Livres-Addict.fr

 AccueilLivres | Films | Expositions | Sites internet

 Caroline Boidé par Livres-Addict.fr 

"Les Impurs" de Caroline Boidé (Serge Safran)

boide_les_impursC'est un livre de terre et de cendres. Terre brûlée, terre brûlante incrustée loin de dans le corps. Cendres fumantes tombées du haut d'un feu galvanique.

C'est un livre étoilé, un livre de toiles et d'étoilements, un livre gravitationnel qui ouvre maintes pistes, se ramifie multiplement et tournoie sans trêve.

C'est une histoire éternelle d'amour et de mort. D'honneur, de raison sociale et de passion aussi irréductible qu'inextinguible.

C'est un homme, captif de son image, de sa résonance mondaine et des mensonges communautaires qui se cogne à l'absolue singularité d'une femme. Ce sont deux folies divergentes qui se percutent et un moment se conjoignent pour ensuite se combattre jusqu'à la mort.

Nous sommes dans l'Algérie des années 50, entre Batna et les Aurès. David est un jeune ébéniste juif, Malek une musulmane frondeuse, en rupture de ban avec sa famille. Entre ces deux-là va se nouer et se tendre un amour incandescent et dur, un amour frappé d'interdit, de malédiction, presque une passion de légende, de celles qui encordent et nouent les corps au plus intime cependant que tout, du dehors, s'évertue à défaire cette union.

Malek et David incarnent deux pôles inconciliables et qui cependant s'aimantent irrépressiblement. Malek est une sauvage, un pur-sang échappé qui récuse tout enclos, David est un tenant de l'ordre, un inscrit dans les traditions millénaires qu'il ne s'autorise pas à bafouer. Malek se choisit et s'érige contre son père et ses pairs dans l'écriture qui la virginise et l'édifie. David, lui, ne peut exister en-dehors du cercle familier et familial qui l'adoube. Ces aspirations irréconciliables auront raison de leur amour. En apparence. Car on ne se défait pas par le seule volonté d'un amour tatoué à même la peau et l'âme.

Et puis, un peu comme dans "Le livre brisé" de Serge Doubrovski, le texte est, en son milieu, fracturé par le deuil.

David pensait n'avoir à faire qu'à la séparation, à la rupture éventuellement réparable, il aura à se colleter à l'irrémissible, à la mort.

Et toute la deuxième partie du roman est dédiée à cette question : comment faire avec un amour indéfectible qu'on a défait et que la mort vient frapper ?

Caroline Boidé suit David pas à pas dans ses oscillations, ses contradictions, ses embardées, ses révoltes, sa fragile reconstruction et ce, tandis que la guerre civile étend ses ravages.

L'auteur, au fil du texte, opte pour des approches et des supports multiples : narration classique, extraits de carnets intimes, brefs éclats de la vie courante prélevés sur le vif. On est promené d'un point de vue à un autre, emmené d'une âme à une autre et cette diversité accuse paradoxalement la cohérence et la ferveur de la quête fondamentale. 

Caroline Boidé mène son récit d'une main de maître au fil d'une écriture cisaillante et sensuelle qui allie avec bonheur ellipses et fulgurances, épure et salves fauves.

BH 01/12

"Comme un veilleur attend l'aurore" de Caroline Boidé (Ed. Léo Scheer)

livre_boideLe titre est extrait d'un psaume et le texte est irrigué par ce flux mystique, par ce désir de transcendance. Mais il s'agit d'abord d'un amour fracturé et d'une jeune femme qui va panser dans un monastère israëlien la désertion de l'aimé.

Le récit se déploie sur deux fronts : on éprouve en alternance l'immersion dans la vie monastique et la remémoration de la défunte relation amoureuse.

La narratrice s'est éprise, sans mesure, d'un jeune romancier talentueux, doté d'un physique de colosse, doué d'une énergie vitale et créatrice peu communes mais peu apte à s'accommoder des scories du quotidien. Son grand corps malhabile se heurte aux parois du réel. C'est un voyageur, toujours en partance, il vit le regard rivé sur une ligne de fuite, il cherche perpétuellement à se dégager et échoue à s'engager entier dans l'amour ou peut-être s'alarme-t-il de ce trop- plein qui anime la jeune femme toute dédiée, offerte absolument. La voix de cet albatros moderne se fait entendre à travers les lettres qu'il adresse à celle qui l'exhorte à aimer et à qui il fait part de son impuissance voire de son indignité en regard de son aptitude à elle à brûler tout entière.

boideCar la narratrice a beau s'esquiver frêle et délicate, elle apparaît bien plus centrée et déterminée que l'élu, proie de violents mouvements oscillatoires,

Lorsque la rupture est consommée, la jeune femme s'embarque pour Israël et se réfugie au sein d'une communauté de bénédictines : elle cherche l'adoucissement de sa blessure, elle entend épuiser le chagrin en le transcrivant et elle est surtout désireuse de mesurer l'amour humain qu'elle pleure à l'aune de celui, divin, qui anime les soeurs.

Elle rend compte du rayonnement que dégagent ces femmess consacrées lequel transparaît tant dans la joie cascadeuse qu'elles communiquent que dans les gestes dévotieux qu'elles accomplissent.

L'originalité de ce récit tient dans l'articulation peu courante, peu explorée, entre amour profane et amour sacré. Dans le voisinages de ces femmes dédiées à Dieu, la narratrice éprouve la grandeur et la misère de cet amour qu'elle a perdu mais dont elle sort grandie et affermie. Un souffle lyrique soulève ces pages. La phrase est cristalline, ciselée, empreinte d'un sens poétique aigu. Le sacré, partout présent dans ces pages leur confère une vraie grandeur.

Un très beau premier roman.

BH 11/08.

Retrouvez également l'interview de Caroline Boidé par Bénédicte Heim sur le podcast des Contrebandiers éditeurs.

   © Livres-Addict.fr - Tous droits réservés                                                                                                          | Accueil | Contact |