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 Ben Arès par Livres-Addict.fr

"Tromba" de Ben Arès (maelström reevolution)

"Tromba" est un texte qui défile et s'effile sur le tranchant d'une quête qui est aussi une errance, une immersion et une perdition consentie.

Il est constitué de deux volets, deux parties qui souterrainement  se répondent et donnent la parole, successivement, d'abord à une instance masculine puis à des voix féminines.

C'est un homme donc, "L'Etranger", qui, au commencement, s'enfonce dans la touffeur d'une île malgache. Il est assailli d'impressions, criblé de sensations crues et il recense, étourdi, couleurs, odeurs, saveurs, rythmes, balancements, déhanchements qui dévalent et lui entrent dans le corps.

Mais la véritable exploration s'effectue, en fait, de l'intérieur, au plus intime au creux, du corps des femmes qui pilotent l'Etranger, l'imprègnent, l'habitent, le modifient. Il y a d'abord Fatima qui s'offre un peu trop spontanément, s'agrippe un peu trop voracement et, toute de prétentions abusives, fait saillir un profil de prédatrice. Dégagé de ses rets, l'Etranger bascule auprès de Justine, non moins séduisante mais capable, elle, de gratuité. L'Etranger s'attarde auprès de cette attachante jeune femme qui lui confie son déchirante histoire, sa vie dévalisée, spoliée. Au fil de sa dérive organisée, l'Etranger poursuit une quête secrète : il est à la recherche d'un fils dont il a perdu la trace. Mais cet homme est gouverné par sa quête bien plus qu'il ne la mène. Il est pris dans un tourbillon, un bouillonnement qui l'emporte, aspiré par une profusion qui le submerge et le dépasse.

Dans la seconde partie, on découvre un chœur dissocié de femmes malgaches. Chacune à son tour prend la parole pour dire, dans une langue scandée, martelée, dans un sabir roulant, grondant, inspiré, ce que c'est d'être femme ou fille sur cette île. Il est beaucoup question du rapport violent, heurté (souvent monnayé) au corps et aux hommes. Ces femmes disent les tumultes et les tribulations de la chair. Leur discours est tour à tour vengeur, séducteur, insinuant, frontal, troublant, meurtrier ou aimant. La langue est, elle, toujours incantatoire, hantée, absolument hypnotique. Elle regorge de sidérantes arborescences verbales. C'est une langue profuse, gorgée de sang, de sève, de sucs, de foutre. On est, c'est flagrant, en présence de l'œuvre d'un poète. La parole que profère ce poète est d'une beauté et d'une singularité foudroyantes.

BH 01/14

"Ali si on veut" de Ben Arès - Antoine Wauters (Cheyne éditeur)

C'est une langue de limon, de sulfures, de failles et brûlures. Une langue qui soulève, fouaille, brasse, bouillonne, broie et foisonne. Une écriture d'épines et de musc, de pavane et de castagne, de gouaille déferlée, de verve torrentueuse et de silence rêche.

Ce sont des instantanés qui acquièrent  un caractère intemporel. Des prélèvements, des prises, des rafles d'un présent dont l'épaisseur excède de loin la seule saisie de l'instant. Ce sont les moments d'Ali, jeune transfuge, nouvel Ulysse à la tête d'une transhumance, d'une odyssée de sève, de feu, de songes très charnus, très odorants. Ce sont des mots d'écorché, arrachés à la glèbe originelle, ce sont des phrases écourtées, écorcées, convulsées et contractées, catapultées en rafales.

C'est la vie brute et l'amour nu, toutes les virginités et les fêlures d'Ali crachées dru.

Ce sont des ruées, des pulsations fauves, des salves de sang cru.

C'est une langue qui se profère et s'invente à mesure que le corps s'élève et s'articule au monde.

Ainsi :

"Pulse du ventre l'esprit l'énergu-
mène, convulse, s'extirpe des torves,
des us, goulues collées aux boules, aux
briques réfractaires. Il disait : non aux
assises, sagas, mentons doubles et bon-
dieuseries. Il respire, Ali, à zéro pour
un oui, il expire, et son sol rougit, et
son goût pour le sel mûrit, prend vie."

"Je suis né sang de musc : sur ma lan-
gue se sont posés le poil du renard et
le souffle, la laine du mouton court
après l'avoir tondu, partagé entre tous
et mangé. Sur ma langue furent le grain
de pollen, la fourmi rouge tuée, aimée
en l'avalant. Ou mille choses rompues."

"Aux yeux de jais, de jade, si calme
qu'on la dit folle, un sommeil de vol.
can, au zénith un silence, là, dans l'éclat
du soleil à charrier l'eau des lits (Cen-
dre, sable et limon), à dresser le poil
fou de la barbe et du sexe en soufflant,
vêtue de son seul rire où d'autres joue-
raient des cils."

"Elle, oreille, frisson, rêveuse quand
les mots tombent : avec mon sexe fin,
l'épine, à ta bouche l'ortie blanche, tu
lies l'arc à la ronde tires la flèche de
mon plus doux soupir, tout ce que j'ai
au ventre et que les lèvres écartèlent, tra-
vaillent en très fins fils. Tu touches ce
qui déchire, m'écoutes dans ta langue."

BH 11/13

              

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