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 Gilles Blanchard par Livres-Addict.fr 

 "Tête d'or" de Gilles Blanchard

tetedorPaul Claudel avait formulé le souhait que "Tête d'or" soit joué dans un stalag. A quelques détails près, Gilles Blanchard l'a fait : il a monté la pièce en milieu carcéral avec le concours de 26 détenus. Ceux-ci n'ont pas à rougir de la comparaison avec Béatrice Dalle, seule comédienne professionnelle, royale et fière, irradiant de présence brute, intensément charnelle. On est médusé par l'aisance et la ferveur avec lesquelles les détenus s'emparent du texte de Claudel : ils l'investissent d'un souffle souvent grandiose que beaucoup d'acteurs pourraient leur envier. La prison apparaît alors comme une pépinière de talents insoupçonnés. Les dons de certains éclatent avec une telle évidence qu'on se prend à rêver que ce vivier soit plus "Nuage" de Sébastien Betbederfréquemment sollicité...

Le contraste entre le dénuement des lieux et des hommes et la luxuriance de la langue claudélienne ne serre pas seulement le coeur, il accuse aussi les qualités respectives du texte et des acteurs. Car si les hommes paraissent majestueux, tout pénétrés de la grandeur du texte qu'ils profèrent, la pièce elle aussi sort grandie et ravivée de cette expérience. Les hommes sont façonnés, révélés par la langue qui délivre en eux une dimension sublime et réciproquement la langue est magnifiée par ces hommes d'apparence fruste qui lui prêtent leurs corps compacts, corps d'une beauté décapante droit sortis d'un livre de Genet et dignes d'être louangés par lui, corps concentrés d'énergie, de rage contenue. Ils prêtent aussi leur parler parfois étonnamment délié et raffiné mais souvent cru, percutant, teinté de verdeur et de gouaille savoureuse. On assiste à une réhabilitation mutuelle. Nimbés de toute la gloire dont ils sont destitués, les détenus se parent d'une dignité nouvelle et le texte de Claudel, lui, se leste, s'humanise, il prend corps brutalement en n'en parait que plus somptueux. 

GillesBlanchardC'est lyrique, pasolinien, envoûtant. 

Le détenu qui incarne "Tête d'or" est d'un charisme époustouflant. Tout d'intensité et de puissante noblesse, il révèle une âme aristocratique et l'on n'est pas surpris d'apprendre que Béatrice Dalle a choisi de l'épouser en 2005. Mails les autres (notamment le roi et le jeune prince) méritent tout autant d'être cités.

C'est une pièce sur le pouvoir, ses limites, ses abus et ce thème prend, entre les murs, une résonnance toute particulière. A un moment donné, Guénaël (Tête d'or") s'adressant à Gilles Blanchard dit : "Pour que le spectateur perçoive que je m'adresse en même temps à mes co-détenus, il faut que j'injecte mon propre texte dans le texte sans sortir du contexte !" A entendre une telle réflexion, on regrette que les séances préparatoires (les remarques de Guénaël lors de ses échanges avec Blanchard sont d'une étincelante intelligence) ne soient pas plus fréquemment filmées. Il y aurait eu là matière à un film entier et des plus passionnants...

BH 11/07

Retrouvez également l'interview de Gilles Blanchard par Bénédicte Heim sur le podcast des Contrebandiers éditeurs.
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