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 Muriel Cerf par Livres-Addict.fr

  Muriel Cerf :

Hommage

Personne n'a rien vu, personne n'a rien su ni pénétré. Ni les éblouis de la premières heure, les prodigues en dithyrambes, ni ensuite les dédaigneux, les oublieux qui, des décennies durant, ont cru bon d'ignorer une oeuvre majeure et flamboyante.

Personne ou presque, n'a pris, de son vivant, la mesure de Muriel Cerf.

Muriel_CerfCar Muriel Cerf, ce ne fut pas seulement les fulgurances de "L'Antivoyage" et les étourdissants "dons narratifs" d'une gamine de 20 ans qui frappèrent des sommités littéraires, les laissant pantois, parfaitement ébaubis. Muriel Cerf c'est, avant tout, les foudres et les fureurs d'une langue chatoyante qui claque et pétarade à tout-va.

C'est aussi la ligne tenue, tout au long d'une vie, d'une thématique tenace, têtue et entêtante qui n'a rien cédé à la facilité, aux mirages et aux séductions de l'écume et de l'éphémère.

Et c'est une voix, surtout, muscienne et proprement ensorcelante et qui joue, en virtuose, de toutes les ressources, de toutes les modulations hypnotiques de la langue. Après les récits caracolants, cavalcadés, dédiés à l'adolescence ou à la prime jeunesse ("L'Antivoyage", "Le diable vert", "Le roi et les voleurs"), on a eu droit à quelques textes des plus singuliers et qui se distinguent par leurs ébouriffante érudition et leur somptueux style baroque.

Et puis il y eut la somme soufflante, saturée de lignes de crête qu'est "Une passion".

Et puis encore le cycle, le quintette envoûtant publié chez Albin Michel et qui rassemble "Maria Tiefenthaler", "Une pâle beauté", "Dramma per musica", "Doux oiseaux de Galilée" et "La Nativité à l'étoile".

Sans oublier "Julia M. ou le premier regard", bouleversant de vérité nue.

Et, partout, ces mêmes obsédants motifs, indéfiniment déclinés, ces "topoï", ces figures récurrentes qu'on guette fébrilement, de livre en livre, dans l'impatience et la faim de les retrouver.

Partout, au centre, cette figure de jeune fille ou jeune femme impudique, scandaleuse de beauté incaptable. Un irrésistible tanagra, une maigre avec toutefois les formes idoines, un feu-follet doté d'un corps attentatoire et de jambes de vertige. Et vertigineuse, surdimensionnée est aussi son intelligence à cette créature insupportable de sauvagerie, d'intrépide liberté, de génie bombillant et démâté.
Et, bien sûr, elle aimante et magnétise les hommes par cohortes mais se fixe de préférence sur un barbon (plus ou moins ingénu et richement doté) qu'elle vampe et vampirise à plaisir cependant qu'elle se consume d'amour pour un impossible ténébreux. Et elle ne dédaigne pas, à l'occasion, l'amour saphique du moment qu'il prend un tour suffisamment passionnel.
Et Muriel Cerf réussit l'exploit d'écrire, à partir de cette trame grossière et risible, non pas des vaudevilles, mais d'ovniesques morceaux de proses torrentielles qui sont constitués, page après page, et ligne par ligne, de foudroyants précipités poétiques.

antivoyage_muriel_cerfL'écriture est partout primesautière, abrasive, souvent terriblement perçante mais aussi suavement enveloppante. On sent, derrière les arabesques verbales, derrière les saltations et les voltes acrobatiques, une impérissable, une intraitable juvinilité, une allègre insolence. L'esprit est par moments presque histrionique et on a le sentiment d'être emmené par un trublion, un infatigable ludion tant le verbe est pétulant, facétieux, incisif. Tant l'humour mordant fait mouche, s'imprime partout, corrode et dynamite tout.

 Et il y a partout, aussi, de mémorables morceaux de bravoure en forme d'irrésistibles et capricants autoportraits.   Car Muriel Cerf se livrait à de vertigineuses et jubilatoires plongées narcissiques.

 Et ces phrases! Des sortilèges arborescents, foisonnants, atomiques!

Et l'art est au centre de la cible. L'art sous toutes ses formes et ses possibles déclinaisons. Et la beauté. Infininiment vénérée.Et l'amour, carnassier, et qui, presque toujours, manque sa cible. Ou la trouve trop bien.

Très vite, cependant, apparaissent dans l'oeuvre les motifs de la claustration, de la séquestration et du rapport amoureux mortifère.

Ce n'est pourtant pas sur cette dérive que je voudrais m'attarder mais sur l'exceptionnelle (et pour certains excédante) qualité d'une oeuvre de feu et de sang. Une oeuvre toute de fièvre bouillante, de crépitante fantaisie, d'étourdissante inventivité verbale.

Une oeuvre qui réussit le tour de force d'explorer le plus sombre, le plus tragique du désir avec une éclatante et éclairante légèreté.

Une oeuvre cavalière, dételée, cavalcadée, lancée à fond de train.

Une voix, tout au long, impertinente, frondeuse, tout à la fois attendrissante et irritante mais toujours hypersensible, exacerbée et fêlée, entaillée voire fracturée au plus profond.

Une oeuvre qui virevolte, danse divinement la danse des sept voiles autour du noeud obscur, du gouffre de l'amour fou.

Une écriture qui danse divinement.

Une oeuvre géniale à redécouvrir de toute urgence.

BH 06/12

           

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