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Leonor Baldaque par Livres-Addict.fr

"Vita (La vie légère)" de Leonor Baldaque (Gallimard)

vita_la_vie_legere_baldaqueC'est un livre de terre, de feu, mais d'air surtout. Un texte suspendu, qui s'élève indéfiniment comme gonflé à l'hélium et tient, en apesanteur, sur le fil de l'improbable, dans les méandres de songeries qui sont tout sauf creuses.

C'est un texte d'éther et d'envol, une miniature ciselée qui plane très haut mais qui, cependant, fait la part belle aux sens, qui est tout entier une traversée sensorielle, qui ne tient que par le recensement infatigable des sensations à vif.

C'est l'adolescence et ses remous, mais appréhendée par le haut, tenue entière en équilibre sur la fine pointe de l'âme.

Ce sont, transcrits tantôt à la troisième, tantôt à la première personne, les monologues de trois cousins qui habitent un territoire, un temps, un corps en devenir et rendent compte, en de brusques flambées verbales, des états étranges et exaltés qu'ils connaissent.

Le texte progresse ainsi, par poussées quasi séminales mais ces salves, ces embardées, ne cognent pas seulement fiévreusement, elles se déroulent et déploient aussi nonchalamment dans les plis des spéculations et des rêves, elles baguenaudent et flânent sans fin, hésitent et se rétractent au seuil du réel irréversible, elles sont faites de l'étoffe déchirable des songes.

Ils sont trois, donc, surgis de nulle part et ne procédant que d'eux-mêmes, trois sans ascendance ni entourage, trois qui figurent la virginité parfaite, trois matières meubles sur lesquelles tout s'imprime à neuf.

leonor_baldaqueIl y a Vita qui figure le centre, le principe, la force motrice, le point nodal autour duquel tout s'articule. Et puis ses deux cousins : Millicent qui est tout extérieur, sans pesanteur et livré à l'instant et Paul, noué, vrillé autour de son intériorité, magnétisé par le verbe, requis par l'oeuvre à venir, hanté par la nécessité encore inaccomplie de l'écriture. Les trois adolescents traversent une demeure, des paysages, une journée. Ils énoncent tour à tour, avec une parfaite virginité d'âme et dans un état de porosité totale, ce qu'ils éprouvent et découvrent chemin faisant. C'est une initiation éblouie. Tout est à la fois fluide, limpide et plein de bruissantes et inquiètes interrogations.

Les rapports entre eux sont ceux de trois corps bouillants et désirants mais, plus encore, innocents, qui s'agencent et s'encordent et s'accordent le plus naturellement du monde. Entre ces corps, nulle percussion, nulle friction passionnelle.

C'est une profération embuée, habitée, scandée et par moments presque hallucinée.

C'est un périple intérieur soulevé et dansé, piqueté d'accents durassiens mais qui évoque aussi, souvent et fortement, le ressac des "Vagues"woolfiennes.

La langue est sobre mais éminemment évocatrice. Tout scintille et poudroie.

Un enchantement.

BH 02/12

Retrouvez également l'interview de Leonor Baldaque par Bénédicte Heim sur le podcast des Contrebandiers éditeurs.             
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