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 Guy Maddin par Livres-Addict.fr 

"Winnipeg, mon amour" de Guy Maddin

image_Winnipeg-mon-amourGuy Maddin est un fou à boussole et à bascule contrôlée, un déviant rigoureux et très orienté. Il n'a pas son pareil pour subvertir les tracés rectilignes, les formes fixes et les genres établis.

Cette fois-ci, il s'attaque comme de coutmue, à l'exploration rétrospective, à la matière autobiographique qui est le ferment de son oeuvre mais il le fait sous un angle particulier : il revisite Winnipeg, sa ville natale, à sa manière oblique, décalée, doucement ivre et hallucinée.

Les prismes et les angles d'approche choisis pour absorber cet espace sont métaphoriquement, symboliquement gorgés voire surchargés. Les références sexuelles abondent. Winnipeg est perçue par Guy Maddin comme une matrice géante, le tracé des lignes géographiques redoublant celui des lignes mentales: la topographie intérieure ne se contente pas de se superposer à la réelle, elle la gouverne absolument. Tout part de "la Fourche", de la rencontre de deux rivières qui confluent et évoquent, motif obsédant et récurrent, "l'origine du monde" vue par Guy Maddin, à savoir le sexe féminin et, plus précisément, le sexe maternel.

Et, bien sûr, la mère est légion, la mère, figure éternellement redoutable et castatrice. La mère (Ann Savage, myrthique et magnétique) qui par exemple gourmande sa fille nubile venue pleurnicher pour avoir véhiculairement heurté et occis un daim. Or la mère extralucide décrypte immédiatement le sens caché et très freudien derrière le discours apparent : elle agonit sa fille car elle la suspecte de s'être fait lutiner sur la banquette arrière de la voiture...

La charge sexuelle est également très présente sur le versant masculin: on a droit à des séquences très évocatrices mettant en scène les odorants vestiaires du stade de hockey ou encore un prétendu goûter d'anniversaire qui se tint à la piscine, auquel fut convié le narrateur, lequel, à sa vive stupéfaction, assista en guise de séance natatoire, à un déferlements de gamins nus et hurleursse livrant à de secrètes bacchanales.

image_Winnipeg-mon-amourEt Guy Maddin se remémore l'épisode qui le vit, à l'âge de trois ans, petit animal lâché au coeur du collège de jeunes filles, déambuler, ébloui, parmi les jupes des filles. On voit la séquence à hauteur de ce presque bébé: un défilé, on ne peut plus suggestif, de hautes jambes exquises, de nymphettes idéalement minijupées...

Il est aussi question des us et coutules de Winnipeg, pratiques et rites étranges, tel ce concours de virilité organisé par un maire friand d'éphèbes et qui voyait défiler de jeunes athlètes très dévêtus...

Mais ce qui domine, c'est le paysage, la ville elle-même, à peine réelle, sempiternellement saisie dans la glace, prise de gel, couverte et ouatée de neige si bien que les winnipegois semblent condamnés à errer et déambuler tels d'incurables et somnanbuliques spectres.

Du reste, on assiste à des séances de spiritisme, longuissimes, renouvelées, dont on ne sait si elles invoquent les morts ou exhortent les vivants à ne pas tout à fait ni tout de suite traverser la frontière...

Tout, dans cet espace, est distordu et tout est magiquement redéfini. Et ce lieu, aussi hanté et gothique que la mémoire de Guy Maddin, est saisi dans un noir et blanc d'une beauté renversante, un noir et blanc trouble et troublant qui nous déporte en lisière de l'onirique et en plein coeur du fantasmatique.

Mais l'enchantement ne serait pas complet sans la voix de Guy Maddin lui-même qui scande ces singulières séquences de stances incantatoires absolument hypnotiques.  Le commentaire est mené à fond de train, il épouse le rythme dément des sursauts et ressauts mnésiques.

Sans cesse, et pour notre ravissement, Guy Maddin oscille entre nostalgie poignante, désir d'échappement et euphorie dionysiaque.

Entre vision lévitante, transe mémorielle et ruée fantasmagorique, on touche là la racine, la quintescence de l'envoûtement.

BH 10/09

"Des trous dans la tête" de Guy Maddin

image affiche trous dans la teteC'est à un étrange périple que nous convie Guy Maddin. Il nous entraîne dans les méandres et les sinuosités de son enfance revisitée, soulevée par les transports de l'imaginaire.

Nous voici projetés dans une île battue oar les flots, île qui abrite un insolite microcosme.

Il y a d'abord la mère, ogresse despotique qui régente implacablement son petit monde, l'épiant du haut du phare à l'aide d'une longue-vue, le tançant, le vitupérant avec virulence et battant le rappel des troupes au moyen d'un porte-voix de sa confection.

Quant au père, silhouette à peine entrevue, il vit terré dans un entresol qui lui tient lieu de laboratoire et il se livre là à d'inquiétantes expériences menées sur des orphelins placés sous sa garde.

Guy Maddin se représente sous les traits d'un jeune garçon d'une dizaine d'années en butte aux pulsions incestueuses de sa mère et cherchant refuge auprès des orphelins lesquels s'essaient à de terrifiantes et cannibales pratiques de sorcellerie.

image trous 2Enfin il y a Sis, la soeur aînée de Guy, fragile, magnétique et surannée beauté adolescente qui prend son envol, mène sa vie aérienne et traversière, s'absorbe dans de sauvages battues secrètes cependant que la mère échoue à l'épingler, à l'écraser comme elle le souhaiterait.

L'irruption et la matérialisation de deux créatures fictives et feuilletonnesques, détectives de leur état, pousse encore un peu plus vers la déglingue un propos déjà passablement divagant, Jeunes, délicats, androgynes en diable, bruns au teint d'albâtre et idéalement beaux, nos deux jeunes enquêteurs qui répondent aux noms de Wendy et Chance, vont achever de semer la zizanie au sein de cette famille sismique.

Sis s'éprendra du jeune Chance et Guy, foudroyé pour avoir entrevu son affolante poitrine, découvrira qu'il s'agit d'une fille se livrant en compagnie de sa soeur à de brûlantes agapes érotiques, la mère continuera à jeter ses imprécations, le père à triturer la matière humaine et Guy lui-même à funambuler au gré de ses menées flbustières jusqu'à ce que la charge de haine se catalyse, que meutre, résurrection zombiesque et proscription s'en mêlent ...

Guy Maddin mêle allègrement les genres, n'hésitant pas à brasser conte gothique, néoexpressionnisme, pincée de surréalisme et romantisme exacerbé. L'enfance ainsi ressucitée livre ses ressources ludiques, horrifiques et enchanteresses. L'image en noir et blanc, à la fois graphique et noyée, accentue le caractère onirique de l'ensemble. Le moins que puisse dire de ce film, muet, soniquement scandé d'une voix off (celle, chaude et prenante, d'Isabella Rossellini) et découpé en douze chapitres qui nous plongent dans un livre d'images échevelées, c'est qu'il ne ressemble à rien et c'est un compliment !

BH 10/08
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