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Miguel Duplan par Livres-Addict.fr
"Un long silence de carnaval" de Miguel Duplan (Quidam)
Ce texte est d'abord
une
langue. Insolente, dissidente, caracolante et percutante.
C'est aussi un portrait troué. Une vie d'homme rongée par des vitriols divers, cabossée par des dérapages de moins en moins contrôlés.
Jean-Baptiste Simonin, le présumé héros du récit, est un flic errant, un peu comme le juif errant : bien que ancré dans un contexte (Cayenne) et lesté de charges diverses (femme, famille, maîtresse, métier), il n'est pas assignable.
Seul son nom est euphonique, promesse de douceur (sinon de bonheur) et d'harmonie. Tout le reste est castagné, chaotique, dégringolant. A commencer par sa dalle qu'il a en pente...
Jean-Baptiste Simonon est un homme en forme d'énigme cependant pourvu des attributs les plus communs : ses collègues sont des lourdauds, sa femme est une épouse, infirmière de son état, tour à tour aimante et distraite, ses filles sont sans signes distinctifs et sa maîtresse est une blonde "fadasse" sans autre attrait que celui qu'elle exerce sur les lourds.
Lui-même pourrait sombrer dans l'ordinaire et ne se signaler par rien s'il ne vivait pas une sorte de décrochement du réel, une aspiration vers le bas qui revêt pourtant des allures d'assomption.
Tout ce qu'il éprouve, et expérimente, menus plaisirs et vives contrariétés, déroulement des jours au fil de l'inéluctable, c'est comme s'il n'était pas dedans et c'est comme si tout était entaché d'une tanguante nausée, frappé du sceau de la fiallite. Il est une sorte d'"Etranger" porteur d'une peine incompensable et vaporeuse. Soulevé du dégoût de tout et requis par rien. Jusqu'au moment où son chemin croise celui d'une épave. Un contrevenant, un pauvre hère camé jusqu'à l'os et rebaptisé "le poète" car vivant effondré, à nu en pleine rue, il s'exprime comme un oracle et exclusivement. en vers. Le texte alors, change de tonalité, s'enfle d'un lyrisme insolite au coeur de ce précis de désenchanterment et Jean-Baptiste Simonin est subitement aimanté, comme soufflé par les hauteurs que lui désigne ce déchu. Et c'est comme si, d'un seul coup, sa vie vaine s'élevait au rang de destin.
Un texte énigmatique dont l'opacité rayonne, poigne et éblouit durablement. Un texte charrié et chahuté par une langue foutraque, détraquée et cependant d'une singulière élégance. L'ensemble est hypnotique.
BH 09/10