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 Jacques Josse par Livres-Addict.fr 

"Cloués au port" de Jacques Josse (Quidam éditeur)

image_port_jacques_josseC'est un texte dans lequel on entend respirer et battre les silences. Un texte qui explore les ressorts et les ressources de la mutité.

C'est un bref texte comme craché mais aussi enlevé et ciselé qui ravive, au creux d'un petit port breton, d'éternelles figures cependant saisies dans toute leur subtile singularité. Au premier rang desquelles le Capitaine, massif et charismatique personnage, qui détient la haute main sur la parole propagée. Et, face à lui, Jimmy, l'ex-grutier, le fluet, le fragile qui baguenaude désoeuvré, arrimé tout entier à sa mère entrée en agonie. Entre ces deux-là se déploie une partition dont le Capitaine orchestre les mouvements et égrène les notes successives.

Ils se retrouvent "Chez Pedro", le bar où s'alcoolisent les braves, où s'élève, dans l'effervescence et le liant de l'alcool, la truculente parole du Capitaine. Le Capitaine qui avoue et décline de très spéciales accointances avec les morts. Les connus, les côtoyés ou les illustres qui firent profession d'écrire. Il les convoque et leur dresse de nobles, de somptueuses  stèles verbales que rehausse sa verve, l'inimitable verdeur de sa langue.

Au travers de ces singuliers colloques soliloqués scintillent aussi les mers lointaines et les terres exotiques que foula le Capitaine. Et Jimmy, emporté par le flux, se substitue, le temps de la déflagration verbale, au héros, il se hausse jusqu'à lui et, halé par la magie des mots rocambolés, il lui emprunte sa stature.

Et puis la canicule foudroie et des morts tout frais, tout vierges, s'ajoutent à ceux qui constituent la trame de la fable. Le soleil sévit, les corps morts se multiplient, le Capitaine lui-même flanche mais pas pour longtemps cependant que Jimmy est frappé, au travers de sa mère, non pas au corps mais dans son esprit qui se fracture. Et le Capitaine l'accompagne vers des confins autrement périlleux que les périples contés.

Le texte qui est en hymne aux humbles, aux déshérités, à ceux qui n'ont que le verbe et le boire, se déploie comme une rugueuse élégie et la langue en ses frasques, ses saccades et son inventive gouaille n'est pas sans évoquer celle du merveilleux écrivain qu'est Jacques Serena. 

Un poignant et pur poème.

BH 04/11

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