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 Patricia Emsens par Livres-Addict.fr

"Retour à Patmos" de Patricia Emsens (Edition des Busclats)

C’est un texte si délicat et dont l’écriture, ténue, aérienne, se pose si peu sur la page, qu’on pourrait s’y tromper. Car la charge de violence que recèlent les mots frappe comme obliquement et en sourdine mais l’impact n’en est pas moins ravageur.

C’est, sous des dehors usuels et à travers des manières usagères, une approche singulière et subtile du déchirement amoureux. C’est autour d’un lieu, l’île de Patmos, que tout s’articule et se cristallise. C’est un retour qui se double d’une expérience inaugurale et favorise un dénuement, suspendu depuis des années.

Marie, veuve de Jean, revient à Patmos pour l’été, accompagnée de ses deux enfants, Philippe et Louise, et de Grégoire, le grand fils de Jean né d’une précédente union. Les jours passent, gouvernés par une douceur trouble, baignés de lumière et de mélancolie.

Mais une rencontre fortuite vient tout redistribuer. Augustin, mari bafoué et père éperdu, est là, avec ses enfants. Augustin est le frère de Pierre qui fut, par deux fois, l’amant de Marie et son amour fou, toujours. Et Pierre est là aussi. La percussion est inévitable, souhaitée et redoutée. A la faveur de ce choc, doucement, discrètement sismique, c’est tout le passé amoureux de Marie qui est ravivé et qui défile. L’éblouissement inaugural à l’époque où Marie était toute jeune costumière et Pierre metteur en scène prometteur, ténébreux et charismatique à souhait. Puis le temps des déchirements, des partitions, des autres femmes en foule et, pour Marie, le choix de Jean, homme opaque blessé mais fiable, pour une vie plus posée. L’empreinte cuisante au coeur des années douces et la reparution de Pierre qui tout emporta jusqu’à ce que la maladie, mortelle, frappe Jean. Et le dernier acte qui se joue là, à Patmos, comme antiquement généré par le décor insulaire.

 C’est la trajectoire d’une femme éprise, prise en tenaille entre deux hommes, c’est affreusement banal mais raconté avec une telle hauteur, dans une tonalité si surplombante et si étrangement et tendrement vénéneuse qu’on est, comme malgré soi, emporté et envoûté.

BH 09/13
              

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