Voici
un
texte qui arbore des allures de recueil aphoristique et dont
ons’attend, donc, à ce qu’il recèle une matière toute spéculative.
Or, il n’en estrien et c’est même tout le contraire : la
matière est bouillante,saignante, prélevée sur le cœur et les
entrailles à vif.
Un homme, l’auteur,
retrouve, après huit ans de séparation, une jeunefille qu’il avait
quittée adolescente et avec qui s’était ébauchée une
relationamoureuse inaccomplie. La jeune fille est âgée de 25 ans,
l’homme en a 30 de plus, ils partentensemble à Venise, éprouver la
validité de cet amour suspendu et l’hommeentreprend de chroniquer la
relation au plus près de sa vérité et de sespulsations intimes.
Car la demoiselle
est rétive : elle a des humeurs, des éclipses, desruées
récalcitrantes. Et elle exige, dans le
nœud, le nouement même de l’amour, des échappées, des
échappements,elle exige de pouvoir se ménager des plages de solitude
et ces parenthèses etvolupté solitaire, elle se les octroie à un
rythme soutenu qui déconcerte,contrarie et blesse notre homme
soudain plaqué à lui-même, rappelé à son essentiellesolitude.
Notre homme qui, à
travers cet amour sauvage, se heurte à tous les écueils
del’altérité. Et s’écorche de même. Et, alors qu'il briguait la
plénitude et lefoisonnement, l’allégresse et l’exultation sans
trêve, il fait au contrairel’apprentissage du dénuement le plus
rude, le plus pur. Peu à peu, il s’éloigne,s’émonde, se défait de
ses outrecuidantes prétentions ou, du moins, de quelques unesdes
scories de son ego. Et c’est à ce captivant travail de décantation
quele lecteur assiste.
L’écriture,
exigeante, s’attache à capter les oscillations infimes de l’âme
etaussi la quintessence de l’amour. Et cet amour est une trouée, une
perditionconsentie qui ouvre sur l’infini, sur le sacré. Si bien
que, sous ses dehorsphilosophiques ou du moins réflexifs, ce texte
est en réalité magnifiquementmystique.