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 Piotr Bednarski par Livres-Addict.fr

"Les neiges bleues" de Piotr Bednarski (Autrement)

image_bednarskiCe petit livre est un viatique, un livre thaumaturge qui prodigue soins et réconfort. Un recel de mots qui pansent et qui exaltent.

Et ces bienfaits sont prodigués par Petia un jeune enfant qui vit dans des conditions tragiques et fait précocément l'épreuve du mal. Il est parqué, avec sa mère, dans un camp, antichambre du goulag, soumis à la juridiction et à la folie de Staline. Mais il vit aussi soumis à une constante irradiation, celle dispensée par sa mère dont la brauté est telle qu'elle foudroie quiconque passe à proximité d'elle. Du reste, (tautologie propre à l'enfance?) vivante allégorie, elle n'est pas désignée autrement que par le substantif "Beauté". Et tous, sans distinction ni discrimination, succombent à sa vue, que ce soient les officiers staliniens ou les pauvres hères, les mutilés de guerre et les idiots dostoïevskiens.

Mais ce qui distingue Petia comme sa mère, c'est que, malgré les misères qu'ils endurent (le froid, la faim, les privations) et les brimades et persécutions auxquelles ils sont en butte, ils sont acharnés à ne prélever de la vie que ses radiantes et riantes merveilles.

Foudroyé par l'exemple du Christ, le jeune Petia se tourne naturellement vers les déshérités et il parvient même à rallier ses camarades à sa vision quasi mystique des choses. Ainsi, il a beau désirer éperdument acquérir un tricot marin, il lui suffit, le jour où, après maintes traverses, il entre enfin en possession de l'objet tant convoité, d'intercepter le regard envieux d'un encore plus démuni que lui pour que, sans tergiverser un seul instant, il le lui cède.

image_bednarskiDe même, il s'éprendra d'une jeune fille mentalement dérangée, une schizophrène dont l'étrangeté, loin de le rebuter suscitera en lui un surcroît de fascination et d'amour. Et Beauté est du même bois qui élit de préférence des hommes dénués, durement éprouvés, frappés de quelque infirmité cependant qu'elle répudie les nantis, les tenants du pouvoir en place car seul lui importe, chez un homme, le rayonnement de son âme.

Les morts se multiplient, les êtres chers à Petia (notamment les amants bancals de sa mère mais aussi les vieillards prodigues et les enfants) sont fauchés à une cadence infernale mais lui, enraciné dans l'amour de sa mère orientée vers la lumière qui pourtant tant défaille.

La température chute, elle dégringole sous les mains 40 degrés, la neige bleuit comme les corps, la seule nourriture autorisée et à disposition consiste, jour par jour, en 300 grammes de pain mêlé de cellulose et d'arêtes de poisson....

Seule demeure, comme source de chaleur et combustible quotidien, l'amour indéfectible. Celui que Petia voue à Beauté, bien sûr, mais aussi celui que lui inspirent les vagabonds illuminés, les vieillards rêveurs et fondus de douceur, les enfants fugueurs, autant d'irréguliers qui, tous et tant qu'il peut jouir de leur présence, dispensent au jeune garçon un précieux enseignement qui le raccorde à l'essentiel.

L'écriture est ciselée et transparente comme le givre.

Un texte étreint par la grâce.

Une tunique d'espoir à revêtir à même la peau.

BH 08/10

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