C’est
un texte qui vous cueille à fleur d’âme, à fleur d’émotion. Tout de
suite et tout du long. C’est une voix qui se module et fluctue au fil
du texte mais s’articule toujours au point de plus haute acuité. C’est
la voix de Marthe qui dit les choses sans ambages mais sans jamais
sacrifier aux lois et codes usuels de la langue. C’est donc une langue
qui s’invente à mesure et s’ajuste aux événements dont elle restitue la
teneur au plus près des pulsations vitales.
La
trame est simplissime : Marthe grandit à la ferme, dans le
voisinage de sa mère aimée, de son petit frère adoré et de son père haï
car buveur et violent. Adolescente, elle est prise dans l’orbe du doux
Florent, soulevée par l’amour charnu, goûteux et sans partage, qu’il
lui porte. Mais l’impardonnable survient et Marthe, qui est de la race
des filles entières et sans merci, commet en réponse l’impensable.
Amour, crime et châtiment, donc. Ce qui fait la différence, c’est la
langue. A la fois hirsute et suave, elle herse et enveloppe, elle
pratique des trouées vives, tranche et taille dans l’ordinaire du verbe
domestique, y substitue une parole fauve au pelage soyeux et brillant.
Et on n’en finit pas d’être ébloui. Chaque phrase, ou presque, est une
concrétion poétique, un saisissant raccourci métaphorique. Ainsi
trouve-t-on, dès le début :
« Je
m’appelais Marthe, mon frère s’appelait Léonce, né un mensonge après
moi »
Tout
est dit en peu de mots mais on bondit de surprise en surprise, on est
propulsé de fulgurance en fulgurance. Un premier roman de toute beauté.