve inespérée qui valeur permettre de s'essayer à une respiration nouvelle. D'autres s'irritent, s'agitent, se perdent en conjectures, en exaspérations stériles. Wenders filme un délitement, un enlisement, une angoisse qui affleure à chaque instant et cette question qui se pose à chacun : comment s'arrange-t-on d'une liberté totale subitement octroyée et de l'absence déconcertante de structures ? Le temps s'étire et le film devient bientôt temporalité pure, flux sans support. Certains comédiens épousent ce flux, deviennent des passants, gracieuses figurent du passage mais il en est d'autres qui renâclent et s'épuisent à résister au rien.

Ce rien, ce sont les enfants et les femmes qui l'habitent avec le plus de naturel : elles en font une matière ludique ou poétique (une femme peint, l'autre joue du violon, une troisième lit avec ferveur, les fillettes s'inventent des mondes et s'enchantent de menées turbulentes). Confrontées au rien, les femmes créent ou elles consentent. Les hommes, eux, s'alcoolisent, s'égarent dans des violences ouvertes ou retournées contre eux-mêmes.

Mais plus qu'une réflexion ou une démonstration, ce film est une longue errance, une déambulation poétique. Le rythme est d'une lenteur hypnotique. La caméra musarde, s'attarde démesurément, elle saisit des petits riens, des menues pépites dont l'éclat nous éblouit.

On se trouve aussi dans un manifeste, dans une version à peine transposée, à peine métaphorisée du conflit qui, à l'époque, opposait Wenders au cinéma américain lequel le sommait de développer des "histoires", des intrigues calibrées et en couleur.

Or dans "L'état des choses" l'image, en noir et blanc, est d'une suffocante beauté. Ces rêveuses images, parce qu'elles sont en noir et blanc, sculptent et subliment lignes, volumes, reliefs. L'ensemble est saisissant, somptueux et c'est un instant appel à vivre libre, à oser voir autrement, à prendre le temps d'être.

BH 09/07

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