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Raymond Bellour par
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"L’enfant" de Raymond Bellour
(P.O.L)
C’est un texte composite,
composé de fragments galvaniques et sidérés. C’est l’enfance à bride
abattue et par bribes arrachées, par éclats de sensations exhumées,
commuées en compositions vibratoires et fulgurales.
C’est « l’enfant » indéterminé, général, durassien et extrêmement singulier, qui vient à nous fort de son royaume, de son univers farouche et réservé.
C’est une voix blanche qui se pose sur la page comme un croquis parfait, un croquis qui est au faîte, qui est la cime, qui est l’accomplissement dans son inachèvement même. Un croquis qui porte l’inachèvement à son point de perfection. C’est une voix blanche qui égrène des états successifs, disparates, entrechoqués. Une voix qui procède par saccades et perceptions sabrées et se développe sur le fil d’un lyrisme sec. Une voix qui remet au présent, instant, prégnant, ce qu’on croyait loin enfoui.
Ainsi : « L’enfant n’aime pas croire. Il voit et veut manger, croire est trop lointain. Il veut, et que ça claque, tout de suite, je te vois je te mange, et du temps pour rien d’autre. »
« Quand la carte s’anime, que chaque signe isolé devient une carte, chaque point de la carte un atome vibrant cerné d’une auréole chargée de sensations, l’enfant courbe le dos devant le poids nouveau que prennent les histoires. »
« Il ne souffre pas d’ignorance mais d’illimitation. Il mange son bras droit pour sentir son bras gauche. »
Ce sont, convoquées, des fulgurances, des incandescences ou des glaciations catapultées, des ciselures surgies intactes et plaquées avec une précision redoutable et cependant tout est comme réfracté, réverbéré, perçu au travers d’une vitre embuée.
Dans ce monde-là,
l’abstraction est crue et, réciproquement, l’immédiateté charnelle est
vitrifiée. Une approche insolite qui frappe et impressionne durablement.
BH 10/13