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Toutes les critiques livres de Livres-Addict.fr

"L'Envoleuse" de Laure des Accords (Verdier)

Laure des Accords ne nous raconte pas une histoire selon un mode classique et une progression linéaire, elle nous égare et nous plonge dans un fouillis confus de sensations dont il nous appartient de démêler l'écheveau. Les temps, les époques se percutent, les émotions se catapultent. C'est une histoire d'amour plurielle et des plus singulières qui se multiplie, se diffracte, se partage dans le temps et entre les corps. Romain et Guillemette, en bout de course, en bord de mort, se remémorent, en épisodes saillants et sensations aiguës, l'amour qui, depuis l'enfance, les unit. Ils ont dû, pour trouver le chemin vers l'autre, surmonter des écueils, conjurer des impossibilités.(suite)

"L'envers des autres" de Kaouther Adimi (Actes Sud)

image_enfer_kaouther_adimiC'est un entrelacs de voix cassées, éraillées, parfois caracoleuses et bondissantes mais toujours fragiles, toujours prélevées sur le tranchant du péril. C'est un texte d'une beauté amère et désolée. C'est un sang véhément, violent même, qui irrigue ces voix mais la vie qui bat dans ces corps est une vie captive, une vie sans exutoire. C'est un texte qui met en scène et en voix les enfants de l'Algérie contemporaine et ces enfants-là sont gravement désaxés.(suite)

"Corps volatils" de Jakuta Alikavazovic (L'Olivier)

image volatilsC'est un livre en apesanteur, peut-être même un livre sur l'apesanteur. Les personnages tiennent à peine au sol, ils semblent toujours en passe de s'évaporer et ce n'est donc pas un hasard si le narrateur, Colin, tire sa subsistance du trafic de narcotiques qu'il effectue pour le compte de Quentin, son colocataire, ami et accessoirement médecin véreux. Colin, donc, fournit en produits illicites des femmes vaporeuses, des élégantes poreuses...(suite)

"Petit éloge des petites filles" d'Eva Almassy (Folio Gallimard)

image_almassyEva Almassy parle des petites filles comme personne. Elles apparaissent, ciselées sous sa plume, plus vraies que nature. Les fictives et les réelles.Car être une petite fille, c'est toute une affaire et ensuite, c'est l'affaire d'une vie que de chercher à restituer, à ressusciter cet état au plus juste, que de restaurer le lien avec ce monde enfui (enfoui ?), tout de périlleux enchantements. (suite)

"Anna la nuit" de José Alvarez (Grasset)

image_alvarezC'est un récit colchique. Un texte fleur-vénéneuse qui prend racine en vous et diffuse loin dans le corps ses pousses et son magnétisme funestes. Il y a un parfum à la Huysmans, des raffinements corrompus, une jouissance perverse à étreindre la noirceur, un vif plaisir à se gorger de délices décadentes. Mais c'est aussi et d'abord un hymne éperdu à la femme aimée et perdue. Cantate et thrène. Cadence incantatoire et Cantique des cantiques ébouillanté, versé vif dans le chaudron des ténèbres. (suite)

"Liquide" de Philippe Annocque (Quidam)

image_liquideVoici un texte d'une frappante et flagrante originalité. Un texte qui emprunte, pour évoquer les sujets éternels (l'amour, l'origine, l'identité, la mort), des voies inusitées. Un texte  qui avance par capillarité thématique et compose, peu à peu, par versement de mots, cousinage, alliage et contagion de sens, une étrange et envoûtante mosaïque. (suite)

"Liège, oui" de Joanne Anton (Allia)

Joanne Anton nous entraîne au fil d’une quête identitaire qui se déploie à travers un prisme particulier. Celle qui parle est une identité révoltée contre la convention qui, tyranniquement, replie une personne sur ses origines et, singulièrement, ses origines géographiques. Ce que la narratrice de Joanne Anton récuse, c’est son appartenance à la ville de Liège et ses connexions supposées avec elle. La narratrice a élu domicile à Paris où elle s’est exilée volontairement. Elle a beau avoir quitté Liège depuis une bonne quinzaine d’années, les renouements, sporadiques et aléatoires, avec son berceau originel continuent de constituer, chaque fois, une épreuve. (suite)

"Le Moi-peau" de Didier Anzieu (Dunod)

Il faut lire "Le Moi-peau". C'est bien plus qu'un livre de théorie psychanalytique, c'est un tissage de mots qui crée du trouble et du sens, du lien et du liant, qui avive et qui panse. Le postulat (génial et génialement étayé) de Didier Anzieu est que la peau n'est pas cette enveloppe neutre et purement fonctionnelle à quoi nous tendons à la réduire mais qu'elle est une entité psychique à part entière et que c'est à partir des informations qu'elle enregistre dans la prime enfance que se constitue la personnalité. (suite)

"A ciel ouvert" de Nelly Arcan (Seuil)

image ciel ouvertC'est une histoire d'aujourd'hui. Une fable qui est aussi une radioscopie. Aliénation scalpellisée. Nelly Arcan s'était livrée en pâture dans ses deux premiers textes ("Putain" et "Folle") auscultant tour à tour la condition de prostituée et la dureté voire l'impossibilité des rapports amoureux. Elle délaisse ici le matériau purement autobiographique pour le récit romanesque mais elle n'en poursuit pas moins son exploration des états-limite dans lesquels la société contemporaine précipite les femmes mais aussi les hommes. (suite)

"Tromba" de Ben Arès (maelström reevolution)

"Tromba" est un texte qui défile et s'effile sur le tranchant d'une quête qui est aussi une errance, une immersion et une perdition consentie. Il est constitué de deux volets, deux parties qui souterrainement  se répondent et donnent la parole, successivement, d'abord à une instance masculine puis à des voix féminines. C'est un homme donc, "L'Etranger", qui, au commencement, s'enfonce dans la touffeur d'une île malgache. Il est assailli d'impressions, criblé de sensations crues et il recense, étourdi, couleurs, odeurs, saveurs, rythmes, balancements, déhanchements qui dévalent et lui entrent dans le corps. (suite)

"On sait l'autre" d'Edith Azam (P.O.L.)

Edith Azam est une corsaire du verbe. Elle sabre la syntaxe et se joue souverainement des codes de la narration. Elle nous jette, ex abrupto, à l'intérieur d'un "on" indistinct et singulier qui se trouve en état d'alerte. Un "on" reclus en ses appartements et perclus d'angoisse, soulevé de panique car il s'attend au pire, s'apprête à se voir assiégé par "l'autre", figure pressante, oppressante, figure de la menace par excellence. S'engage alors un ballet préventif et défensif qui consiste, pour le narrateur, à parer les coups, à colmater les bèches sensibles, à conforter les bases précaires de la forteresse érigée. (suite)

"Décembre m’a ciguë" d’Edith Azam (P.O.L)

Edith Azam doit ressembler à un elfe fouineur, un faune aux oreilles très pointues. Et très pointées. Car elle perçoit tout et capte même les infrasons, les vibrations pulsatiles, les pulsations sur basse continue, les mots inarticulés, imprononcés ou proférés dans une langue indéchiffrable, une langue qui n’est pas la commune, celle dite de la tribu. Et c’est une écriture comme une arbalète qui ajuste son tir et jamais ne manque sa cible. Et c’est comme un haïku prolongé et qui s’attache à dire le plus improbable. Car le texte tout entier n’est rien d’autre qu’une manœuvre dilatoire et conjuratoire. (suite)

"Vita (La vie légère)" de Leonor Baldaque (Gallimard)

vita_la_vie_legere_baldaqueC'est un livre de terre, de feu, mais d'air surtout. Un texte suspendu, qui s'élève indéfiniment comme gonflé à l'hélium et tient, en apesanteur, sur le fil de l'improbable, dans les méandres de songeries qui sont tout sauf creuses. C'est un texte d'éther et d'envol, une miniature ciselée qui plane très haut mais qui, cependant, fait la part belle aux sens, qui est tout entier une traversée sensorielle, qui ne tient que par le recensement infatigable des sensations à vif. (suite)

"Les jours clairs" de Zsuzsa Bank (éditions Piranha)

C'est un texte plein d'eaux troubles, de lumières tamisés, de temps suspendus. C'est un poème en prose ou une prose quasi céleste qui couvre l'étendue d'un long roman et qui, cependant, pas un instant ne distille l'ennui ni ne donne le sentiment d'être abstruse, hermétique, affectée ou superflue. C'est si beau, si déchirable, qu'on tremble presque face à tant d'inespéré. Ce sont des enfances dansées, des adolescences cabriolées, des lumières déposées et tout le tragique de l'existence filigrané, piqué en points si délicats qu'ils éraflent à peine. Et pourtant ils s'impriment profond, soulèvent silencieusement et bouleversent. Et, toujours, la grâce préside à toute chose. (suite)

"Le nageur" de Zsuzsa Bank (Christian Bourgois)

image_nageurC'est une voix pâle et presque atone, une voix d'eau étale qui traverse ce livre étrange et délicat. C'est la voix de Kata, une enfant qui raconte la Hongrie de 1956, le départ brutal de sa mère pour l'Ouest et le désemparement qui s'empare des autres membres de la famille : le père, abîmé dans le silence et dans ses rêveries hautement nicotiniques, Isti, le petit frère singulier  qui entend des choses "qui ne produisent pas de son" et elle-même, fidèle vigile, observatrice et accompagnatrice des deux autres. (suite)

"Versions de Teresa" d'Andrés Barba (Christian Bourgeois)

C'est un texte de trouble, de tremblements et de voix alternées. C'est la chair empêchée dont les poussées véhémentes, bien que muselées, éclosent de singulière Ensorfaçon. C'est l'histoire d'une double fascination, d'un corps plein qui est aussi un corps en creux, qui cristallise attentes, émois, fantasmes et qui, malgré lui, s'agrège et s'accapare deux vies. C'est la sombre mélopée, la douloureuse lancinance du désir qui descend loin dans les mots et dans la chair. (suite)

"Emmaüs" d’Alessandro Baricco (Gallimard)

C’est un texte de fièvre et de saccades. Un incendie qui court sous la peau et entre la couture serrée des mots. C’est une incantation chuchotée, un récit tout ensemble cru et pudique, tissé de poésie en creux et de lyrisme rentré. C’est l’histoire d’un envoûtement pluriel. Une sorcellerie proliférante. Racontée par une voix seule mais qui en charrie d’autres, se gonfle, s’augmente et s’irrigue d’elles. Un peu à la manière d’un chœur antique. Et c’est aussi, cette voix multiple, la troublante indistinction de l’adolescence. (suite)

"La femme d'un homme qui" de Nick Barlay (Quidam éditeur)

LafemmedunHommeC'est un texte qui fulgure lentement. Un alliage insolite entre trépidation et ressassement. Entre percées fracassantes et délitement. Entre brusques accélérations, sorties de route inopinées et enfoncements dans les tourbes et les eaux les plus troubles. C'est une histoire qui déroute tout du long, à chaque angle, à chaque carrefour, mais c'est surtout une langue sans équivalent qui restitue, avec une précision métronomique, le tracé sinueux d'une quête à la fois heurté et comateuse. (suite)

"Mr" d'Emma Becker (Denoël)

Emma Becker est une casse-cou revendiquée et même auto-proclamée. Une frondeuse et une fonceuse, une cascadeuse immodérée. Une qui n'hésite pas à défoncer et milite en faveur de la vie éventrée. Une acrobate et une forcenée. De la vie et de l'écriture. Une intempérante dévoreuse d'hommes. De sexe. D'amours libertines et débridées. A vingt ans à peine, cette singulière jeune fille affiche un parcours existentiel impressionnant agrémenté de quelques intéressantes fêlures à l'âme qui le rehaussent.(suite)

"Les neiges bleues" de Piotr Bednarski (Autrement)

image_bednarskiCe petit livre est un viatique, un livre thaumaturge qui prodigue soins et réconfort. Un recel de mots qui pansent et qui exaltent. Et ces bienfaits sont prodigués par Petia un jeune enfant qui vit dans des conditions tragiques et fait précocément l'épreuve du mal. Il est parqué, avec sa mère, dans un camp, antichambre du goulag, soumis à la juridiction et à la folie de Staline. Mais il vit aussi soumis à une constante irradiation, celle dispensée par sa mère dont la brauté est telle qu'elle foudroie quiconque passe à proximité d'elle. (suite)

"L’enfant" de Raymond Bellour (P.O.L)

C’est un texte composite, composé de fragments galvaniques et sidérés. C’est l’enfance à bride abattue et par bribes arrachées, par éclats de sensations exhumées, commuées en compositions vibratoires et fulgurales. C’est « l’enfant » indéterminé, général, durassien et extrêmement singulier, qui vient à nous fort de son royaume, de son univers farouche et réservé. C’est une voix blanche qui se pose sur la page comme un croquis parfait, un croquis qui est au faîte, qui est la cime, qui est l’accomplissement dans son inachèvement même. Un croquis qui porte l’inachèvement à son point de perfection. (suite)

"G." de John Berger (Seuil)

image_berger"G." est l'un de ces livres contondants : de quelque côté que vous le preniez, il résiste, heurte, entaille. Livre inconfortable, il projette le lecteur de-ci de-là, sur les bas-côtés, dans les hauteurs, dans les fondrières et les chemins creux sans jamais lui laisser le loisir de souffler, de trouver un semblant de répit le long d'une route au tracé rectiligne. (suite)

"Ressusciter" de Christian Bobin (Gallimard)

image_ressusciterCe qui advient, quand on ouvre un livre de Christian Bobin, c'est qu'on ferme tous les autres. Et on le fait avec un soulagement infini. On sort enfin de toute démonstration, qu'elle soit virtuose ou pas. On est dans le vif, le nu, le feu qui éclaire et réchauffe. Dès les premiers mots de Bobin, tous les autres livres semblent caducs, tous les autres livres tombent en désuétude et en poussière. On a subitement le sentiment, très rare avec un livre, de rentrer au pays, de revenir chez soi, d'être délivré de l'exil et de l'égarement dans lesquels tous les autres livres nous plongent. (suite)

"Les Impurs" de Caroline Boidé (Serge Safran)

boide_les_impursC'est un livre de terre et de cendres. Terre brûlée, terre brûlante incrustée loin de dans le corps. Cendres fumantes tombées du haut d'un feu galvanique. C'est une histoire éternelle d'amour et de mort. D'honneur, de raison sociale et de passion aussi irréductible qu'inextinguible. C'est un homme, captif de son image, de sa résonance mondaine et des mensonges communautaires qui se cogne à l'absolue singularité d'une femme. Ce sont deux folies divergentes qui se percutent et un moment se conjoignent pour ensuite se combattre jusqu'à la mort. (suite)

"Comme un veilleur attend l'aurore" de Caroline Boidé (Ed. Léo Scheer)

livre_boideLe titre est extrait d'un psaume et le texte est irrigué par ce flux mystique, par ce désir de transcendance. Mais il s'agit d'abord d'un amour fracturé et d'une jeune femme qui va panser dans un monastère israëlien la désertion de l'aimé.Le récit se déploie sur deux fronts : on éprouve en alternance l'immersion dans la vie monastique et la remémoration de la défunte relation amoureuse. (suite)

"Echapper aux tueurs" de Matthieu de Boisséson (Gallimard)

Echapper_aux_tueursC'est un texte tout en apesanteur, un texte aérien aux ailes diaprées dont nous enchantent les vibrations fines et les nuances scintillantes et ocellées. C'est, sous la forme d'un vagabondage rêveur d'une infinie légèreté, une profession de foi et de ferveur. Matthieu de Boisséson est l'orpailleur de sa propre vie. Il baguenaude au fil des jours et il en extrait de précieuses et perçantes pépites. (suite)

"Murmures à Beyoglu" de David Boratav (Gallimard)

image_borotavDavid Boratav orchestre avec brio un voyage tant spatial que mémoriel. Il dessine avec ses mots des arabesques ouvragées.Voici un homme qui plonge dans les limbes de son passé, un passé dont il a été spolié. Il tutoie les fantômes de son enfance et s'essaie, en même temps, à apprivoiser les formes neuves du lieu originel. C'est une percée verticale et une exploration longitudinale. (suite)

"Le retour" de Jacques Borel (Gallimard)

Jacques Borel est un passeur et un prestidigitateur. Il opère une passation de pouvoirs. Entre le temps et le verbe, ente les mots et les choses. Son écriture, à la fois sourcière, minière, spéléologue l'entraîne, par effet d'envoûtement et de contagion interne, dans des contrées qu'il n'entendait pas explorer. L'auteur, en réalité, se surprend lui-même, débouté qu'il est, par la force déportatrice de l'écriture, de la mission qu'il s'était assignée. (suite)

