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 Lydie Dattas par Livres-Addict.fr 


"La blonde" de Lydie Dattas (Gallimard)

Ce sont des mots qui filent de rétine à rétine, sans pause ni déposition. Des instantanés - photographiques et sensoriels - arrachés au mystère de la peinture. C'est Lydie Dattas - "La foudre", "La nuit spirituelle" - qui porte au plus haut degré de combustion le noir de Pierre Soulages. C'est la rencontre, le choc thermique du chaud et du froid. C'est la friction, l'entrechoquement entre l'obscur et l'incandescence, lesquels existent probablement à parts égales chez les deux artistes : deux échappés du rang, deux authentiques sauvages.

C'est une parole prophétique, une incantation aux accents sacrés qui s'élève et se pose sur les "icônes barbares" de Pierre Soulages.

Les icônes byzantines, "les guerriers sacrifiés", "les géants bitumés", Attila et le Christ sont également convoqués pour qualifier l'œuvre, les œuvres de celui que Lydie Dattas nomme "le maître du noir", le Visionnaire du Noir", "Le Voyant", "Le grand Prêtre" qui préside au "miracle outrenoir".

Ces textes sont fruits tirés de l'abîme, « calmes blocs ici-bas chus d'un désastre obscur", noces alchimiques et galvaniques du fer et du feu, de l'or et de l'obscur, réversibles et mêlés.

Ce sont des poèmes charbonneux, carbonisés et d'une aveuglante beauté.

BH 11/14

"La foudre" de Lydie Dattas (Mercure de France)

Ce n'est pas un livre, c'est une déflagration et Lydie Dattas n'est pas un écrivain, c'est une prestidigitatrice chamane, une torche vive qui jette son être entier dans le feu de ses mots.

Née d'une mère théâtrale, comédienne dans l'âme, et d'un père organiste et essentiellement poète, Lydie Dattas a reçu en héritage le sens de la démesure, de l'irrégularité et du sacré.

image_dattas_foudreDans "La foudre", elle restitue deux périodes de son existence de consumée : l'enfance ébouillantée et ses années d'amour à vif, de compagnonnage écorché auprès d'Alexandre Romanès, le fondateur, avec elle, du cirque Lydia Bouglione.

Lydie Dattas qui avait un intellect taillé et programmé pour une vie conceptuelle, doctement et gentiment universitaire, va bifurquer radicalement et épouser, avec Alexandre et son cirque (à l'époque cirque Rimbaud) la ligne des irréguliers, la vie, somptueuse et tripale, des sauvages carnassiers dévoreurs de vif et cracheurs de feu.

Le texte s'articule ou plutôt surgit en une succession de tableaux hallucinés. Les êtres comme les moments qu'évoque Lydie Dattas sont sublimes et irradiés. Ils ne le sont pas en soi mais par la grâce du regard porté et qui est, précisément, de nature rimbaldienne (Rimbaud étant à la fois le nom porté par le cirque à ses débuts et le tutélaire semeur de foudre, celui qui, pour Lydie Dattas, alluma les mots de manière décisive et définitive).

Lydie Dattas fait en effet partie de ces rares êtres nativement incendiés et c'est ce feu qui court dans ses veines qui fonde sa vision brûlante, perpétuellement hallucinée.

Ainsi perçoit-elle les membres de sa famille comme autant d'exceptions magnifiques : un cénacle d'archanges fléchés et transpercés. Sa mère, comédienne de métier et tragédienne dans l'âme et qui ne reprend souffle que lorsqu'un rôle la requiert, apparaît comme une divinité distributrice, à parts égales, du feu et de la glace. Tant elle ne vibre que hantée par les altérités successives qu'elle endosse. Quant à ses enfants, elle les aime d'un amour souverain et détaché car ils lui sont un empêchement de vivre sa passion primordiale.

Le père, lui, préside à certains miracles, il est le grand ordonnateur des sons célestes et aussi un ange de bonté qui immole son existence pour le bon-vouloir et la santé défaillante de sa femme, trouée et parfois pulvérisée de ne pouvoir être Sarah Bernhardt à plein temps.

Quant à son frère et à sa soeur, Lydie Dattas les présente comme des prodiges dont l'envol fut cisaillé par les mots-guillotine d'une mère mortifiée. Prodiges pétris de surabondants dons artistiques mais aussi prodiges de beauté et de sensibilité sans filtre aucun : leur beauté comme leur sensibilité étant d'une intensité radioactive, elle les expose au foudroiement continu.

Et Lydie Dattas est évidemment de la même trempe.

Et bien entendu sa relation avec Alexandre est (cela tombe sous le sens) de nature incendiaire autant qu'alchimique. Car Alexandre est un ange, lui aussi, un mage, un illuminé charismatique, mais luciférien : il recèle de sombres abîmes que Lydie longe, se grisant de luxuriants vertiges. Elle qui était l'épouse du verbe avant d'être celle d'Alexandre, va accomplir une double transmutation et presque transsubstantiation.

Elle s'imprègne et se vulcanise de la force brute, purement organique d'Alexandre cependant que, tel un circéen Prométhée, elle irrigue son homme du feu de ses mots.

Même si l'alliance entre la foudre et la foudre se soldera finalement par une carbonisation des corps, elle donnera d'abord, et longtemps, lieu à de flamboyantes éclosions.

Un texte qui aspire et subjugue.

Un texte incantatoire, hanté, d'une beauté et d'une intensité sidérantes.

BH 02/11

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