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Laure des Accords par Livres-Addict.fr
"L'Envoleuse" de Laure des Accords (Verdier)
Laure des Accords ne
nous raconte
pas une histoire selon un mode classique et une progression linéaire,
elle nous
égare et nous plonge dans un fouillis confus de sensations dont il nous
appartient de démêler l'écheveau.
Les temps, les époques se percutent, les émotions se catapultent. C'est une histoire d'amour plurielle et des plus singulières qui se multiplie, se diffracte, se partage dans le temps et entre les corps.
Romain et Guillemette, en bout de course, en bord de mort, se remémorent, en épisodes saillants et sensations aiguës, l'amour qui, depuis l'enfance, les unit. Ils ont dû, pour trouver le chemin vers l'autre, surmonter des écueils, conjurer des impossibilités. L'empreinte de la honte, de la pauvreté, de la violence paternelle qui pesaient sur Romain. La difficulté d'être, une beauté sans évidence un physique jugé longtemps ingrat pour Guillemette.
Mais, au fond, ce qui les soude, c'est moins l'adversité qu'un secret, brassé et cultivé, au creux de leur chair. Ce secret se prénomme Gisèle. Gisèle, bloc de chair onctueuse, débordante et insaisissable, était la figure centrale de l'enfance, celle qui cristallisait rêves, fantasmes, désirs inavouables. Elle était, sans savoir, le pivot, le ciment, le piment du duo qui, sans elle, eût été dissous. Gisèle n'est pas seulement médiatrice et truchement mais aussi distributrice, celle qui orchestre l'histoire et préside à toutes ses péripéties. Tout s'origine et se résout en Gisèle qui, par sa singularité, son étrangeté assumée, son essentielle, allègre, légère, irréductible et contagieuse liberté, règne sans partage.
Guillemette et Romain, aux portes de la mort, évoquent donc, tour à tour, scènes et sensations qui procèdent de Gisèle ou s'articulent autour d'elle. Et, toujours, il s'agit d'éblouissements sensuels, de révélations charnelles. Gisèle, sorte de Gaïa, déesse originelle fut à la fois l'agent et l'objet de l'amour. Gisèle, corps conducteur, âme volatile mais initiatrice sans rivale. Gisèle, chair généreuse, outrancière, en qui les enfants se réfugiaient. Gisèle qui inconditionnellement accueillait mais pour, non moins implacablement, expulser.
Le texte, par ellipses et au fil de fulgurantes trouvailles poétiques, file comme une comète autour de cet inscrutable mystère.
Fascination garantie!
BH 10/14