"Milo" de David Bosc (Allia)

image_miloDavid Bosc a inventé un genre. Ou il a écrit un récit inclassable. Mais la première hypothèse est plus excitante. On pourrait croire que ce singulier tissage qu'il a réalisé ressortit au récit poétique mais c'est bien plus complexe que cela. Il s'agit d'un texte situé en contrebas et à l'envers du récit normé et amarré. Un exode inversé. Un retour amont sur les lieux rustiques, élémentaires de l'enfance campagnarde. (suite)

"S'autodétruire et les enfants" de Nicolas Bouyssi (P.O.L)

Nicolas Bouyssi opère comme une mécanique de précision, implacablement, et sans anesthésie. Il n'y a pas d'enrobage ni d'accommodement progressif. C'est ex abrupto et le dépeçage débute instantanément au fil d'une écriture métronomique, millimétrique, obsédante et qui ne concède rien. Nicolas Bouyssi ne parle que de l'organique, du plus extrême tripal mais cette matière bouillante, bouillonnante et hautement inflammable, il la traite et la découpe au scalpel, la neutralise chirurgicalement si bien qu'elle ressort de l'opération verbale presque criogénisée. (suite)

"Lithium pour Médée" de Kate Braverman (Quidam éditeur)

C'est une voix. C'est d'abord une voix. Rauque et éraillée. Tuméfiée et fêlée de trop de coups reçus. Et c'est pourtant une voix étrangement vierge et par moments flûtée et perlée d'enfance. Une voix blanchie parce que brûlée jusqu'à l'extrême consomption. Une voix atone aussi, qui égrène sans fin ses litanies. Une voix outremer et d'incessants ressacs. Une voix qui prend tout, qui emporte tout.(suite)

"Château-Rouge Hôtel" de Renaud Burel (Allia)

C’est un hymne à l’amour azimuté écrit au fil d’une plume sans filtre pour une transfusion d’âme à âme. Renaud Burel est un poète sans beaucoup de peau qui ne cache ni ne déguise rien de ses dépeçages, qui jette, crus sur la page, les éclats préservés de ses vagabondages, de ses écrasements célestes. On pénètre ex abrupto dans les fouillis et les fluctuations d’une vie désaxée qui se déchire et se désordonne au gré de fêtes aporétiques, de compulsions toxicomanes et amoureuses. (suite)

"Lettres à Mita" de Cristina Campo

cristina_campo1pCe n'est pas un livre, c'est une grâce accordée. C'est le fourmillement du sang, la scansion de la vie sur la plus haute portée de l'âme. Une âme très noble, taillée à vif, effilée sur le tranchant de la plus haute exigence. Une voix céleste et cependant aux prises, tout du long, avec les tourments du siècle. Avec, notamment, les limites du corps et celles des êtres. Le feu spirituel est ici tenu dans le gel paradoxal d'une écriture de cristal.  (suite)

"Brûlons tous ces punks pour l'amour des elfes" de Julien Campredon (Monsieur Toussaint Louverture)

image_campredonLes nouvelles de Julien Campredon sont de petites grenades dégoupillées, une poignée de crépitantes pépites, une décoction un peu sorcière, une combinaison de saveurs épicées qui éclatent sur les papilles. Nous voici en compagnie de personnages archétypaux, de figures qui ressortissent souvent de la fable, de la légende ou des poncifs littéraires  mais rien n'advient de ce qu'on pourrait attendre car Julien Campredon déroute les progressions formatées, il pulvérise les clichés et court-circuite les voies balisées. (suite)

"L'hiver des Feltram" de Pierre Cassou-Noguès (éd. MF)

image_feltramPierre Cassou-Noguès est un roué et un vorace. Il ne peut se contenter de simplement écrire. Il faut qu'il nous manipule et nous égare et aussi qu'il se livre à de très sophistiquées démonstrations et expériences. Et tout cela, il le fait avec une évidente délectation et avec un non moins évident brio. Il nous balade dans le bassin d'Arcachon et sur la surface moirée, miroitante d'une mer redoutable. L'intrigue avouée, "visible", parait plus que rectiligne. Mais peu à peu, on découvre des strates, des ramifications, des sédiments enfouis qui lancinent l'esprit et le lancent sur d'innombrables pistes d'interprétation. (suite)

"Raphaël et Raphaël" de René de Ceccatty (Flammarion)

raphael_ceccattyVoici un texte roué, moiré, qui captive, requiert, éblouit. Qui égare aussi. Kaléidoscope d'émotions et d'idées virtuoses. Un texte qui tourne et tournoie, obsessionnel, entêtant, sur lui-même et n'hésite pas à interroger ouvertement ses propres fondements, à mettre en cause et en danger les principes mêmes et les conditions de son existence. Il est question, dans ce récit, d'un amour. (suite)

Muriel Cerf : Hommage

muriel_cerfPersonne n'a rien vu, personne n'a rien su ni pénétré. Ni les éblouis de la premières heure, les prodigues en dithyrambes, ni ensuite les dédaigneux, les oublieux qui, des décennies durant, ont cru bon d'ignorer une oeuvre majeure et flamboyante. Personne ou presque, n'a pris, de son vivant, la mesure de Muriel Cerf. Car Muriel Cerf, ce ne fut pas seulement les fulgurances de "L'Antivoyage" et les étourdissants "dons narratifs" d'une gamine de 20 ans qui frappèrent des sommités littéraires, les laissant pantois, parfaitement ébaubis. Muriel Cerf c'est, avant tout, les foudres et les fureurs d'une langue chatoyante qui claque et pétarade à tout-va. (suite)

"Le palais des autres jours" de Yasmine Char (Gallimard)

char_palaisC'est un récit d'arrachement écrit à l'arraché. Un texte écrit sur le tranchant d'une fracture multiple. Un texte sur les ruptures et dégâts collatéraux. Les ruptures causées par l'élan impétueux, l'impérieux désir de fuite qui anime deux corps bouillonnant d'une jeunesse pas encore domptée ni matraquée. Et puis les ruptures qui adviennent sans qu'on veuille, à contretemps, à contre-courant des désirs essentiels. (suite)

"Miroirs de Julien L." d’Yves Charnet (Le Diable Vauvert)

Voici un texte qui rue, piaffe, gronde, s’enfle, tempête. Ou qui, plutôt, se tient toujours au bord de la tempête, en lisière de l’éclatement. Un texte tout d’embardées et de chambardements, de cognées, de saccades syncopées. De coups de boutoirs et de coups de sang. De phrases où le sang bout et rougeoie fort sous la peau. Un texte qui loin s’élance mais se saborde et se sabre sans merci. Un texte qui prétend peindre et portraiturer un autre mais dont le geste (et la geste) consiste à débusquer l’autre en soi. (suite)

"Immense et rouge" de Marie Chartres (photos Akin Cetin) (Les inaperçus)

immense_rouge_chartresC'est un texte qui rebrousse tout. Qui prend à rebours les attentes et les habitudes du lecteur. Qui pratique sans cesse des sorties de route, qui dédaigne hautement les tracés trop nets, les cours rectilignes et les autoroutes de l'écriture.
Un texte qui avance par à-coups, ruées, saccades et secousses sismiques. Une langue râpeuse qui sarcle, fouette, dépèce, violente sans trêve mais avec une infinie douceur. Une forêt d'épines, un cactus dans un écrin des plus suaves. Un texte qui magnifiquement nous égare en pulvérisant tous les codes de la narration classique. C'est un poème craché, un flux incantatoire qu'on ne peut assigner ni étiqueter. (suite)

"Cette bête que tu as sur la peau" de Marie Chartres (Les éditions du chemin de fer)

image_marie_chartresMarie Chartres n'écrit pas, comme beaucoup le font, à partir de l'écorchure et une fois amorcé le processus de cicatrisation. Elle écrit de l'intérieur, depuis le centre du cratère et à l'intérieur d'une écorchure sans bords. C'est un livre de sang et de chair, ce sont des livres de chair arrachée, des arpents de peau dépecée, c'est l'enfance qui remonte à la gorge et une écriture au couteau, une qui fore jusqu'au fin fond des tripes et n'épargne rien. (suite)

"Approche du principe d’éloignement" de Jean-Paul Chavent (Léo Scheer)

Voici un texte qui arbore des allures de recueil aphoristique et dont on s’attend, donc, à ce qu’il recèle une matière toute spéculative. Or, il n’en est rien et c’est même tout le contraire : la matière est bouillante, saignante, prélevée sur le cœur et les entrailles à vif. Un homme, l’auteur, retrouve, après huit ans de séparation, une jeune fille qu’il avait quittée adolescente et avec qui s’était ébauchée une relation amoureuse inaccomplie. La jeune fille est âgée de 25 ans, l’homme en a 30 de plus, ils partent ensemble à Venise, éprouver la validité de cet amour suspendu et l’homme entreprend de chroniquer la relation au plus près de sa vérité et de ses pulsations intimes. (suite)

"Chapitre Los" d’Hélène Cixous (Galilée)

Hélène Cixous est une grande prêtresse présidant des cérémonies qui demeurent secrètes, cryptés, même à elle qui pourtant officie sans désemparer. Tel un oracle, tout ensemble intrépide et glacé d’effroi, elle épouse les entrelacs, les tracés complexes de la mémoire. Elle se fraie un chemin incertain au cœur de ces fluctuantes arabesques. Ce livre-ci a, comme tous les textes d’Hélène Cixous, pour office explicite de maintenir sa mère en vie, de l’arracher, encore et encore, à la mort qui se fait de plus en plus pressante. Mais c’est aussi un magnifique tombeau. En hommage, non pas à ladite mère, mais à l’ami-amant, l’indésignable car trop dense, trop instamment présent Carlos Fuentes. (suite)

"Revirements dans l'antarctique du coeur" d'Hélène Cixous (Galilée)

Revirements_CixousC'est un texte qui fuse, taille, entaille, cisaille, crisse, siffle, perce, vrombit, vire, troue, tire à hue et à dia. Un texte dans lequel l'écriture est à elle-même son propre objet, sa propre nourriture et qui, tel un cyclotron, attire et broie toute forme de vie au coeur de sa machinerie infernale. C'est le combat, toujours perdu, toujours réengagé, de l'écriture contre elle-même.  Il est question de la mère, bien sûr, centenaire, et devenue l'enfant inversée de son enfant. Il est question de la famille et de ses méfaits, des prédations et prévarications qu'elle opère sur le corps de l'écrivain, sur le corps même de l'écriture. (suite)

"Sauf les fleurs" de Nicolas Clément (Buchet-Chastel)

C’est un texte qui vous cueille à fleur d’âme, à fleur d’émotion. Tout de suite et tout du long. C’est une voix qui se module et fluctue au fil du texte mais s’articule toujours au point de plus haute acuité. C’est la voix de Marthe qui dit les choses sans ambages mais sans jamais sacrifier aux lois et codes usuels de la langue. C’est donc une langue qui s’invente à mesure et s’ajuste aux événements dont elle restitue la teneur au plus près des pulsations vitales.(suite)

"Une fille occupée" de Domique Conil (Actes Sud)

fille_occupeeDomique Conil raconte une histoire crachée, expulsée dans une salve de rage, condensée dans le nom monosyllabique qu'elle attribue à son héroïque : Ka. Ka grandit au sein d'une famille qui érige en règle une magie aux effets pernicieux, délétères et même dévastateurs.C'est un livre qui tout entier s'articule autour du pouvoir des mots, pouvoir perçant, pulvérisant ou salvateur. (suite)

"Je suis pas la bête à manger" de Nathalie Constans, dessins Anya Belyat-Giunta (Les éditions du chemin de fer)

Voici un texte qui ne ressemble pas. Un texte qui ne plie pas, ne se subordonne pas, ne concède rien.  Un texte parfaitement franc-tireur et dissident mais qui, pourtant, n'a rien de vindicatif ni d'offensif : il s'élève, léger, aérien, presque vaporeux et souvent cocasse, dans un allègre battement d'ailes. C'est une partition à trois voix très distinctes qui, chacune, livre une version singulière de la situation et des événements. Il y a d'abord No, jeune créature sauvage et féminine d'ascendance mythologique. Elle vivait retranchée, terrée dans la forêt jusqu'à la mort récente de ses grands-parents. (suite)

"La reformation des imbéciles" de Nathalie Constans (éd du Chemin de fer)

image-constansNathalie Constans n'a pas froid aux yeux. Elle n'a pas peur des rapprochements insolites et incongrus, elle orchestre les collusions les plus inouïes, elle fait oeuvre surréaliste au sens plénier et original du terme. Ce sont deux voix des confins qui s'élèvent, d'abord distantes et distinctes puis qui s'entrelacent et se mêlent. Un homme, une femme. Elle, c'est Kimi, elle est la petite-fille du guerrier apache Géronimo, seule survivante d'une lignée décimée par les guerres successives. (suite)

"L'autre" d'Enzo Cormann (théâtre) (Ed. de Minuit)

image autreDeux femmes, un homme. Le même pour les deux femmes. Mais Enzo Cormann fait un usage tout à fait particulier de l'adultère et de la double vie. Particulier, insolent, insolite, libérateur. Le style, très vif, court le long des nombreuses ellipses et des phrases mordantes. Mado et Lila sont deux femmes d'une quarantaine d'années qui se rencontrent après qu'elles ont confondu l'homme de leur vie lequel a mené conjointement, pendant des années, une vie de famille avec l'une et l'autre. (suite)

"Surfaces sensibles" d'Enzo Cormann (Gallimard)

image surfaces sensiblesC'est un texte qui tient, fragile, par les voix. Fil tendu, ténu de voix féminines. Trois femmes, trois générations provisoirement réunies dans la même maison. Trois figures de l'art : une photographe, une chanteuse, une musicienne prodige. Vies cabossées, voix embusquées.En haut, face à la baie vitrée qui offre une vue privilégiée, siège Lori Kemp, photographe qui eut son heure de gloire. En dessous vit, recluse et mutique, sa fille Zoé dont les talents sont musicaux. (suite)

"La langue maternelle" de Marie Cosnay (Cheyne Editeur)

cosnay-langue-maternelleOn entre dans ce texte par à-coups, par immersions brusques qui laissent au bord d’être sans souffle. C’est un texte de confins et d’enfouissement, de crêtes et d’escarpements. Un texte qui exige toujours davantage à mesure qu’on avance le long de son tracé abrasif et qu’on approche ses sources balbutiantes et cachées. Il n’y a pas de sens littéral et univoque. Tout est pluriel, infiniment ramifié, disséminé dans les strates sédimentées qui affleurent dans et entre les mots. C’est le récit, syncopé, transversal et tout de chemins de traverse, d’un affranchissement. C’est une voix qui fuse, se fraie, s’extrait, se singularise, se décante et s’impose, vierge et détonante, au travers des écueils multiples qui se potentialisent : ceux d’une existence corsetée et ceux d’une langue éculée. (suite)

"A notre humanité" de Marie Cosnay (Quidam éditeur)

A_notre_humanitéC'est un texte somnambule et acéré. Un texte d'un onirisme fou et d'un réalisme tranchant. Un texte d'herbes folles, de feu follet, un texte dansé et cadencé et tenu, moins sur le mur des Fédérés que sur la crête la plus haute de la langue. Un texte de pointes et de cals, de tourbe et d'éther, de secousses et de langueurs, de frénésie rêveuse et de prose bousculée qui se trempe aux sources les plus poétiques. Un texte qui se scande au rythme des détonations, des corps dressés et des corps tombés. (suite)

"Adèle, la scène perdue" de Marie Cosnay (Cheyne éditeur)

adele_cosnayC'est un livre de failles et de fractures. Un livre irrigué par une sourde violence. C'est une langue qui semble tissée de douceurs et de lenteurs. Mais c'est trompeur : c'est une écriture à bout portant, qui troue le corps et dont la force d'impact et la vitesse d'exécution agissent à retardement. La lame se plante dans l'embrumement d'un distillat trouble, d'une fausse anesthésie. Le nu saille et la part dévolue à ce qui se dérobe est infinie. (suite)

"L'écorcobaliseur" de Bérangère Cournut (Attila)

image_EcorcobaliseurC’est un livre qui tangue, porté par une houle cadencée, tour à tour heurtée et dansante. La typographie même en est affectée, hérissée, irrégulière qui semble mimer le ressac, les flux, les embruns, les éclats écumeux. Nous sommes transportés à La-Mer, lieu improbable, île énigmatique sise au large d’une ville nommée Menfrez. Dans ces contrées reculées, un drame agite la population et cristallise les passions. (suite)

"Ariste" de Claire Cros (Michalon)

image_aristeAttention, livre rare. Pépite, joyau, gisement. Gisement de Pépites.

