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Robert Wise par Livres-Addict.fr
"La maison du diable" de Robert Wise
C'est
un roman psychologique des plus affûtés déguisé en film fantastique (où
le lieu générique, le poncif de la maison est surtout la métaphore et
le théâtre d'un dévoilement psychanalytique). Un anthropologue
séduisant et plein d'aplomb et versé dans le paranormal décide de
rassembler plusieurs personnes dans une maison que son lourd passif
(morts mystérieuses en cascade, phénomènes étranges et inexpliqués)
désigne pour qu'on y mène des expériences risquées. En guise de
collaborateurs, il choisit deux femmes dont l'une, Théodora, possède
des dons de médium tandis que l'autre, Eléanor, a été témoin, dans son
enfance d'un phénomène surnaturel. S'adjoint à la petite troupe
l'héritier putatif de la demeure, un fringant jeune homme dont
l'arrogance n'a d'égale que le scepticisme qu'il professe à l'égard du
"Lagerfeld
confidentiel"
de Rodolphe Marconisurnaturel.
Eléanor est le point de focalisation, catalyseur et réceptacle des énergies qui traversent le film. On la découvre vieille fille au physique quelconque voire ingrat (car laissé en friche), elle étouffe au sein de sa vie étriquée. Après s'être occupée, onze années durant, de sa mère malade et acariâtre à propos de laquelle elle nourrit une culpabilité ravageuse, elle végète chez sa soeur dont elle est entièrement tributaire et qui lui fait sentir à quel point sa présence est superfétatoire... Elle envisage l'expérience qu'on lui propose comme une aubaine, l'opportunité de s'offrir une respiration et d'échapper au joug familial.
Le film avance au gré de ses monologues intérieurs. Arrivée dans la maison de tous les périls, elle fait d'abord la connaissance de Théodora, brune hiératique et magnétique (fascinante Claire Bloom) dont l'élégance glacée la perturbe et la mortifie instantanément. Entre les deux femmes, le contact prend tout de suite des allures de choc frontal. Théodora prend sur Eléanor un ascendant immédiat. Consciente de sa fragilité et de sa vacuité, elle multiplie les pointes incisives visant à la déstabiliser et elle ne lui épargne aucun commentaire désobligeant.
Puis arrive le sémillant et charismatique anthropologue (dont Eléanor s'éprend très vite) et enfin le présomptueux jeune homme. Dans la maison aux décors on ne peut plus baroques, les manifestations inquiétantes se succèdent en effet (coups, impacts sonores de provenance inconnue , plaintes nocturnes, murs qui ondulent et se gondolent) mais la mise en scène d'une rare acuité incline à penser qu'il peut ne s'agir que des projections mentales des protagonistes. D'autant qu'Eléanor apparaît à la fois comme la cible de prédilection et l'"Elue" de la maison (personnage à part entière). Au fil des jours, la jeune femme happée et électrisée autant par les lieux que par les liens tortueux qui s'y nouent, affiche de plus en plus son dénuement. Des failles se font toujours plus patentes. Sa raison est mise à mal peut-être moins par les phénomènes étranges que par les attaques répétées en forme d'insinuations perfides que lui réserve Théodora et par l'amour impossible qu'elle développe à l'endroit du bel anthropologue. Peu à peu, elle sombre dans la confusion mentale, elle croit que la maison l'appelle, qu'elle lui intime l'ordre de rester, qu'elle a été choisie pour y vivre, que c'est là son lieu puisqu'il n'en est nul autre pour elle au monde. Elle se sent investie d'une mission : habiter et réhabiliter cette maison, office qui justifie enfin son existence. Elle figure l'idéal bouc émissaire, victime expiatoire des autres et d'elle-même.
Ce film montre avec maestria comment en concentrant suffisamment de causes efficientes, on peut précipiter la dissolution d'un être, on peut rompre les attaches d'un esprit vulnérable et briser une personnalité à qui fait défaut une épine dorsale...
BH
11/07