Ce qui frappe au premier chef, c'est l'objet. L'objet-livre, son ampleur, son volume, son aspect insolite et non-conforme. Mille pages, nullement compressées, nullement honteuses, qui s'imposent, se donnent comme une fière évidence ou comme un défi en ces temps d'anémie, d'indigence et de frilosité littéraire. (suite)

"Exil intermédiaire" de Céline Curiol (Actes Sud)

image_curiolCéline Curiol nous entraîne dans un voyage sonore. A la rencontre de New-York, appréhendée à travers les voix et les rumeurs qui s'y déploient. Deux femmes, une ville. Deux femmes à l'aube du nouveau millénaire, à un tournant de leur vie personnnelle, amoureuse, une ville, New-York. Deux femmes sans connexions apparentes, inconnues l'une de l'autre et que seule rassemble la ville qu'elles investissent le temps d'un week-end, celui du 4 juillet, le temps nécessaire pour s'ausculter et déterminer l'orientation qu'elles vont imprimer à leur existence. (suite)

"La blonde" de Lydie Dattas (Gallimard)

Ce sont des mots qui filent de rétine à rétine, sans pause ni déposition. Des instantanés - photographiques et sensoriels - arrachés au mystère de la peinture. C'est Lydie Dattas - "La foudre", "La nuit spirituelle" - qui porte au plus haut degré de combustion le noir de Pierre Soulages. C'est la rencontre, le choc thermique du chaud et du froid. C'est la friction, l'entrechoquement entre l'obscur et l'incandescence, lesquels existent probablement à parts égales chez les deux artistes : deux échappés du rang, deux authentiques sauvages. (suite)

"La foudre" de Lydie Dattas (Mercure de France)

image_dattas_foudreCe n'est pas un livre, c'est une déflagration et Lydie Dattas n'est pas un écrivain, c'est une prestidigitatrice chamane, une torche vive qui jette son être entier dans le feu de ses mots. Née d'une mère théâtrale, comédienne dans l'âme, et d'un père organiste et essentiellement poète, Lydie Dattas a reçu en héritage le sens de la démesure, de l'irrégularité et du sacré. (suite)

"Georgia" de Julien Delmaire (Grasset)

C’est un texte chorégraphié et castagné. Un cognement endiablé de corps entrechoqués. C’est un festival de souffles, de heurts, de cadences débridées. C’est un texte tissé d’ondes de choc, de fureurs éperdues, d’envols sublimes et poignardés. Venance, le jeune homme dont nous suivons le parcours, a des allures mythologiques de héros percé par le destin. Né sur les rives d’un fleuve d’Afrique, il se retrouve, pour cause de conditions inclémentes et insuffisantes, catapulté dans une France qui le malmène et le bafoue. (suite)

"L'immédiat" de Marie Delos (Seuil)

image_delosC'est un récit en forme de fugue, une évasion réussie, une coupante et mélodieuse éclosion, tout entier irrigué de musique, placé sous le signe et la haute garde de Prokofiev. Il est question d'une jeune bruxelloise qui n'en peut plus des bornes mutilantes de son quotidien, de l'existence rectiligne, préfabriquée, autoroutière qui se profile, dont ses congénères s'accommodent mais qu'elle aspire à fuir. (suite)

"Maria avec et sans rien" de Joan Didion (Robert Laffont)

imzge mariaC'est un roman écrit à la machette doublé d'un récit de givre : émotions et sensations semblent gelées aussitôt que surgies et énoncées. L'héroïne est une jeune femme prénommée Maria et d'elle on apprendra pas grand-chose sinon incidemment et comme par accident. Pas la moindre notation psychologique. Rien que des faits, de courtes séquences syncopées. (suite)

"Nous nous attendons" d'Ariane Dreyfus (Le Castor Astral)

Ariane Dreyfus écrit une poésie faussement limpide. Tout est là, semble-t-il, posé, déposé, dans les mots simples et sans effet et cependant tout échappe. Il se produit chaque fois un décrochement. Et l'éclat, aussi, est ailleurs. Ces textes sont des esquilles, des éclats fragmentaires prélevés sur des scènes et sensations quotidiennes. Il y a, surtout, les plis légers, les rumeurs feutrées, les foudres lentes et les pointes aiguës qui accompagnent l'amour quand il se fait, se partage entre les corps. C'est la saisie, impromptue mais en profondeur, de gestes à la volée, de froissements, de chuchotements, de fines et sapides saveurs, de ténuités: toutes choses qui d'ordinaire relèvent de l'indicible voire de l'imperceptible mais qu'Ariane Dreyfus  recueille dans des mots simples et séminaux. (suite)

"Emportée" de Paule du Bouchet (Actes Sud)

image_emportee_paule_bouchetC'est un texte de fièvre et de foudre. Un texte d'une force galvanique et d'une si tremblante fragilité qu'on craint à tout moment que ne se brise la voix qui s'élève. C'est un texte d'ardeur, de résistance et d'amour. Un combat qui se mue en consentement. C'est une histoire de difficile filiation. Car il est difficile d'être la fille de l'amour même. L'auteur, Paule du Bouchet, est la fille du poète André du Bouchet et de Tina Jolas qui fut, des années durant, l'amante secrète de René Char. (suite)

"Spéracurel" d'Anna Dubosc (éd. des promenades)

iumage_speracurelAnna Dubosc vit comme le vent : au gré du souffle qu'elle épouse, dans lequel elle se fond et flue quelle que soit la force des impacts adverses. Et elle écrit de même, en pointes, en sautillements, en rebonds et entrechats, elle écrit la course dansée du vent et même la mort avec elle, prend des allures enjouées et peut prêter à sourire. Elle nous livre de sa vie des petites touches incisives, colorées, savoureuses et qu'on déguste avec délectation. (suite)

"Un long silence de carnaval" de Miguel Duplan (Quidam)

image_carnaval1pCe texte est d'abord une langue. Insolente, dissidente, caracolante et percutante. C'est aussi un portrait troué. Une vie d'homme rongée par des vitriols divers, cabossée par des dérapages de moins en moins contrôlés. Jean-Baptiste Simonin, le présumé héros du récit, est un flic errant, un peu comme le juif errant : bien que ancré dans un contexte (Cayenne) et lesté de charges diverses (femme, famille, maîtresse, métier), il n'est pas assignable. (suite)

"Le quatuor d'Alexandrie" de Lawrence Durrell

quatuor-alexandrieC'est une somme romanesque éblouissante, une oeuvre grandiose et étonnamment méconnue voire ignorée. Quatre récits qui, d'une manière et dans une langue virtuoses, se répondent, se percutent, se font écho, se corrigent et se complètent. On se trouve clairement face au fantasme qui agit tout écrivain : celui de l'oeuvre totale. Sauf qu'ici le rêve et son accomplissement coïncident presque. C'est une rhapsodie, une fugue et de pleines pages de plain-chant. Une cathédrale proustienne sur un mode baroque. (suite)

"Petits pains au chocolat" de Roxane Duru (S. Million éditeur)

Roxane_DuruC'est un texte déroutant. Tout de hérissements, d'entrechoquements contrastés. Un texte heurté avec, par intermittences, des coulées de douceur, des salves de poésie pure. Soit Lou, 18 ans, fraîchement débarqué de sa province ensoleillée qui va, le temps d'une saison, se frotter, au sein d'une estivale prépa Science Po, à d'imbuvables nantis, taillés sur un modèle interchangeable, égaux en morgue et nonchalance étudiée. (suite)

"Retour à Patmos" de Patricia Emsens (Edition des Busclats)

C’est un texte si délicat et dont l’écriture, ténue, aérienne, se pose si peu sur la page, qu’on pourrait s’y tromper. Car la charge de violence que recèlent les mots frappe comme obliquement et en sourdine mais l’impact n’en est pas moins ravageur. C’est, sous des dehors usuels et à travers des manières usagères, une approche singulière et subtile du déchirement amoureux. C’est autour d’un lieu, l’île de Patmos, que tout s’articule et se cristallise. C’est un retour qui se double d’une expérience inaugurale et favorise un dénuement, suspendu depuis des années. (suite)

"Blanche et Marie" de Per Olov Enquist (Actes Sud)

image blanche et marie"Blanche et Marie", c'est un coup de projecteur extraordinairement prenant sur deux personnages historiques, l'un illustrissime, l'autre méconnu. Coup de projecteur mais aussi approche très singulière. Marie, c'est rien moins que Marie Curie et Blanche, c'est Blanche Wittman, d'abord cas psychiatrique, patiente du professeur Charcot et appât public, renommée par ses spectaculaires manifestations d'hystérie lesquelles illustraient à merveille les théories du grand professeur. Puis assistante de Marie Curie. (suite)

"26a" de Diana Evans

image_26aC'est un récit qui tire des larmes. Un texte qui s'avance d'abord à pas feutrés, l'air de rien,  tout en fantaisie et pas de côté puis qui s'enfle, s'étoffe, prend son envol pour finr en mode majeur et magistral. C'est une voix trempée aux ors de la magie, rompue aux sortilèges de l'enfance, une voix qui, par touches légères, vous retourne l'âme et va fouiller loin dans les entrailles à vif.  (suite)

"La fille américaine" de Monika Fagerholm (Stock)

image fagerholmNous voici dans une région des confins, dans le Grand Nord qu'irriguent secrets et mystères. On croit être en prise avec ce qui relève de la sorcellerie mais c'est parce qu'on effectue une plongée dans les profondeurs hantées de l'adolescence. Le roman est composé d'une constellation des questions obsédantes, questions de vie ou de mort à ce point récurrentes qu'elles se chargent d'une force incantatoire. C'est un texte d'une facture complexe, sophistiquée même qui mêle habilement les strates temporelles jusqu'à produire un prenant effet de vertige. (suite)

"L'avenir n'est plus ce qu'il était" de Richard Farina (Calmann-Lévy)

image_farinaDès le départ, il y a des signes qui ne trompent pas. On est bien en littérature, dans la vraie, la pure. Car on subit d'emblée une translation, on est déporté hors du cadre, les repères lénifiants sont retirés comme une échelle sous les pieds du grimpeur.

On ne sait pas bien où on se trouve, on identifie peu à peu les attributs d'un milieu étudiant. Ca grouille, on se canarde de mots d'esprit plus ou moins scabreux, on se frotte, se frictionne par joutes verbales interposées. (suite)

"Rideau de verre" de Claire Fercak (Verticales)

image_rideau_de_verreCe livre est d'abord une langue. Eclatée, syncopée, comme sarclée et scarifiée par la douleur qui cherche un idiome adéquat pour se dire. C'est un récit autobiographique revisité par une émule de Chloé Delaume : la parenté saute aux yeux dans l'usage de la langue comme dans la thématique. La figure du père tortionnaire et détraqué est centrale. (suite)

"Abris et déblais" d'Eric Ferrari (Cheyne éditeur)

Eric Ferrari écrit raide et troué. Mais il procède à un décapage si radical que les silences des trouées sont d'une densité égale à celle des mots, pesés et comptés. La poésie qu'il pratique n'est pas un chant, on croirait plutôt une volée de coups assenés mais des coups qui provoquent l'éblouissement et procurent la jouissance. Les raccourcis, dans cette langue tout ensemble concassée et ciselée, sont si fulgurants qu'ils nécessitent parfois plusieurs lectures pour qu'on prenne pleinement la mesure de l'épaisseur et de la teneur humaine qu'ils recèlent. Et pourtant, dès l'abord, on est saisi, percé. On sait qu'on touche là l'intensité brute mais aussi, et paradoxalement, une forme de beauté suprême et suprêmement raffinée. (suite)

"Un sourire particulier" de Pauline Flepp (Max Milo)

image_fleppElle a dix-sept ans, elle se prénomme Line, elle funambule sa vie en quête d'instants absolus, d'instants qui recèlent le suc plénier de la vie. A une fête, elle rencontre Julien, beau ténébreux désenchanté, elle le met au défi de se jeter dans le vide, ce qu'il fait, sachant toutefois que c'est d'un premier étage qu'il se précipite. (suite)

"Encore une nuit de merde dans cette ville pourrie" de Nick Flynn (Gallimard)

image_flynnC'est un exercice de prestidigitation effectué à l'aveugle. Il s'agit de faire apparaitre le père inconnu, absent, de brosse par touches incertaines un portrait dont les contours et même le motif central sans cesse se dérobent. C'est un récit, non un roman et l'histoire est d'autant plus ahurissante qu'elle est vraie. Le père s'est évaporé durant l'âge tendre de l'auteur, père et fils se croiseront brièvement quelques années plus tard avant de se retrouver alors que l'auteur, déjà adulte, travaille dans un foyer de SDF et que le père, lui, est devenu clochard (suite)

"La remise à bateaux" de Jon Fosse (Circé)

image_remiseC'est un petit livre, une intrigue bien mince, réduite à presque rien : le narrateur, trente ans passés, solitaire, célibataire sans emploi, vivant chez sa mère, retrouve Knut, son ami d'enfance, son allié des années d'adolescence, perdu de vue depuis dix ans et de retour dans sa ville d'origine, subitement réapparu sous la forme d'un homme accompli, marié, père de deux fillettes, professeur de musique. (suite)

"Par effraction" d'Hélène Frappat (Allia)

image_frappatHélène Frappat aime les jeux de miroir, les jeux d'écho, et c'est une orchestratrice virtuose de sortilèges. Elle nous emmène, nous tient, nous ferre avec de l'infime et du ténu. Son texte a quelque chose de nacré, de vaporeux, d'immatériel. Un texte comme une buée en suspension. La narration se déploie sur quatre fronts, il y a quatre entrées, quatre pistes qui s'entrelacent pour former ce tissage sybillin. (suite)

"La poupée de Kokoschka" d'Hélène Frédérick (Verticales)

image_kokoschkaHélène Frédérick a des dispositions médiumniques. Elle tisse des destins et invente des états (du corps et de l'âme) dans lesquels elle s'immerge avec une empathie et une prescience des choses peu communes. Ainsi d'Hermine Moos, la jeune femme que le peintre Kokoschka investit un jour d'une insolite mission. Il s'agit pour elle (qui est couturière de théâtre) de créer une poupée-marionnette à l'effigie d'Alma Mahler laquelle fut l'amante en allée du peintre et dont il est hanté au point de vouloir vivre avec son ersatz inanimé. (suite)

"Désirée" de Marie Frering (Quidam)

image_desiree"Désirée" est un récit frontalier et passeur. Une voie de traverse. Une vie traversière. Une flamme qui caresse des mèches douces et disposées. Une explosion d'étincelles versicolores sous la peau. "Désirée" est un tissage et une gerbe folle de mots délivrés de leur emploi usuel. "Désirée" est un portrait tout d'éclairs saisissants et de portes dérobées. Désirée est évidemment orpheline car quels parents pourraient assigner une filette aussi libre. (suite)

"Aimer fatigue" de Philippe Fusaro (l'Olivier)

C'est un récit plein de creux et de déliés. Une voltige et une déambulation gracieuses autant que nébuleuses. C'est une variation subtile et sensible autour de motifs éculés, de figures fatiguées. Ce sont des personnages et des lieux attendus mais que l'auteur décale imperceptiblement pour les arracher à leur emploi convenu. Et, tout du long, ces figures familières sont travaillées de l'intérieur par une étrangeté qui les doue d'un mystère et d'un pouvoir de fascination absolument vierges. Il y a Lulù, actrice issu du moule italien le plus classique, le plus caractéristique mais qui s'évertue à gommer ses traits distinctifs pour accéder à une aura et à une gloire hollywoodiennes.(suite)

"L'affreux Pastis de la rue des merles" de Carlo Emilio Gadda (Seuil)

image_gaddaIl faudrait inventer un idiome particulier pour rendre compte de ce texte. Ce n'est pas un livre, c'est un alambic, un élixir, un nectar, une ambroisie. Ce n'est pas un livre, c'est un passage à un état modifié de conscience. Ce n'est pas un récit, c'est un furieux, intempérant, impudent, impénitent, truculent, gargantuesque usage de la langue. (suite)

"Si rien ne bouge" d'Hélène Gaudy (éd. du Rouergue)

image_gaudyHélène Gaudy est une marionnettiste, une manipulatrice de premier ordre. Elle se plait à détraquer insensiblement les atmosphères et elle excelle à ce petit jeu : elle opère l'air de rien, par petites touches, par petites phrases toutes de suggestion et d'ellipses, phrases d'apparence anodine mais de portée assassine, forces de frappe, recels de charges atomiques.Voici un trio familial bien policé, bien sanglé dans ses certitudes bourgeoises bien-pensantes. Il y a Samuel, le père, Lise la mère et Nina, l'unique fille adolescente âgée de 14 ans. (suite)

"Je te nous aime" d’Albane Gellé (Cheyne éditeur)

Albane Gellé procède par soustraction. Elle épluche et ne garde, de la vie et du verbe, que le plus nu, le plus prégnant, le plus urgent. Quelque chose comme une ligne drue ou un parfum d’enfance. C’est le ballet, non de deux prénoms, mais de deux pronoms. C’est l’histoire, à la fois universelle, générique, et absolument singulière, de « il » et « elle ». Avec des mots simples et une sensibilité à vif, Albane Gellé décrit ce mouvement si particulier par lequel deux entités irréductibles se cognent, se percutent et peu à peu s’apprivoisent. Comment s’assouplit la dureté granitique, la résistance calcaire, hérissée d’  « il » et « elle » qui, irrésistiblement convergent pour, à la fin, former cet improbable « nous ». (suite)

"Si je suis de ce monde" d’Albane Gellé (Cheyne éditeur)

Albane Gellé s’établit et se resserre tout entière autour d’un infinitif dont elle cherche à épouser, sinon à épuiser, les lignes de force et les ressources multiples. Et qui se multiplient chemin faisant. L’infinitif, c’est « tenir », c’est la pièce maitresse, l’épine dorsale qui architecture le texte tout entier. Ce verbe est programmatique, il condense et cristallise tout ce qui, simultanément, éclate et se ramifie sur la page. Et Albane Gellé propose des déclinaisons à la fois subtiles, percutantes et inattendues. Elle allie, dans son approche, puissance et délicatesse. (suite)

"Gin et les italiens" de Goldie Goldbloom (Christian Bourgois)

image_gin_goldbloomC'est un livre de cabrioles, de voltes, de saltos et de salves furieusement inventives. Un texte aux allures de cavalcade et de valse légère. Avec des phrases frondeuses qui claquent et rendent un son absolument inédit. C'est une histoire éternelle contée dans une langue singulière et, surtout, sur un mode radicalement neuf. On se trouve en Australie, en 1944. Celle qui parle, c'est Gin, une femme qui est tout entière une étrangeté et dont la voix alerte et saisit en ce qu'elle se fait le relais d'un regard qui est d'une rare acuité et d'une singularité totale. (suite)

"La pornographie" de Witold Gombrowicz

imaage_gombrowiczGombrowicz est un prestidigitateur qui nous balade dans les bois sombres, dans la forêt touffue de ses fantastiques et fantasmagoriques divagations. Cette fois, il s'attaque au chapitre de l'érotisme qu'il s'attache à renouveler et il y réussit au-delà de toute espérance : il va si loin dans l'insolite, dans le dépaysement que la déroute est aussi totale qu'est complet l'enchantement. Car il invente des chemins et des cheminements qu'on ne savait pas pouvoir emprunter. Et il égare, avec une évidente délectation, les processus et les procédés ordinaires. (suite)

"Visage vive" de Matthieu Gosztola (Gros Textes)

Les poèmes ici rassemblés sont d’une délicatesse telle qu’on peut longtemps ignorer quelle est la nature de la douleur évoquée et combien elle est perçante. On peut confondre, croire que l’homme qui exhale sa douce plainte déplore la défection d’une femme aimée. La gravité réelle de la perte subie ne se dessine que graduellement, au fil des mots aériens, presque vaporeux de Matthieu Goztola. On dirait que l’auteur a à cœur d’épargner, non seulement lui-même et le lecteur, mais le texte lui-même : c’est comme s’il veillait à ne pas trop brutaliser les mots afin que la douleur, si brûlante, ne se propage pas trop vite ni trop loin. C’est une tentative de circonscription de la douleur qui pourtant s’échappe et imprime sa marque de manière d’autant plus prégnante. (suite)

"Un âge irresponsable" de Lavinia Greenlaw (Joëlle Losfeld)

greenlawC'est un livre traître. Il paraît léger, aérien, d'une parfaite innocuité. On pourrait presque croire qu'il distille l'ennui et être sur le point de le refermer quand tout à coup quelque chose se condense et se cristallise, un charme étrange se met à agir, le texte prend corps et on est pris, on embarque allégrement, on ne craint plus le long cours.  (suite)

"Sous vide" de Jean-Pierre Guillard (Les Fondeurs de briques)

image_sous_videC'est une odyssée intérieure d'autant plus saisissante qu'involontaire. Une expérience des confins. Une aventure sensorielle extrême à rebours de ce que cette expression recouvre ordinairement. 

Un étrécissement du monde. Une plongée dans des eaux plus que troubles, plus que saumâtres. A la suite d'une agression, l'auteur, peintre de son état, perd le sens du goût et de l'odorat, troubles qui répondent aux doux noms d'agueusie et anosmie. C'est là que débute son entreprise littéraire, laquelle s'apparente à une opération de survie.  (suite)

"La grande musique" de Kirsty Gunn (Christian Bourgois)

C'est un texte d'une singularité telle qu'on peine à le qualifier. Un texte qui procède de la musique et qui tend, par les mots, à traduire l'essence même de la musique. C'est aussi, et simultanément, un récit fiévreux, sauvage, qui se déroule dans un lieu non moins sauvage. Dans les confins désolés et tempétueux d'une Écosse inhospitalière et propre à enflammer l'imagination. Et l'histoire qui est distillée diachroniquement, anachroniquement, par bonds, voltes et court-circuits, est d'un romantisme effréné. C'est un peu "Les Hauts de Hurlevents" scandés selon le tempo de la cornemuse. (suite)

"Trilogie sale de la Havane" de Pedro Juan Gutiérrez (10/18)

image_havanepVous qui entrez ici, abandonnez toute velléité de raffinement. Ici, c'est du cru, du pulsant, du pulsionnel absolu. Ici le corps est roi, d'une royauté déchue, il se commet avec l'ordure, l'abjection, il n'écoute que ses humeurs, ses appétits, il a de constants démêlés avec la peur, la faim, la violence, la souillure, il a sans cesse à en découdre pour sa survie. Nous sommes à Cuba au début des années 90 et le narrateur, Pedro Juan, tenant une sorte de journal erratique et ventral, orchestre une visite guidée du chaos, de la vie éclatée et nous offre une chronique magistrale de Cuba en ses bas-fonds. (suite)

"Les écrits d'Etty Hillesum" (Seuil)

image_hillesumCeci n'est pas un livre, c'est une bombe, une déflagration continue. Et ce n'est pas un journal intime, c'est un manifeste, un traité révolutionnaire. C'est un foudroiement sans pareil, une claque magistrale. Voici une jeune femme néerlandaise de 27 ans qui évolue dans le tumulte de la seconde guerre mondiale. Elle se nomme Etty Hillesum, elle est juive mais surtout dotée d'un prodigieux appétit de vivre et d'une appétence spirituelle pareillement dévorante, proportionelle aux désirs charnels qui la tenaillent. (suite)

"Scarborough" de Christophe Honoré (L'Olivier)

image_scaboroughLa barque est un peu chargée. Jugez plutôt : dans un texte liminaire, on nous annonce que les deux protagonistes, Baptiste et Steven, deux frères, ont fui la France pour l'Angleterre. L'un des deux est un lâche, nous apprend-on, l'autre un criminel. Ils sont en outre porteurs d'un secret qui les désigne à la vindicte publique : ils sont amants. Ils débarquent dans un port, Scarborough.  (suite)

"Attachements" de Victoria Horton (Quidam éditeur)

Le texte de Victoria Horton est une savante et subtile traîtrise. Il se déroule d'abord longuement comme un ruban pâle et soyeux, sans aspérité repérable ou prononcée. On pourrait presque confondre et lui confier un rôle dans une confite et assommante cérémonie familiale tant il paraît tout d'innocuité. C'est un roman épistolaire à la mode contemporaine c'est-à-dire qu'aux classiques missives se mêlent des mails (ou courriels) et la célérité, l'instantanéité qui caractérisent ces envois-là traduisent bien l'urgence dans laquelle se trouvent les personnages.  (suite)

"La côte sauvage" de Jean-René Huguenin

hugueninC'est un texte pur comme un cristal. Vibrant du souffle de l'extrême jeunesse. Passé par le fil de l'épée. L'histoire est éternelle. C'est l'amour. L'impossible. Le consanguin. La tragédie cent fois tissée au fil de la littérature mais ici revirginisée. Olivier, jeune homme ombrageux revient dans la bretonne propriété familiale après deux ans passés au service militaire. (suite)

"Un souvenir indécent" d'Agustina Izquierdo

C'est un texte de cruauté et de foudre fissile. Un texte qui n'épargne personne, ni les protagonistes  ni le lecteur. Tout est coupant, sans douceur ni consolation possibles. Il s'agit d'amour mais d'un amour noir et qui persécute. Une histoire d'envoûtement, de possession, de presque vampirisme. Nous sommes à Barcelone dans les années 30 et dans un climat insurrectionnel. Et c'est, sur fond de grondement révolutionnaire, le portrait fragmentaire d'une femme qui demeure opaque, impénétrable dans toutes les acceptions du terme. (suite)

"L'amour pur" d'Agustina Izquierdo

image_izquierdo1gC'est un livre de folie et de sagesse profonde. Un livre à l'os où la chair est reine et muselée. Cest une histoire à tordre l'âme dans un autrefois qui pourrait être maintenant et toujours, dans une Espagne qui pourrait être ici et ailleurs. C'est l'universalité, la grande prodigalité de l'amour impossible condensé dans deux corps qui battent à l'unisson mais dont l'un fait en sorte et sans trêve que ce soit à contretemps. (suite)

"Iceberg Memories" d'Ophélie Jaësan (Actes Sud)

image_jaesanOphélie Jaësan évolue sur un fil si ténu que c'est le souffle retenu et parfois coupé qu'on la suit, qu'on l'accompagne dans la crainte constante qu'elle ne se brise. Sa voix est murmurée, c'est un chuchotement frêle, une confidence sectionnée de partout et, en dépit de toute cette apparente fragilité, la violence amassée entre ces pages est extrême. (suite)

"Cyclone" de Frédéric-Yves Jeannet (Argol)

image jeannetVoici un livre-événement, un livre-somme, un choc prolongé, un rapt continu, un lancinant et langoureux vertige. C'est à une minutieuse scrutation que nous convie Frédéric-Yves Jeannet, il s'agit pour le lecteur de s'engager dans le sillage de ce spéléologue-explorateur-clinicien. Géologue du verbe et du sens qui examine sans relâche les strates successives et entrechoquées de sa propre vie. (suite)

"Renégat, roman du temps nerveux" de Reinhard Jirgl (Quidam éditeur)

Le titre, éclair flagrant, tout du sublime fulgurance, sonne comme une très évocatrice déclaration d'intention et presque de guerre. Et, de fait, c'est un livre intimidant et qui intime de se soulever par-delà l'ordinaire pour être à la hauteur de ce qui se joue en lui. Car c'est un défi permanent que ce texte-là propose au lecteur, l'esprit dudit étant soumis à des secousses, heurts, embardées, glissements et dérapages qui chahutent en tous sens. (suite)

"Goldberg : variations" de Gabriel Josipovici (Quidam éditeur)

C'est un texte provocateur. De doutes, d'instabilité, de surprises, d'effervescences multiples. Un texte sans entrée discernable ni dénouement visible. Un fascinant dédale mental. C'est un récit-gigogne à l'envers : tout procède du même foyer mais c'est une force centrifuge qui propulse les fragments les uns à la suite des autres. C'est aussi quelque chose comme une aimable plaisanterie, une métaphore étincelante, une mise en abyme coruscante, facétieuse, ludique, filée tout au long du texte.  (suite)

"Tout passe" de Gabriel Josipovici

tout_passe_josipoviciC'est un texte troué et nu. D'une nudité extrême. Un texte à l'os, raclé, défait de tout surplus et de tout superflu. Ce sont des pans de vie nue, des instants prélevés sur le vif et qui se répercutent d'autant plus violemment que le vide, autour, est un vertige. Un homme se tient, seul, dans une pièce. Il se soumet à l'expérience pascalienne et lui remontent dans le corps, par flux et saccades, des fragments de scènes anciennes ou récentes, anodines ou cruciales mais toutes signifiantes. (suite)

"Moo Pak" de Gabriel Josipovici (Quidam éditeur)

image_moopakEnsorC'est une transe circulaire et déambulatoire qui agit comme un puissant hypnotique. Un hypnotique qui, dans le même temps qu'il soumet et jugule, survolte. Le narrateur rapporte les monologues, les soliloques hantés de son ami Jack Toledano lequel, au fil de leurs pérégrinations à travers Londres, développe considérations et réflexions qui s'entrechoquent, se catapultent, fermentent, se ramifient et se déversent dans une prose torrentielle. (suite)

"Cloués au port" de Jacques Josse (Quidam éditeur)

image_port_josseC'est un texte dans lequel on entend respirer et battre les silences. Un texte qui explore les ressorts et les ressources de la mutité. C'est un bref texte comme craché mais aussi enlevé et ciselé qui ravive, au creux d'un petit port breton, d'éternelles figures cependant saisies dans toute leur subtile singularité. Au premier rang desquelles le Capitaine, massif et charismatique personnage, qui détient la haute main sur la parole propagée. (suite)

"Fever" de Leslie Kaplan (P.O.L)

image_fever"Fever", c'est l'effervescence adolescente, la fièvre des sens et de l'esprit qui s'empare de Damien et de Pierre , deux inséparables et exemplaires élèves de terminale. Subjugués par leur jolie et excellente prof de philo, Mme Martin, ils s'enivrent de la capacité réflexive qu'ils se découvrent. Tournant autour des notions de déterminisme et de hasard, ils s'échauffent, ils décident d'accomplir un acte gratuit, régi par le seul hasard. (suite)

"Le pont de Brooklyn" de Leslie Kaplan (Ed. P.O.L)

"Le pont de Brooklyn"  c'est cinq personnages, quatre adultes et un enfant, pris dans le bouillonnement fiévreux de New-York. Il ya deux jeunes femmes, Mary et Anna et deux hommes jeunes Julien et Chico. Ey il y a Nathalie, l'enfant de Mary. Au début c'est une ballade, les uns et les autres se croisent, déambulent, se rencontrent au parc, au restaurant, dans leurs logements respectifs. (suite)

"Corniche Kennedy" de Maylis de Kerangal (Verticales)

corniche_imageC'est un livre dont les phrases claquent comme des coups de fouet. Un récit mené à fond de train, à plein régime, à bride abattue. Un texte sous haute tension dont le voltage , la forte charge électrique jamais ne fléchit. C'est un texte qui braque sa lumière sur les corps, les projette en avant, les saisit dans leurs danses pulsionnelles, leurs transes voltigeuses. Ce sont les corps marqués par les outrances et outrecuidances adolscentes ou par les stigmates et déglingues d'une vie cahotée.  (suite)

"Fermer l’œil de la nuit" de Pauline Klein (Allia)

C’est un éclat de rire déguisé en pure candeur. Une souriante et parfois cinglante ironie qui prend des allures de vaporeuse ritournelle. C’est une ironie enlevée, suspendue, un humour à froid, avec des ellipses, un humour tout troué d’ellipses comme on retient un souffle. C’est aussi une souriante et parfois riante expérience. Car Pauline Klein va loin dans le dynamitage ludique : elle se joue des codes au sein de ces mêmes codes, elle déroule des écheveaux qu’elle cisaille à mesure, elle se délecte à se faire Parque des vies qu’elle tisse. (suite)

"La fille de l’air" de Sophie Koltcha (Mercure de France)

Voici un texte comme un tour de prestidigitation infiniment délicat. Un texte qui cache son jeu et ses enjeux ou plutôt qui les dévoile à mesure, et par petites touches, mais de manière si subtile et virtuose qu’on est à la fois charmé et comme étourdi. On pourrait croire à un énième roman d’apprentissage, à une classique éducation sentimentale et les figures travaillées sont on ne peut plus éculées puisqu’il s’agit d’une part de la jeune étudiante piquante, intrépide s’éprenant d’un quadragénaire marié et d’autre part de l’amitié passionnée, teintée de désir mimétique, que la narratrice éprouve pour ladite étudiante. (suite)

"Portrait(s) de George" d'Emmelene Landon (Actes Sud)

Voici un texte allègre, véloce, qui foisonne de chaleur, de vie. Et déborde d'empathie. C'est aussi un texte infiniment délicat, un texte tout en nuances qui épouse les méandres et les fluctuations d'une âme subtile et chahutée. Car c'est l'âme d'une créatrice qu'Emmelene Landon nous rend lisible et pénétrable ou presque. Elle nous rend au moins sensibles les ondes telluriques qu'elle enregistre et qui la percutent. L'énigmatique George du titre est une femme peintre qui nous invite dans son atelier et nous initie moins aux secrets de son art qu'aux liens insolites, singuliers, qui l'unissent aux modèles dont elle brosse le portrait. (suite)

"Cahiers d'enfance" de Norah Lange (éd. Christian Bourgois)

image_enfancLes souvenirs d'enfance de Norah Lange sont des vitraux découpés à même le gel. Ils brillent, scintillent et se détachent avec une précision inouïe. Chaque détail est d'une netteté tranchante, un trait pur et sans repentir. Cela, qui émerge, se passe en Argentine au début du XX° siècle mais cela pourrait se produire à peu près n'importe quand et sous n'importe quelles latitudes tant ce qui importe ce n'est pas l'inscription dans le temps et dans l'espace mais l'essence même de l'enfance que Norah Lange ressuscite avec une éblouissante maestria doublée d'une économie de moyens impressionnante. (suite)

"Délaissé" de Fred Léal (P.O.L)

Il faut le dire d'emblée : ni le texte ni le personnage ne sont plaisants. Ils rebutent l'un et l'autre (probablement parce que le narrateur s'énonce à la première pesonne et que c'est lui la voix du texte), ils exaspèrent dans la même mesure. C'est une parole hirsute, revêche, que déploie un homme incertain et faussement désinvolte. Et ce dernier, donc, on pourrait hâtivement l'expédier dans la catégorie des pauvres types si le texte entier ne s'ingéniait à le décliner sur le mode ambivalent et complexe. (suite)

"Attention" de Heather Lewis (P.O.L)

Vous qui franchissez le seuil de ce livre, abandonnez tout espoir. Préparez-vous à une plongée en apnée sans remontée aucune. Vous allez connaître une asphyxie progressive qui produit paradoxalement un effet de fascination et même d'hypnose. Lire ce livre équivaut à prendre une drogue violente : on est mal mais on est envoûté, on ne peut le lâcher. C'est un minutieux dépeçage, la scrupuleuse restitution d'une descente dans un enfer (qui est d'abord un enfermement) mental. On est immergé sans prévenir et sans ménagements dans l'intériorité distordue d'une jeune prostituée (suite)

"Ullung-do" de Jung Lim (Galilée)

C'est un texte d'une délicatesse arachnéenne et telle qu'il pourrait paraître vaporeux voire nébuleux. Il procède par touches sensibles, vibratoires et dans une douceur ouatée, presque engourdie, engourdissante. C'est un récit qui a des allures de roman d'apprentissage, de parcours initiatique mais il excède d'emblée ces catégories. On se trouve en Corée, à une époque indéterminée. La narratrice revient sur un épisode décisif de sa prime jeunesse. Elle en restitue, chemin faisant, non pas tant les plus infimes détails que les plus intimes pulsations. (suite)

"Des roses rouge vif" d'Adriana Lisboa (Métailié)

image_rosesC'est un roman qui s'avance masqué. Un piège ensorceleur qui se referme sur le lecteur. Des cailloux de petite poucette sont semés en grand nombre le long du chemin, lovés au creux des phrases. On frémit parce qu'on sait avant de savoir, l'art consommé du subliminal, les indices distillés en filigrane, en transparence, agissent avec force et pourtant la révélation finale produit l'effet d'un choc tétanique. (suite)

"Enquête aux quatre confidences" de Maria Gabriela Llansol (Pagine d’Arte)

Voici, sous la forme apparente d’un journal intime, un texte sidéral, surgi d’un monde galactique, un poudroiement d’étoiles, une queue de comète qui est aussi, en soi, une cosmogonie entière et irréductible. Cela n’a rien d’une notation circonstanciée des travaux et des jours. Ce sont les trajets, les heurts, pointes, percées, embardées et fulgurations d’une âme. Mais une âme si singulière qu’elle génère non pas seulement sa propre langue mais aussi un mode de pensée unique et insubstituable. Avec Maria Gabriela Llansol, on n’est jamais ni en terrain conquis ni même en terrain familier. On va de décrochage en décrochage, on est projeté dans un paysage stellaire, post apocalyptique. (suite)

"Finita" de Maria Gabriela Llansol (Pagine D'Arte)

Finita_LlansolVoici un texte qui sort, qui s'extrait de tout à proportion même où il entre et pénètre au plus profond. Un texte qui s'excepte de tout genre, de toute catégorie, même du journal intime auquel il semble d'abord ressortir. On est dans un journal dans la mesure où les fragments sont datés, situés dans le temps (entre novembre 1974 et août 1977) et on est, semble-t-il, aussi dans l'intime puisque l'auteur, Maria Gabriela Llansol, puise dans sa substance la plus secrète, la plus profonde. Mais le secret, la substance profonde et l'intime ne se recouvrent pas nécessairement même s'ils peuvent le faire. (suite)

"Décharges" de Virginie Lou-Nony (Actes-Sud)

decharges_lou-nony_virginieC'est un texte sur lequel pèse, tout du long, une menace sourde comme une charge orageuse qui jamais n'éclate franchement mais étrangle peu à peu, et jusqu'à l'asphyxie, le souffle saccadé du texte. Les êtres qui peuplent ce récit évoluent dans des zones frontalières, limitrophes entre la vie et la survie. Ce sont des déshérités, des sinistrés que chaque geste quotidien marque du sceau indélébile de l'exclusion. (suite)

"Le bruit des autres" d'Amy Grace Loyd (Stock)

C'est un livre de pointe, de douceur trompeuse et de lancinante captation. Un texte qui s'effile sur le tranchant de l'impossible, qui se tient en lisière de ce qui ne se peut pas, juste en-deçà. C'est un récit qui procède par voltes souples et gracieuses et qui happe sans qu'on puisse opposer la moindre résistance active. C'est aussi un texte qui, sous des dehors d'innocuité, bascule imperceptiblement dans une moiteur sensuelle et toxique. Il s'agit de Celia, jeune veuve propriétaire d'un immeuble à Brooklyn. Dévastée par la mort de son mari, elle se dissout dans une langueur proche de la torpeur. (suite)

"La voie cruelle" d'Ella Maillart

... l'intérêts principal du livre réside dans le portrait, disséminé à travers les pages, qu'elle brosse de sa compagne de voyage, Annemarie Schwarzenbach. A l'époque où débute le récit (en juin 1939), cette dernière relève d'une cure de désintoxication, elle est encore très faible mais armée d'une volonté farouche : elle tient absolument à accompagner Ella Maillart dans son voyage ... (suite)

"L'ange incliné" de Pierre Mari (Actes Sud)

poesieC'est un livre précieux comme un secret offert, une donation fragile. C'est une écriture de crête, la bride haut tenue par l'amour sacré de la langue. Un phrasé délicat et ferme. Une odyssée intérieure, une prose élégante qui en épouse les pics, les cieux, les vacillements. Un texte brûlé, irradié en son centre par un miracle. Un style tendu, sobre, tout de ferveur contenue. (suite)

"De l'autre côté de l'hiver" de Benjamin Markovitz (Ed. Phébus)

C'est un roman qui n'a l'air de rien. Facture classique, écriture lisse (quoique raffinée), personnages assez stéréotypés, procédé éprouvé (4 parties, 4 personnages, chaque partie étant dédiée à l'une des figures qui intervient, satellisée, dans la partition des trois autres). Rien de novateur, donc et pourtant quelque chose. Quelque chose mais quoi ? (suite)

"Portrait robot Mon père, Portrait robot Ma mère" de Christoph Meckel (Quidam éditeur)

image_protraitC'est un livre double à un seul tranchant. Un seul tranchant dédoublé. La piété filiale vue, visée et découpée sous un angle très singulier. Un regard qui cadre, coupe et dissèque, un regard chirurgical qui accomplit cependant le tour de force de n'être (pour une part, du moins) pas dénué de compassion ni d'amour.  Quelques années après la mort de son père, l'auteur, Christoph Meckel, met la main sur le journal intime dudit père et les mots qu'il découvre alors manquent de l'anéantir tant ils exigent de lui un remaniement total, une refonte intégrale de l'image paternelle. (suite)

"Roman à clefs" d'Alizé Meurisse (Allia)

image_meurisseAlizé Meurisse a encore quelque chose de la petite fille facétieuse qui saute à cloche-pied sur la marelle de ses rêves. Elle vise le ciel mais ne dédaigne pas les pauses, les détours, elle aime à marauder au fil de son écriture buissonnière. Son sens de l'observation est aiguisé et elle excelle particulièrement dans l'art d'épingler les détails insolites. Son texte est un drôle de tissage : elle entrelace les saisies sur le vif et les réflexions teintées d'adolescence sur l'amour, la dictature du paraître, la difficulté d'habiter un corps féminin ... (suite)

"L'impureté d'Irène" de Philippe Mezescaze (Arléa)

image_mezescazeNous sommes à la Rochelle le temps d'un été aux contours indécis. L'horizon est délimité par la mer, le temps est scandé par le visage et le corps d'une femme. Le monde est vu à hauteur d'enfant. La femme, c'est Irène, l'enfant c'est Emile, son fils.Emile observe, fasciné, les faits et gestes d'Irène. Mais si le charme opère, si on frôle l'envoûtement, Emile ne quitte pas sa position surplombante et critique d'observateur.   (suite)

"Plein présent" de Natacha Michel (Verdier)

Natacha Michel est une flibustière qui opère ni en eaux troubles ni en eaux profondes ni dans le grande large, mais dans des eaux houleuses qui les mêlent toutes. Elle préside surtout aux ondes bouillonnantes, à une incessante effervescence. Effervescence à laquelle la coupante précision de son verbe interdit cependant le flou et la confusion. Notre romancière orchestre, avec une redoutable maestria, une partition aussi complexe que pétillante laquelle entrelace des motifs aussi variés que l’amitié plurielle, l’amour bafoué, la tentation de l’engagement politique, la guerre d’Algérie, l’ivresse du frais savoir, les  découvertes tous azimuts, les rapports de pouvoir, de désir et d’amour entre des âges et des sexes qui n’auraient jamais dû se télescoper… (suite)

"Sita" de Kate Millett (éd. des femmes)

image_sitaC'est un livre dont les phrases claquent et résonnent. C'est aussi un flux ininterompu, un monologue intérieur qui restitue, au plus près de sa source, le ressassement qui accompagne une crise amoureuse aiguë. La parole se livre par saccades tumulteuses, éperdues. Elle est cependant corsetée dans des phrases nettes ciselées, du cousu main. Comme si la rigueur du style était appelée à compenser, à endiguer le désordre de la pensée et des sentiments. On a presque affaire à un procédé racinien. (suite)

"Abîmes ordinaires" de Catherine Millot (Gallimard)

Où il est question de retournement de l'être, de "l'homme métaphysique". On visite les abîmes, certes, mais il s'y fomente une accession à l'extase. Alertée par des expériences personnelles fondatrices voire transfiguratrices, l'auteur mène l'enquête, elle interroge des cas qui lui paraissent s'apparenter au sien. Car il lui a été donné, par deux fois pendant son enfance et une fois au cours de sa jeunesse, de connaître des états d'absolu dénuement qui mystérieusement se sont mués en allégement, en transport, en illumination..(suite)

"Fake" de Giulio Minghini (Allia)

image_fake_petitGiulio Minghini est un explorateur des temps modernes, un moraliste qui avance masqué, un fin limier qui nous conte les mésaventures de son double lequel s’est pris dans les rets d’une nasse qu’il pensait contrôler. Son texte est un vertige, une transe contemporaine, un cauchemar qui vire et se développe à bas bruit. Au commencement, le narrateur végète, étrillé par une rupture amoureuse qui l’a laissé sur le flanc. Sur les recommandations d’une amie pleine d’inquiète sollicitude au vu de son  déclin, il s’inscrit sur un site de rencontres qui porte l’attrayant et peu offensif titre de « pointscommuns ». (suite)

"La disparition du monde réel" de Marc Molk (Buchet-Chastel)

Marc Molk est une dentellière des heures, un chroniqueur inspiré de la perdition douce. Chez lui, même la violence est bien élevée, dressée à se taire, à se cacher, se transmuer : elle ne nous parvient que sous forme filtrée et tamisée mais percute, sans préavis, d’autant plus redoutablement. Marc Molk excelle à dire la nonchalance des heures estivales qui s’étirent et se dissolvent dans le presque rien. Il nous convie à un drame, une dramaturgie qui élisent pour cadre et pour conditions de nouement la plus grande bénignité, la plus parfaite innocuité apparente. (suite)

"Un jeune homme triste" de Thibault de Montaigu (Ed. Fayard)

Ce pourrait être une bluette ou la plainte irritante d'un enfant gâté qui échoue à trouver un emploi valable pour son énergie. Ce pourrait être une coquille vide. Mais non. Dès les premières pages, il y a un ton, une voix, une présence qui requièrent. L'auteur, pourtant (Thibault de Montaigu, 28 ans), n'évite aucun des poncifs propres à la jeunesse dorée. Il y a là un jeune couple (Emmanuel et Camille) qui s'aime d'amour tendre et une vieille voiture qui a du cachet. (suite)

"Journée américaine" de Christine Montalbetti (P.O.L)

Dans "Journée américaine", Christine Montalbetti nous joue encore un des tours pendables dont elle a le secret. Elle se joue de nous mais avec une grâce si virtuose et un sens si consommé, si étincelant de la facétie qu'on serait malvenu de lui en tenir rigueur et qu'on en arrive même à désirer être plus souvent abusé et floué d'une façon si jubilatoire. Encore une fois, Christine Montalbetti ne se contente de s'amuser des codes et des clichés, elle ne se borne pas à broder des variations autour de figures éprouvées et de thèmes éculés. (suite)

"Petits déjeuners avec quelques écrivains célébres" de Christine Montalbetti (P.O.L)

image_montalbettiChristine Montalbetti est une rouée qui nous balade et nous égare avec une souriante virtuosité. Son texte est tout entier une promesse non tenue qui opère par glissements et réalise cette acrobatie de muer l'inaugural et superficiel sentiment déceptif en émerveillement. Car elle nous initie et nous convertit à ce que nous n'attendions pas et qui s'avère autrement plus stimulant. Le titre est prometteur qui nous convie à des "petits déjeuners avec quelques écrivains célébres" et donc, semble-t-il, et ainsi que renchérit la quatrième de couverture, à "quelque chose de doucement people". (suite)

"Visage retrouvé" de Wajdi Mouawad (Actes Sud)

image_mouawadWajdi Mouawad entre en littérature avec une belle candeur et un culot mimétique de celui de Wahad, son narrateur adolescent. Ce qui est en jeu dans son premier roman qui flirte allégrement avec la fable, c'est "l'inquiétante étrangeté" qui s'empare du corps et de l'esprit lorsque l'adolescence advient et frappe comme un foudroiement. Le roman est divisé en trois parties qui couvrent trois périodes distinctes de la vie du narrateur.  (suite)

"Alors Carcasse" de  Mariette Navarro (Cheyne éditeur)

Voici une curiosité claudicante et pourtant fortement architecturée. Un corps, un texte, qui s’engendre lui-même selon sa nécessité propre, selon son rythme et sa logique organiques. Qui est Carcasse sinon le paradigme, parmi nous ou en nous, de celui qui mène une vie errante et trébuchante en quête d’une place qu’on lui ménagerait, en quête de la place qui s’ajusterait avec exactitude à ce qu’il est ? Carcasse est une créature bancale et incertaine qui peine à s’insérer dans le cours ordinaire des choses, dans le tissage des jours. Carcasse est en délicatesse avec le monde extérieur qui le violente mais il est aussi en conflit avec ses flux internes qui tendent à suivre un cours anarchique et échappent à son contrôle. (suite)

"Le devoir du soldat" de Sarah Neiger (Le préau des collines)

C'est un texte d'urgence absolue. Ecrit comme on crache, comme on crie ou comme on tente, éperdu, de reprendre souffle alors que l'on se noie. Un texte comme un jet de pierres, un lancer d'arbalète, et qui percute plein coeur. A travers des phrases mitraillées, catapultées, c'est une femme qui, progressivement, reprend possession d'elle-même, de sa vie longtemps confisquée. Ce sont les fragments arrachés d'une enfance massacrée, d'une jeunesse vacillante, titubante, funambulesque, en équilibre instable sur un fil transparent et spéculaire, infiniment déchirable et qui, plusieurs fois, se rompt. (suite)

"Les irréductibles" de Zoé Oldenbourg (Gallimard)

C'est un roman empreint d'une étrange grâce, d'une mélancolie rageuse, d'un élan déceptif, d'un emportement blessé, désabusé. Le récit, très ancré dans l'époque qu'il restitue est traversé de thèmes sans âge et il rejoint l'intemporel.Au début nous suivons pas à pas un home et sa difficile réimmersion dans sa ville, Paris, dans sa vie volée en éclats et désormais privée de contours précis. Nous sommes en 1947. L'homme s'appelle Elie, il n'a pas tout à fait 30 ans et il vient d'en passer sept en captivité. (suite)

"Place ouverte à Bordeaux" de Hanne Ørstavik (Notabilia)

C'est un texte de bruine, de sel et de soleil flouté. Une succession de fugues gracieuses et déroutantes qui ne perdent jamais de vue le motif central et qui, à la tendresse vaporeuse, ajoutent le tranchant de la cruauté. C'est une quête sinueuse et une saignée insolite. Une série de prélèvements féroces dans la substance nue, la chair de l'amour. L'argument paraît simple : la narratrice, artiste plasticienne, divorcée et mère d'une adolescente, s'engoue d'un critique d'art dont les mots (ceux d'un article) l'ont touchée au plus vif. (suite)

"La lune sur le mur" d’Anna Maria Ortese (Verdier)

Chez Anne Maria Ortese, tout est interstitiel. Les choses sont entre les mots et les mots se déploient et se posent très en avant des choses. Et dans les intervalles brillent, palpitent et frémissent des ondes d’une délicatesse et d’une sensibilité inouïes. On ne saurait dire s’il s’agit d’émotions, de sensations, de sentiments ou d’une vibration dont le caractère impersonnel, indécidable ne saurait se réduire à une émanation subjective et prendrait, de ce fait, un tour presque objectif. Ce qui est sûr, c’est qu’on se trouve face à une forme d’amour et que cet amour est si pur qu’il étreint et bouleverse continûment. (suite)

"Mistero doloroso" d'Anna Maria Ortese (Actes Sud)

misterodolorosoC'est un texte comme une lame, aigu, tranchant mais qui est en même temps d'une qualité céleste et s'élève, tout du long, vers un point asymptotique. Un texte qui, sous des dehors apparemment classiques et au fil d'une trame éprouvée, s'échappe et déjoue, sans faillir, sans désemparer, les attentes du lecteur. L'intrigue semble d'une simplicité déconcertante, désarmante même : au XVIII° siècle, à Naples, Flori, une adolescente de basse extraction (sa mère est couturière) s'éprend violemment, lors d'une rencontre fortuite, d'un jeune aristocrate, le prince Cirillo, très convoité mais frappé de langueur et de mélancolie romantique et dont le coeur initialement balance (âprement disputé qu'il est) entre deux jeunes femmes de son rang. (suite)

"La vie hors du temps" de Tezer Özlü (Bleu autour)

C'est un texte de crue et de cavale. Un texte de pointe et d'évasion perpétuelle. Une longue et sinueuse déambulation pensive menée à toute berzingue. Une succession de voyages, d'évasions en forme de pèlerinages mais des pèlerinages qui n'ont rien d'une commémoration et tout d'une ébouriffante invention. Car notre auteur, Fezer  Özlü, invente, chemin faisant, de nouvelles façons d'être au monde. Elle marche sur les traces de Kafka, Svevo, Pavese (elle vénère spécialement ce dernier qu'elle cite à tout bout de champ) mais c'est sa propre langue qu'elle fouille et c'est elle-même qu'elle met au monde. Sa grande affaire, c'est franchir et s'affranchir. (suite)

"Ce que je n’entends pas" de Yaël Pachet (Aden)

De livre en livre, Yaël Pachet trace un territoire très singulier au sein duquel elle évolue en funambule, en spéléologue à la fois sauvage, tremblante et très sûre. Ce territoire, elle l’explore avec minutie mais aussi avec désinvolture et avec une grande liberté. Elle est minutieuse dans ses plongées, ses excavations qui s’attachent à cerner tous les éléments qu’elle se propose d’approcher et elle est désinvolte dans son mode opératoire : elle bondit d’un sujet à l’autre, d’un objet à l’autre au gré d’embardées fantasques, au gré, surtout, d’une logique organique et des pulsations intimes qui régissent sa vie et son écriture. (suite)

"L'autre vie de Valérie Straub" de Stéphane Padovani (Quidam éditeur)

vie_straubC'est un bref texte en forme de coup de poing. Une percussion, une pluie acide de mots criblés et perçants. C'est une vie dressée justicière puis cardée, agrafée dans l'étroitesse des normes et nécessités. Une vie rompue, fracturée en son centre mais jamais pliée ou rendue. Une vie qui ne s'incline pas. Sinon devant la douceur. C'est une voix sortie des fers, balafrée de tous côtés et au travers de tous les ronciers, qui exhale une rage sourde et une profonde fatigue. Une voix rassasiée de coups, calcinée de temps mort. (suite)

"Un baiser sous X" d'Eric Paradisi (Fayard)

image_paradisiEric Paradisi doit aimer les défis, les marges, les états-limites du corps. Il en fait la convaincante et troublante démonstration dans son dernier roman "Un baiser sous X". Pour autant, s'il prise les extrêmes, il  opère en douceur. Il explore mais par touches légères, sans appuyer, sans insister et sans prétendre à l'exhaustivité. Il s'immisce en catimini, mais avec une belle droiture, une belle intégrité, dans un corps interdit, un corps impensable. Impensable et incompensable. Corps fantasme de plénitude que la société stigmatise, dont elle fait une déficience, une solitude qui ne peut s'apparier. (suite)

"Suicide girls" d'Aymeric Patricot (Léo Scheer)

image-patricot-suicide-girlsC'est l'histoire de deux vies qui, lentement, irrépressiblement, convergent l'une vers l'autre à la manière de deux astres radioactifs, deux étoiles noires. Un jeune professeur débutant et une femme, très jeune. Lui est titulaire d'une vie apparemment des plus lisses (campagne charmante, aussi ravissante qu'impeccable, métier qui requiert vigilance et la plus totale maîtrise de soi) mais dynamitée de l'intérieur et qui peu à peu se lézarde et se délite. Elle vient d'une vie éventrée depuis la prime adolescence. Tous deux, pour des raisons distinctes, tendent vers la mort. (suite)

"Polaire" de Marc Pautrel (Gallimard)

C’est une histoire simple et déchirante, de celles dont on ne se remet pas. Marc Pautrel aborde son amour comme un enfant les galeries fabuleuses de son imagination : avec un émerveillement incrédule. Il est devant son amour comme un enfant : les mains nues et le cœur pas davantage vêtu. L’objet de cet amour est une jeune femme de trente ans et elle surgit dans le texte, qu’elle exhausse et illumine, comme un elfe irrésistible, une fée radieuse, rayonnante et crépitante  de vie. (suite)

"Sans un regard" de José Luis Pexeito (Grasset)

image_peixotoC'est un premier roman stupéfiant de beauté exténuée. Un souffle d'une ampleur et d'une puissance mythologiques surgi comme de dessous la terre. Chaque mot est d'une densité, d'une force de percussion et d'une justesse telles qu'il s'égale au plus solennel, au plus sacré des silences. Les voix qui montent viennent des entrailles et de plus loin encore, voix millénaires chargées de la légende des siècles et de la douleur des peuples opprimés, douleur des offensés et des humiliés. (suite)

"Le cimetière des pianos" de Jose Luis Peixoto (Folio Gallimard)

image-peixotoJose Luis Peixoto est un acrobate hors pair et aussi un écrivain d'une infinie sensibilité. Que les deux se trouvent rassemblés en un même être, la virtuosité et l'aptitude à restituer des émotions vibrantes, est une chose si rare qu'elle mérite d'être mentionnée. Si Jose Luis Peixoto brouille les pistes, s'il joue avec la chronologie et va jusqu'à confondre les identités, ce n'est pas seulement pour éprouver ses dons de créateur surdoué mais pour mieux faire jaillir l'émotion brute. (suite)

"C’est curieux" d’Isabelle Pinçon (Cheyne éditeur)

Isabelle Pinçon n’y va pas par quatre chemins et, en même temps, elle brouille toutes les pistes. L’objet de sa curiosité, de ses investigations, de son affection est clairement désigné et ciblé : c’est l’homme familier qui est, dans le même temps, parfaitement étranger. Et l’angle d’approche privilégie exclusivement ce dernier aspect : l’insolite, l’incongru, l’altérité qui saisit, interloque, presque suffoque et souvent prête à rire. C’est que le regard d’Isabelle Pinçon décape la vision de toute afféterie, de toute paresse, de toute convention. C’est un regard radiant qui perce toutes les poches et toutes les coques de confort et d’aisance autoroutière. Un regard qui fait éclater les bulles perceptives protectrices. L’homme paraît mais tel qu’on ne l’a jamais vu. (suite)

"L’enfer musical" d’Alejandra Pizarnik (ypsilon.éditeur)

Alejandra Pizarnik est une flibustière hors-catégorie et c’est aussi une voix qui, dégagée des décombres, perce et désigne l’insondable. On va de l’obscur à l’obscur, c’est une conscience ténébreuse, obstruée, qui va fouiller une matière menaçante, et cependant, tout du long, ce sont des esquilles de lumière, des éclats éblouis qui surgissent. Ce à quoi l’on assiste, ce n’est pas à une joute ou un combat, mais à un véritable corps à corps, féroce, implacable, avec la langue. Car, pour Aleandra Pizarnik, c’est tout l’objet de son écriture en même temps que c’est tout l’enjeu de sa vie que de s’identifier à travers une langue qui lui est propre. Car, écrit-elle, "un vide gris est mon nom, mon prénom. » Il est question, beaucoup, d’enfance, de nuit, de mutité, d’absence, de solitude, de mort. (suite)

"Le prisonnier" d'Anne Plantagenet (Stock)

image_plantagenetAnne Plantagenent écrit à l'économie et sur le fil d'une fièvre continue. Elle resserre l'espace, raréfie l'air à mesure qu'elle dilate l'âme, ouvre les portes de l'esprit. Elle maintient tout du long une cadence haletée qui oblige à lire, à regarder à neuf . La tension qui jamais ne décroît nettoie et annule les scories. On est happé par une force centripète qui pulvérise le superflu. (suite)

"Disproportion de l'homme" de Laurence Plazenet (Gallimard)

image_disproportionPour ceux qui sont familiers de l'oeuvre de Laurence Plazenet, "Disproportion de l'homme" peut faire office de clef de voûte, d'éclairage cru jeté sur un dense mystère longtemps infissurable. Pour les autres, les bienheureux qui découvrent, c'est encore et tout de suite, le rapt, l'aspiration vers le haut. C'est le portrait d'un homme, Simon qui, au seuil de la quarantaine, traverse une crise sans précédent. Il possède tous les attributs de l'homme moderne rassasié de biens, comblé de tous les signes extérieurs de réussite. (suite)

"L'amour seul" de Laurence Plazenet (Albin Michel)

image_amour_seulC'est un livre de fièvre sèche et d'air raréfié. De sarments qui brûlent si haut que l'âme en est presque asphyxiée. Noblesse native, noblesse de coeur, rudesse des exigences, vies taillées, élaguées au plus dru, vies rougies, bronzées sous le fouet des contraintes, sous l'aiguillon des pénitences, il n'y a là pas de place pour aucun accommodement avec la tiédeur. (suite)

"Les ballons d'hélium" de Grégoire Polet (Gallimard)

helium_poletC'est un texte en forme de chute indéfiniment reprise et rééditée, une coulée à vif et à pic qui ne cesse que pour opérer, ailleurs et autrement, cette cavalcade renversée, cette malédiction de Sisyphe projetée dans les profondeurs. C'est une plongée dans les entrailles d'une vie hantée, une vie arrachée à elle-même mais où l'altération majeure et la déportation véritable ne sont pas celles qu'on croit. (suite)

"Les saisons" de Maurice Pons (Christian Bourgois)

saisons_ponsComment aborder un livre estampillé "culte" avec un regard virginal ? Difficle ... On craint que la réputation de chef-d'oeuvre ne soit surfaite et on redoute pareillement de n'avoir pas la sensibilité, la perméabilité requises pour apprécier ce joyau ... Autrement dit, le livre sera-t-il à la hauteur et réciproquement, sera-t-on, soi-même à la hauteur ? Quand, au mépris de toutes ces appréhensions, on se lance, voilà ce qu'on trouve : soit un homme, Siméon, disgracié, remarquable tant par sa visible pauvreté que par sa repoussante laideur physique, qui arrive un beau jour dans un bourg. Et quel bourg ! (suite)

"Les exigences" d’Olivia Profizi (Actes Sud)

Voici un texte fragile, vacillant, incertain, un texte courageux qui n’hésite pas à se frotter à ce qui, précisément, pourrait le distordre et le disqualifier. Un texte qui va même jusqu’à établir ses fondements et déployer son mode opératoire au sein même du travail de sape. Le périlleux pari est le suivant : le texte est bâti autour d’une destruction, une destruction avérée qui tente, simultanément, de remonter son cours, d’identifier les conditions qui présidèrent à sa mise en œuvre et de se conjurer elle-même. Le dispositif dramaturgique est le suivant : la voix majeure est celle de Rachel, une jeune femme confinée dans une unité psychiatrique. Au fil du texte, elle déroule deux lignes qui se développent en parallèle ou convergent et se superposent. (suite)

"Regarder le soleil" de Anne Provoost (Fayard)

image_provoostC'est une histoire d'étrangeté, une histoire voilée, un texte qui joue du clair-obscur jusque dans ses phrases filtrées et tamisées.Une dureté inouïe élimée, vaincue par le génie d'une petite fille. On se trouve dans un ranch isolé en Australie. Il y a Chloé, la narratrice, encore enfant, il y a sa mère, Linda, il y a son père très tôt soufflé, expulsé du récit, mort à la suite d'un accident équestre, alcoolisé et troublement familial. Il y a encore Ilana, demi-soeur adolescente de Chloé, née d'une première noce de Linda. Et puis il y a Rockie et Lorna, couple d'amis proches, débordants d'une sollicitude embarrassée. (suite)

"Un hiver à Rome" d'Elisabetta Rasy (Seuil)

C'est un roman de l'infime, du souffle contenu, des situations vaporeuses, soulevées presque à partir de rien. C'est la trajectoire, zigzaguée, toute de flux contradictoires, d'une femme qui semble à peine posée dans la vie. C'est un texte au charme trouble dont le mystère tient autant aux ellipses, aux coupes sombres pratiquées dans la matière vive, qu'au sens explicite, livré, très délicatement exprimé. (suite)

"La Dame de pierres" de Virginie Reisz (Le temps qu'il fait)

dame_pierres_reiszC'est un texte de haute tension, de grands fonds et de ligne claire. Un texte qui orchestre la rencontre entre la plus rugueuse réalité, le concret le plus pragmatique et la poésie la plus aiguë. C'est une quête incantatoire. Des voix s'élèvent, habitées, âpres, éperdues. Deux hommes sont réunis, soudés au plus profond par une ivresse, un désir fou qui n'est pas d'une femme mais d'une bâtisse. Une distillerie sise aux confins du monde, dans une île des Hébrides et dont le sauvetage mobilise toutes leurs forces. (suite)

"Le professeur de rhétorique" de Marie-Hélène Renoux (Cheyne éditeur)

Une femme rencontre un homme. Cet homme est un philosophe italien du début du XVIII° siècle, il se nomme Gianbattista Vico et cette rencontre est à ce point décisive que la femme (qui est aussi la narratrice) décide de lui consacrer un texte qui n’est pas d’hommage. Elle explique, dans un avant-propos, la nature singulière de son entreprise : il s’agit, pour elle, de s’adresser au philosophe reconfiguré en jeune homme et qu’elle suit pas à pas et évoque au gré de secrètes vibrations intimes. Le texte comporte aussi un second volet tout autre : l’auteur y dialogue avec un spécialiste de l’œuvre de Vico à l’appréciation duquel elle soumet le premier volet et elle mêle à cette exploration duelle ou conjuguée de Vico une esquisse de récit la mettant en scène elle en compagnie de son aimé. (suite)

"Efina" de Noëlle Revaz (Gallimard)

image_efinaNoëlle Revaz est une joueuse. Elle a l'esprit; le verbe, l'approche, l'accent et la cadence ludiques.  Elle joue des mots et des codes et ses phrases ont l'oeil qui frise et les pointes qui pétillent.On a, au départ, les éléments suivants : une jeune femme, Efina, qui se rend au théâtre et T., un comédien d'âge mûr, brillant semble-t-il. Efina voit T. se produire et s'entiche de lui. Il y a un échange de lettres. T. répond aux emballements et embardées d'Efina avec complaisance et condescendance. (suite)

"Rose Envy" de Dominique de Rivaz (Zoé)

Voici un texte comme un ballon d’hélium, un texte qui tout vaporise, tiré et aspiré vers le haut et qui, cependant, est cousu et couturé au plus près du corps. C’est un texte plein de grâce, tout piqueté d’éclats tranchants et prodigue en fantasques faveurs et pourtant il ne cède rien à la facilité et pas davantage aux charmes éprouvés. C’est un parcours initiatique des plus singuliers, un roman de formation des plus insolites. Tout se resserre, se polarise autour d’un motif incongru qui intrigue, interloque et entraîne dans une prenante, une hypnotique fascination. (suite)

"Fond de carte" de Marie Rivière (Melville - Léo Scheer)

image_riviereMarie Rivière a écrit un récit de désenchantement des plus originaux. Elle orchestre une errance presque statique doublée d'une très mobile cavalcade mentale, de ruades et d'embardées internes suraiguës. Rafaël, l'ulysséen narrateur est un étudiant bordelais en rupture. Avec ses études. Avec Bordeaux. Avec sa vie tout entière. Il sort de trois semaines de prostration passées en tête à tête avec son canapé et il entend bien fuir à jamais la ville dans laquelle il s'éprouve englué. (suite)

"La mort et le printemps" de Mercè Rodoreda (L'imaginaire Gallimard)

C'est une voix, d'abord, qui prend corps en vous. Une voix étrange, surplombante, comme blanchie, absente à elle-même et pourtant prenante, obsédante.C'est un adolescent qui nous parle depuis l'ailleurs où il vit et qui nous initie aux éclats insolites du monde qu'il habite. Racontant, il recense, il se fait témoin et mémorialiste des pratiques singulières, des rituels énigmatiques qui rythment sa vie et celle de la communauté à laquelle il appartient.  (suite)

"Joséphine" de Jean Rolin (Gallimard)

image_josephineC'est un livre de failles. Un livre de cris et chuchotements. Un cri qui fulgure sans les allures trompeuses du chuchotement. C'est un texte de l'éperdu, un tombeau qui prélève le plus vif et le plus vrai de la femme aimée et perdue. Le profil perdu peu à peu émerge, sort de l'indistinction. Une jeune femme d'abord interchangeable qui s'identifie, se singularise au fil des traits précis, saillants, dont la doue l'écrivain. Mais cette identification s'accomplit comme du bout des doigts, du bout des mots. (suite)

"Ninive" de Henrietta Rose-Innes (Zoé)

"Ninive" est un texte de résistance et un texte qui prend la tangente. C'est une odyssée improbable, une croisade menée par les chemins de traverse les plus singuliers, les plus inusités. C'est une drôle de guerre qui se double d'un insoluble conflit d'amour. C'est un carnage familial qui file sa propre métaphore de vertigineuse façon. Comme si les blessures les plus secrètes, les plus profondes, étaient brutalement exhibées, non sur la peau, non sur les membres eux-mêmes, mais sur une prothèse non moins lisible. (suite)

"Le revolver de Lacan" de Jean-François Rouzières (Seuil)

image_rouzieresLe titre intrigue et escroque. On s'attend à une énième facétie du maître, à un de ces tours pendables dont il avait le secret (et la secrète jouissance) et qui l'égalaient à un irrécusable et indécrottable polisson. L'escroquerie, cependant, n'est pas totale. Car il sera question de violence autant que de psychanalyse. Et il ne s'agit pas non plus seulement d'une métonymie. Car le revolver de Lacan surgira bel et bien au cours du récit et il s'illustrera de la plus éclatante façon. (suite)

"Halte à Yalta" d'Emmanuel Ruben (JBz & Cie)

C'est un périple qui va comme un cheval dételé et semble, par moments, celui d'un train qui doucement déraille. C'est l'histoire d'une rencontre insolite et d'un lien non moins singulier et purement circonstanciel qui se tisse entre deux hommes, deux pérégrins. C'est, depuis la Crimée, à bord d'un train soviétique cahotant et poussif, une traversée de l'espace russe, une plongée abrupte dans une durée bringuebalée, chahutée par deux âmes qui se cognent. (suite)

"Retour, retour" de Catherine Safonoff (Zoé)

C’est un livre détaché de tout, un livre suspendu, en apesanteur et qui ne se rapporte à rien. Rien de repérable, d’identifiable dans ce récit inclassable qui nous emmène au fil d’un voyage presque immobile. On est projeté dans la conscience chaotique de la narratrice dont on a le sentiment qu’elle-même ne sait pas vraiment où elle est ni, surtout, où elle en est. Si l’on croit trouver dans le retour du titre éponyme un repère, un indice, on est vite détrompé : en fait de retour, c’est plutôt à un éternel faux départ qu’on a le sentiment d’assister. Ou à un impossible retour. (suite)

"Autour de ma mère" de Catherine Safonoff  (Zoé)

Catherine Safonoff écrit et rend trait pour trait, mot uppercuté pour choc et percussion, mot et ombre portée pour impact et coup. Elle ne ménage ni n’aménage, elle écrit, implacable, comme on crie ou comme on cogne. Comme on frappe à coups redoublés. Et pourtant, dans son monde écrit, rien n’est symétrique et les mots disent, quand ils ne les compensent pas, toutes les parts manquantes. Dans cet opus, Catherine Safonoff procède comme à l’ordinaire : de façon apparemment buissonnière et vagabonde mais en fait, secrètement et fortement architecturée, selon un ordre et une logique organiques qui répondent à une nécessité interne. (suite)

"La part d’Esmé" de Catherine Safonoff (L’Age d’homme)

Esmé est une drôle de zigue qui appréhende la vie en zigzags et surtout jamais de façon rectiligne. C’est une jeune femme oblique qui jette sur les êtres et les choses un regard jamais attendu. Esmé semble baguenauder et marauder sa vie avec légèreté, espièglerie mais tout de suite on perçoit une sourde inquiétude, une gravité qui imprègne le texte et dément cette impression première. Esmé virevolte et vibrionne mais ses cabrioles sont étrangement veinées de gris et de mélancolie comme si elle aimantait la limaille cachée de l’existence, toutes les peines secrètes et les sanglots contenus. En vérité Esmé crapahute, vivote et peine entre les éboulements, sur des sentes ordinaires, dont le caractère ordinaire, précisément,, la mortifie car ce n’est pas ce chemin-là qui miroitait dans ses rêves enluminés et elle s’accommode mal du principe de réalité. (suite)

"Le mineur et le canari" de Catherine Safonoff (Zoé)

On entre dans le livre de Catherine Safonoff presque comme chez soi : c’est ouvert, accueillant, chaleureux, coloré, débordant de vie et de fantaisie  et il s’y déploie une parole qui est une parole amie. Mais rien n’est simple et uni pour autant. Catherine Safonoff est une irrégulière qui écrit irrégulièrement. Sa prose vagabonde et fantasque nous entraîne le long des chemins de traverse, des chemins creux et aussi dans les fondrières. Et si rien ne va de soi, si le cours de l’écriture est heurté, imprévisible, c’est qu’il épouse au plus près celui, si diablement inventif, de la vie. (suite)

"Franny et Zooey" de J.D. Salinger

FrannyCe sont des esprits feux-follets. Trop rapides, alertes et agiles pour les frêles corps qui les abritent. Ce sont des corps au sortir de l'adolescence affligés d'une intellignece si aiguë qu'elle en devient invalidante. Ils perçoivent le monde à travers des prismes si complexes qu'ils leur donnent le tournis. Ce sont Franny et Zooey, ils sont frères et soeur, cadets d'une famille de sept enfants, tous dotés d'une intelligence surdimensionnée, (suite)

"Un bonheur parfait" de James Salter

image_salter_1C'est un texte tout de langueurs et de volutes pâles et rosées. Un texte comme tout en écharpes, en bandeaux veloutés de soleil couchant. Tout en douceurs pastel et en mélancolie contenue. Un texte trompeur. Traître et fourbe comme un marécage, surface étale mais enfoncement garanti et lame de fond abrasive. Un texte qui, en un fabuleux et quasi imerceptible exercice de prestidigitation, retourne plusieurs fois les apparences. Un texte aux entrés innombrables, aux strates multiples, aux sédiments cachés qui affleurent sans cesse. (suite)

"Le bord du ciel" de Maïca Sanconie (Quidam éditeur)

image_bord_du_ciel_sanconieMaïca Sanconie est une orfèvre. De la langue et des sensations. Et, chose plus rare, des lignes mélodiques qu'elle parvient merveilleusement à transcrire en mots. C'est un singulier récit de formation qui dit la mue d'abord subie puis consentie d'un homme vibrant qui se réapproprie sa vie. Il faut savourer chaque page de ce texte car chaque page est une miniature parfaite, une oeuvre d'art à part entière, un chef-d'oeuvre d'émotion contenue, de beauté infiniment subtile et ciselée. (suite)

Annemarie Schwarzenbach : une figure fascinante à découvrir

Deux livres hautement recommandables :

- "Annemarie S. ou les fuites éperdues" de Vinciane Moeschler aux Editions de l'Age d'Homme,

- "Elle, tant aimée" de Melinia G. Mazzucco aux Editions Flammarion..

pages_livres/souviraa.html#ParadesTous deux sont des biographies romancées d'un personnage d'exception, Annemarie Schwarzenbach (suite)

"La mort en Perse" d'Annemarie Schwarzenbach

"La mort en Perse" Annemarie Schwarzenbach, Editions Petite Bibliothèque PAYOT.

"La mort en Perse" est un livre étrange, atypique. A l'image de son auteur, il déconcerte et exerce un charme singulier. Au sens strict du terme, il déroute car le lecteur ne s'y retrouve jamais en terrain connu (suite)

"Les Amis de Bernhard" d'Annemarie Schwarzenbach (Phébus)

bernhard_schwarzenbachC'est un livre comme une verrerie délicatement ouvragée et recouverte d'un glacis précieux. C'est aussi un précis d'adolescence finissante. C'est si transparent qu'on est ébloui, c'est si transparent qu'on voit tout, qu'on croit tout pénétrer au premier regard, à la première lecture, mais la profondeur est là, qui affleure derrière les mots diaphanes. C'est un ton, clair et posé, une voix prenante et qui déjà, sous des dehors cristallins, possède la capacité de diffuser dans le corps des ondes troubles et troublantes et des secrets subliminaux. (suite)

"Retour à Brooklyn" d'Hubert Selby Jr. (10/18)

C'est un texte qui se referme sur vous comme un piège. Une bombe à retardement mais dont les effets ravageurs se font sentir tout de suite tant ils remplissent et intoxiquent l'atmosphère. C'est la réduction progressive des possibles la strangulation des espoirs à l'oeuvre même au coeur de l'apparente expansion. C'est un mélange explosif d'empathie et de cruauté. C'est une éblouissante réussite. (suite)

"Blouse" d'Antoine Sénanque (Grasset)

Voici l'abrupte confession d'un "médecin malgré lui". Vertigineuse plongée dans l'intimité d'un homme douloureusement familier de ses abîmes. Qui n'a de connaissance que par les gouffres. Un auto-portrait des plus féroces. Le narrateur est neurologue. On suit, chronologiques, les étapes de sa formation puis de sa vie professionnelle.(suite)

"La grande garde" d'Antoine Sénanque

C'est un roman écrit comme une bombe amorcée par un observateur éclairé. C'est un compte à rebours qui fait sauter quelques battements de coeur. C'est prenant et bouleversant de bout en bout. Je ne sais si le médecin qui a commis ce livre est un grand neurologue mais il est sans nul doute un grand styliste. (suite)

"Basse ville" de Jacques Serena (Minuit)

image_basse_villeC'est un texte bancal et branque. A l'image des personnages plus que cabossés, erratiques, qui semblent évoluer dans un no man's land, projection de leur esprit post-apocalyptique où n'ont plus cours aucun des repères normés qui jalonnent la vie béquillée du commun des mortels. Deux paroles lèvent et se déploient en deux monologues alternatifs. On ne sait pas bien d'où venues ni vers quoi dirigées ni non plus dans quel milieu elles évoluent. (suite)

"Plus rien dire sans toi" de Jacques Serena (Minuit)

image-serenaOn ne sait pas où on est. Catapulté sans préambule dans la tête d'un type. Un type qui déraille. Mais qui déraille avec une froide lucidité. A la fois collé à son délire et distinct, détaché, observant, démontant et trafiquant ses propres circuits avec une passion fanatique. Oui, on se trouve dans un observatoire, un laboratoire psychique et verbal, témoin privilègié d'une folie organisée - autant qu'organique - dont le processus est méticuleusement restitué. (suite)

"A la hauteur de Grand Central Station je me suis assise et j'ai pleuré" d'Elizabeth Smart (Les herbes rouges)

C'est un récit qui tient du cri, de la prière, de l'incantation tour à tour exultante ou éperdue. C'est un cantique, une supplique à bout de souffle, une évocation hantée bien plus qu'un récit. Ce sont les transes et les stances d'une femme amoureuse qui élève l'amour au rang d'expérience sacrée. Ce sont des épiphanies et des fulgurances successives qui foudroient jusqu'au fond de l'âme. C'est une mélopée entêtante qui hésite, oscille entre le cri d'extase et le chant d'agonie. (suite)

"L'épouse américaine" de Mario Soldati (Le Promeneur)

epouse_americaineOn pourrait croire qu'on se trouve face à une énième version de l'archirebattu triangle amoureux (le mari, la femme, l'amante) et c'est le cas, en vérité, mais Mario Soldati (l'auteur des magnifiques et mémorables "Lettres de Capri") réussit le tour de force de déjouer l'attendu, de ne jamais puiser dans ce réservoir à clichés ni glisser sur la pente du vaudeville. Et comment s'y prend-il pour ce faire ? Il nous présente son héros en état de surprise et même de sidération continue si bien que nous sommes conduits, nous aussi, à envisager la situation sous un angle singulier et inédit.(suite)

"Parades" de Bernard Souviraa (l'Olivier)

image paradesC'est un récit qui plonge loin dans les racines de la mémoire. Loin non pas tellement dans le temps mais dans ce qui fonde une personnalité et même un destin. C'est l'histoire d'une de ces rencontres décisives qui infléchissent le cours d'une existence, d'une fascination adolescente qui resurgit vingt ans après avec une violence inouïe. (suite)

"Edie" de Jean Stein (Christian Bourgois)

image_edieC'est l'histoire d'une luxueuse déchéance. La trajectoire météorique d'une gamine pourrie de dons, comblée de possessions matérielles, socialement favorisée à outrance. Tout est donné à profusion et cependant le socle fondateur fait défaut. C'est l'histoire d'une plaie béante qui fleurit sur un sol trop riche en névroses, chargé de ferments toxiques.  (suite)

"Le livre de l'immaturité" d'Eva Steinitz

image steinitzCe sont les carnets d'une fille de vingt et un ans, des notes prises sur le vif qui, assemblées, forment une sorte de parcours initiatique. La fille vit à Lisbonne, elle y dessine, hante les expositions, les bars, les soirées. Des rencontres la réchauffent, des voyages l'électrisent, des amitiés la galvanisent, elle se frotte aux garçons, s'essaie aux jeux de l'amour et du hasard ... Elle est neuve et elle dit comment la vie la traverse et la transforme. (suite)

"Le lieu le plus obscur" de Michel Suffran (Maurice Nadeau)

Voici un roman débusqué chez un bouquiniste et qu'il fait bon dépoussiérer. Publié en 1982 chez Maurice Nadeau, ce livre est un kaléidoscope de scènes à la fois tranchées et glissantes qui s'entrechoquent, s'additionnent, se contredisent, avancent en boitant puis se propulsent au loin. Ces fragments nous troublent, nous égarent mais pour mieux nous recentrer sur une urgence, une évidence cruciale : quitter l'enfance, de corps et d'âme, est une perdition sans retour. (suite)

"Petit éloge de la rupture" de Brina Svit (Folio Gallimard)

image_svitBrina Svit s'est lancée dans une étrange entreprise dont elle explique la genèse complexe, semée de tribulations, agitée de moult convulsions morales. Il paraîtrait que (si toutefois nous sommes suffisamment centrés et équipés pour) nous allons toujours vers ce qui nous fait le plus peur. Question d'intensité mais aussi de sens à imprimer à notre terrestre trajectoire, rapport aussi au nécessaire dépassement. C'est donc parce qu'elle croyait redouter au-delà de tout la rupture que Brina Svit s'est attachée et attaquée à ce motif dont elle décline les différentes figures explorant les configurations qu'elle a revêtues dans sa propre vie. (suite)

"La mort n'en saura rien" de Georgina Tacou (Melville Léo Scheer)

image_tacouC'est une prose torrentueuse et syncopée à la fois. Un ovni littéraire comme il est d'usage, désormais, de nommer les textes qui n'offrent pas de prise ou d'aspect préfabriqué. C'est une langue cascadée, carambolée, qui charrie avec un même bonheur fureurs vulcanisées, rageuses explosions éructées et délicates floraisons poétiques. C'est cru et cruel, emporté, lyrique, baroque et aussi très rock. C'est de la fièvre concassée et cadencée, cavalant à fleur d'abîme. (suite)

"Gordon" d'Edith Templeton (Robert Laffont)

image gordonC'est un livre vénéneux et limpide à la fois. Un texte d'une sauvagerie contrôlée, cadenassée par un style de haute tenue. Un texte d'une grande modernité bien qu'il ait été publié dans les années 60 et relate des faits survenus à Londres dans les années de l'immédiat après-guerre. Un teste auto biographique d'une grande impudeur. (suite)

"Crevasse" de Pierre Terzian (Quidam éditeur)

Crevasse-Pierre-TerzianC'est un texte séparé et qui, de toutes les manières possibles et par tous les moyens stylistiques dont il dispose, profère cette séparation. C'est une voix des tréfonds, la voix d'un revenu de tout, d'un méconnu de tous, d'un pourfendu, un déclassé, un oublié de la vie, un mal-vivant, un laissé pour-compte, un collectionneur du mécomptes, un laissé tout court, un absolu délaissé. C'est un autre. Un radicalement autre. Un étranger à tout, même à son propre corps. (suite)

"Le plancher de Jeannot" d'Ingrid Thobois (Buchet-Chastel)

C'est un texte bref, brut, serré comme un coup de poing et assené comme tel. C'est l'histoire d'une femme et d'une famille qui dévore ses enfants. C'est dans une famille paysanne du Béarn à l'époque de la guerre d'Algérie. Il y a Alexandre le père piégeur et saccageur, Joséphine la mère dite la glousse qui tout avale, tout rengorge, y compris les enfants qu'elle a expulsés. Il y a Simone la frondeuse, la belliqueuse, qui ne s'attarde pas au sein de cette famille massacreuse. Et puis Jean (Jeannot) et Paule. Jean est le bras armé de la glousse, l'héritier, le mâle chargé d'apporter compensation et réparation. (suite)

"Sollicciano" d'Ingrid Thobois (Zulma)

Sollicciano_ThoboisC'est, par salves successives, le portrait d'une femme singulière et sensationnelle. Cette femme porte, de façon très préméditée, très délibérée, le prénom chargé de Norma-Jean. Elle enseigne, avec une coupante ferveur, la philosophie à des étudiants magnétisés, enamourés voire pâmés. C'est une prof avec des allures et une aura fracassantes d'héroïne frappée par le sort, élue pour figurer dans la légende. Elle apparaît donc comme source et réservoir de fantasmes mais il y a quelque chose en elle de flou, de mal fini qui empêche que la cristallisation ait lieu. (suite)

"Le souffle de l'Harmattan" de Sylvain Trudel (Les Allusifs)

image_trudelCe roman se signale d'abords par sa langue. Dense, inventive, fleurie de trouvailles inédites et saisissantes. C'est la langue de l'ailleurs, de l'exil, une langue de haute solitude qui oblige à un surcroît de créativité. Celui qui la profère, c'est Hugues, un orphelin qui ne trouve pas dans sa famille d'accueil de répondant.  (suite)

"Les Carnets" de Marina Tsvetaeva (éd. des Syrtes)

Marina_TsvetaevaQuand on entre dans les "Cartnets" de Marina Tsvetaeva, tout autre journal intime, et quelle que soit sa qualité, est instantanément frappé de discrédit et même tombe en poussière. Car ces pages ne sont pas des pages, ces écrits ne sont pas des écrits. C'est une expérience physique qui frappe au plexus et transperce au plus profond et laisse étourdi, le coeur gonflé, rempli et vacillant, dansant sous les étoiles. Ce qui ressort de ces carnets, c'est que Marina est un monstre au sens mythologique du terme. (suite)

"Vivre dans le feu" de Marina Tsvetaeva (Robert Laffont)

image_tsvetaevaC'est une femme dont la vie fut une croisade incessante contre toute forme de médiocrité. Une engagée volontaire sur les chemins de la plus haute exigence. Une femme qui a brûlé ses vaisseaux sur l'autel de l'absolu. Une forcenée du verbe. Une affamée d'amour. Une championne de la démesure. Une athlète de l'âme. Une russe, une vraie de vraie ! Aux prises avec les convulsions de son temps, elle a traversé drames historiques et intimes avec une hauteur de vue peu commune. (suite)

"Chute libre" d'Emilie de Turckheim (éd. du Rocher)

ChutelibreVoici une fille culottée. C'est son deuxième livre et elle s'attaque au roman noir sans craindre de s'affranchir des lois du genre. Elle avance en roue libre, elle fonce allègrement et nous déroute au fil d'une intrigue drôlement bine troussée. Voici Jean, un homme lige, un homme ligoté. Son existence ne va pas de soi. Il se répand en remerciements inopportuns et en excuses intempestives. C'est pour son innocuité qu'il a été promu, dans le magazine qui l'emploi, au poste de rédacteur adjoint.  (suite)

"Les oreilles du loup" d'Antonio Ungar (Les Allusifs)

oreillesC'est une voix frêle et penchée mais aussi fraîche et claire. C'est un petit, tout petit garçon (il a cinq ans au début du récit, sept à la fin) qui fait l'apprentissage de la sauvagerie du monde. Il vit entouré de sa mère et de sa petite soeur, laquelle, à ses yeux, relève du miracle : maigre, nerveuse, agile, souple, gracieuse et farouche, elle a tout d'un chat sans en être un et cela ne laisse pas d'émerveiller notre jeune poète.  (suite)

"Forêts noires" de Romain Verger (Quidam éditeur)

image_vergerRomain Verger nous joue, dans son nouvel ouvrage, un air doux-amer, il nous enrobe dans une grinçante suavité. Inaugurant une structutre narrative inédite (une série de courtes proses qui se répondent et communiquent par capillarité), il nous entraîne à la suite du narrateur, chercheur en biologie, venu exercer ses talents au Japon, au pied du Fuji-Yama. Notre homme est maintenu de force en lisière de la forêt d'Aokigahara où il est censé opérer et la proximité de cette masse impénétrable l'aimante jusqu'à l'envoûtement et déclenche en lui des réminiscences en cascade. (suite)

"Grande Ourse" de Romain Verger (Quidam)

image_grande_ourseC'est une histoire de corps métaphysique. C'est un texte pareil à une figure aux arêtes précisément dessinées. Ce ne sont pas les phrases seules qui sont ciselées mais le corps entier du récit. Le lecteur est projeté dans un univers pour le moins déconcertant et dépaysant. Car nous voici d'abord, il y a 35.000 ans, en compagnie d'Arcas, un homme isolé, seul rescapé des guerres claniques et des épidémies qui ont décimé sa tribu.  (suite)

"Les oiseaux" de Tarjei Vesaas (Plein Chant)

image_vesaasIl s'appelle Mathis mais on le surnomme "La Houppette". Il a 37 ans et une altérité qui dérange. Parce que ses perceptions sont étranges et qu'il use d'un langage qui lui est propre, on le considère comme un simple d'esprit dans le bourg norvégien où il vit aux côtés de sa soeur Hege la sage. Hege, si sensée, si bonne, si commune, tout le monde la plaint et loue son courage car elle tricote sans relâche, elle est condamnée à travailler dur pour entretenir son frère qui vagabonde, pour assurer leur subsistance à tous les deux. (suite)

"Les Mots pauvres" de Christiane Veschambre (Cheyne éditeur)

Voici un texte d’une simplicité souveraine. Souveraine est la parole qui se dépose sur la page et souveraine l’humilité qui préside à cette déposition. C’est un murmure qui flue, doux, enveloppant, jamais péremptoire, mais la netteté des phrases, l’intégrité de la pensée et l’exigence vers quoi regarde le texte, forcent le respect, imposent de relever la tête et de se dresser plus haut que nature. Un événement déclenche l’écriture : au commencement, la narratrice perd (sans cause assignable) la parole. Mais ce drame inaugural  est déjà rapporté comme à bas bruit, à voix basse, murmurée, sans fracas et sans effet. Comme si l’écriture se mettait instantanément au diapason, en adéquation avec l’état du corps dont elle rend compte. (suite)

"Ci-gît l’amour fou" d’Ornela Vorpsi (Actes-Sud)

Ornela Vorpsi a une écriture sorcière et des dons de voyance, ou, du moins, d’exceptionnelle pénétration. Elle vogue, navigue, slalome, voltige entre le dehors et le dedans, entre réel et surréel avec une aisance déconcertante. Elle oscille, effectue le va-et-vient, efface les frontières avec une ébouriffante virtuosité. Elle possède le rare pouvoir de se glisser non pas dans mais sous la peau de ses personnages. Et voici qu’elle investit la vie secrète et pulsatile de Tamar. Tamar est une adolescente, translucide dont les contours mal finis ou mal définis ne mordent ni ne tranchent le réel. Elle traverse la vie, fantomale, sans jamais parvenir à déposer son empreinte. (suite)

"Nos mères" d'Antoine Wauters (Verdier)

Antoine Wauters est un poète vibrant qui nous offre ici un récit d'une frémissante sensibilité parcouru d'ondes sourdement sismiques. C'est un récit d'une saisissante étrangeté mais une étrangeté distillée au fil d'une narration si fluide qu'elle en devient presque insoupçonnable. Le narrateur est un enfant profus appelé à naviguer entre plusieurs mères contre (dans toutes les acceptations du terme) lesquelles il s'édifie et se définit. Le premier volet se déroule dans une ville quelconque du Proche-Orient. La guerre fait rage et, son père étant mort, l'enfant est percuté simultanément par les mitrailles répétées et par les tentatives d'encerclement, d'enveloppement strangulatoire que sa mère, chaque jour réitère.(suite)

"Ali si on veut" de Ben Arès - Antoine Wauters (Cheyne éditeur)

C'est une langue de limon, de sulfures, de failles et brûlures. Une langue qui soulève, fouaille, brasse, bouillonne, broie et foisonne. Une écriture d'épines et de musc, de pavane et de castagne, de gouaille déferlée, de verve torrentueuse et de silence rêche. Ce sont des instantanés qui acquièrent  un caractère intemporel. Des prélèvements, des prises, des rafles d'un présent dont l'épaisseur excède de loin la seule saisie de l'instant. Ce sont les moments d'Ali, jeune transfuge, nouvel Ulysse à la tête d'une transhumance, d'une odyssée de sève, de feu, de songes très charnus, très odorants. Ce sont des mots d'écorché, arrachés à la glèbe originelle, ce sont des phrases écourtées, écorcées, convulsées et contractées, catapultées en rafales. (suite)

"Césarine de nuit" d'Antoine Wauters (Cheyne éditeur)

C'est un bloc météorique chu sur chaque page. Un bloc de temps et de vie crue. Un bloc, aussi, coulée galvanique, de langue corsée, radiante, furieuse. Ce sont des personnages comme des astres, un texte comme la trajectoire d'une comète. Mais les astres sont veinés, irrigués de sombre. Les astres sont calcinés et, même, en voie de carbonisation. Ce sont des créatures animales et célestes et c'est peut-être dans leur animalité que leur beauté culmine. Et la nuit est celle qui tombe sur deux enfants. Ils sont deux, frère et sœur, gémellaires et soudés sang à sang et chair à chair, bien plus loin et plus profond qu'il n'est admis. (suite)

"L’amour sans visage" d’Hélène Waysbord (Christian Bourgois)

Hélène Waysbord est une orfèvre. De la vie et des mots. Elle cisèle les heures, les drames, l’indicible et les phrases avec la même extrême délicatesse. Avec un sens implacable de la beauté. Le temps est éclaté et la langue, pareillement, se diffracte en une multitude d’éclats prismatiques. Il appartient au lecteur de restituer le sens comme la chronologie et c’est une opération des plus captivantes. C’est l'histoire d’une perte originelle incompensable et d’une réappropriation progressive qui advient au terme d’une quête tissée de cris rengorgés, d’impacts invisibles et qui, cependant, ponctionnent et vident peu à peu tout le sang. Et toute la sève. (suite)

"Le roman de Thomas Lilienstein" de Laurence Werner David (Buchet-Chastel)

liliensteinC'est un texte ciselé très au-dessus du niveau de la mer, dans la tessiture d'une voix haut tenue, dans la matière même des songes ou presque. C'est une quête menée au nom de l'amour mais qui prend tout de suite des allures de composition poétique et abstraite, d'élaboration raffinée et diffractée. C'est donc le roman de Thomas Lilienstein tel qu'il est rêvé, et presque halluciné, par Mikel, la jeune femme qui l'aime et le cherche et le traque partout y compris quand il se trouve à ses côtés.  (suite)

"Terre légère" de Claire Wolniewicz (Viviane Hamy)

image_terreC'est une succession de voix qui prennent du volume, de l'ampleur et aussi s'affûtent, s'aiguisent comme autant d'instruments de précision à mesure que le texte évolue. C'est un voyage qui déclenche le mouvement et le roulis des âmes qui s'auscultent.C'est une réunion de famille presque aléatoire, presque improvisée et qui se tient, suspendue dans l'espace, à l'autre bout du monde (suite)

"Ici et à jamais" de Sue Woolfe (Phébus)

image_woolfeC'est l'histoire d'un ravage. D'une possession. D'un père et de sa fille mais funestement par le crime et par l'art. C'est une lutte à mort, un duel qui emporte tout. Le père donne la vie, donne l'art et les reprend dans le même mouvement. Le père est peintre, assez renommé et autocrate redoutable. Au début, la fille qui est aussi la narratrice a également une mère : elle est douce, belle, talentueuse et entièrement assujettie.  (suite)

"Irène, Nestor et la vérité" de Catherine Ysmal (Quidam éditeur)

C’est un texte qui herse, fouaille, extirpe, sabre sans retenue. Un texte qui corsète, sangle, harnache, tenaille, sectionne et l’air se raréfie à mesure. C’est un texte qui, dans un même mouvement, vous soulève de terre et vous y précipite, étourdi, défait par KO. Un texte qui broie une matière monstre et tellurique, un texte tout d'ondes sismiques qui plonge les mains dans l’humus, l’originel et le malpropre. Ce sont des voix, trois voix distinctes, juxtaposées, mais qui s’entrelardent et interfèrent tout le temps. C’est la traditionnelle triangulation si ce n’est qu’entre le mari et la femme, ce n’est pas l’amant qui s’interpose, mais l’ami. Et l’époux a beau nourrir une certaine suspicion quant aux rapports entre sa femme et leur ami commun, ce n’est pas la jalousie amoureuse qui est le ressort principal du récit. (suite)

"La Fille sans qualités" de Juli Zeh

image_juli_zehAda surclasse tellement les autres qu'elle s'ennuie à mourir. Seul le professeur d'histoire, en homme d'une intelligence supérieure, trouve grâce à ses yeux. Ada s'étiole insensiblement jusqu'à l'arrivée, dans sa classe et dans sa vie, d'Alev. Alev est d'origine cosmopolite et il est le double, la part manquante, la part maudite d'Ada. Il sera à la fois catalyseur et détonateur. (suite)

"Une syllabe, battant de bois" de Mary-Laure Zoss (Cheyne éditeur)

Mary-Laure Zoss est une redoutable ensorceleuse, une sorcière qui concocte son brouet addictif. Mais elle opère avec des armes tout à fait insolites. Elle séduit, envoûte à contre-courant, à rebrousse-poil, à coups de cravache, de fouettée d'orties, de sécateur. Ses phrases se hérissent et sabrent au fil d'escarpements et selon une progression sinueuse. Et cependant la magie, rêche et sans concession, opère et, très vite, on ne peut plus s'arracher à cette entêtante mélopée. C'est une voix qui joue du dédoublement, qui s'adresse, au choix, au même ou à l'autre. Une voix qui intime, somme, profère des formules en forme de sentences mais qui sont tout sauf des poncifs. (suite)


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