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Leslie Kaplan par Livres-Addict.fr 

 "Fever" de Leslie Kaplan (P.O.L)

Fever"Fever", c'est l'effervescence adolescente, la fièvre des sens et de l'esprit qui s'empare de Damien et de Pierre , deux inséparables et exemplaires élèves de terminale.

Subjugués par leur jolie et excellente prof de philo, Mme Martin, ils s'enivrent de la capacité réflexive qu'ils se découvrent. Tournant autour des notions de déterminisme et de hasard, ils s'échauffent , ils décident d'accomplir un acte gratuit, régi par le seul hasard. Ils pensent que la part et la force du hasard culminent dans un crime commis sans mobile. Comme il n'existe pas de motif qui préside à leur geste, ils ne risquent pas, raisonnent-ils, d'être identifiés. Ils passent à l'acte, tuent au hasard, et en effet impunément, une femme croisée dans la rue.

Ils se sentent légers, tout-puissants. Mais très vite ce vernis d'apparente perfection se craquèle. Ils se croient différents de Raskalnikov, gouvernés par rien, ni motivation vénale ni même idéal métaphysique. Or, ils sont rattrapés, leurs nuits ne tardent pas à être hantés et bientôt leurs jours aussi sont zébrés de cauchemars.

A la lumière de ce qu'ils étudient en histoire et en philo (la France de Vichy, Hannah Arendt), ils sont amenés à explorer les chambres obscures de leur propre généalogie. Pierre a une ascendance juive, son grand-père est revenu de déportation et depuis il s'est muré dans un mutisme dont il ne sort que pour cracher sa haine et proférer des désirs de vengeance. Damien lui, découvre peu à peu que son grand-père fut un irréprochable fonctionnaire du gouvernement de Vichy et qu'il a "obéi aux ordres" ... Le vertige les prend. Peuvent-ils encore soutenir que leur acte était pur de tout déterminisme ?

Ils enquêtent fiévreusement sur cette période aussi trouble que damnée, décortiquent avec passion le cas Maurice Papon, découvrent effarés le "procès Eichmann" décrypté par Hannah Arendt ... Ils sont renvoyés à leurs racines comme à leur responsabilité, ils font connaissance avec "la banalité du mal" dont ils sont, sans nul doute, de triste représentants.

Mais cette tragique initiation se fait sur un mode longtemps léger, sur fond de flambées euphoriques, de fougue adolescente. On sent l'énergie pure qui court dans les veines de ces garçons.

Par ailleurs, Leslie Kaplan excelle à jouer de récurrences et à créer des collusions : "Fever" est le titre-phare de la chanteuse Alice Snow dont tout le monde est fou. Les élèves de madame Martin la surnomme "Alice" c'est pour elle un titre de gloire, c'est un hommage à sa beauté, une manière de souligner sa ressemblance avec la blonde et splendide chanteuse. Enfin, la femme que Pierre et Damien ont tuée présentait une étrange reseemblance avec Alice Snow ... Ces correspondances scandent le texte et le structurent, le rythme se fait doucement incantatoire et hypnotique.

Quant au style, il est à la fois électrique et aérien. Leslie Kaplan, depuis ses premiers ouvrages, travaille la langue, elle travaille à créer des rapports inédits et elle a souvent la trouvaille heureuse. L'écriture est comme dansée. On regrettera seulement la présence de trop nombreuses réminiscences durassiennes ... Mimétisme, quand tu nous tiens ! ...

BH 10/07

"Le pont de Brooklyn" de Leslie Kaplan (P.O.L)

brooklynkaplan"Le pont de Brooklyn"  c'est cinq personnages, quatre adultes et un enfant, pris dans le bouillonnement fiévreux de New-York. Il ya deux jeunes femmes, Mary et Anna et deux hommes jeunes Julien et Chico. Ey il y a Nathalie, l'enfant de Mary. Au début c'est une ballade, les uns et les autres se croisent, déambulent, se rencontrent au parc, au restaurant, dans leurs logements respectifs.Des liens se tissent, amoureux (entre Julien et Anna puis entre Chico et Mary) et amicaux et tout se déroule harmonieusement, tout se produit sur un mode léger, entraînant, presque euphorique.

Tout en serrant ses personnages de près, Leslie Kaplan prend le pouls de New-York, elle rend sensible l'énergie qui irrigue cette ville, elle restitue le brassage dont elle est le lieu, les pulsations incessantes qui l'animent. Les descriptions abondent, précises, vivantes, de passants, de figures aussi saillantes que fugaces ... Mais tandis que la ville va son train, l'intrigue se teinte d'inquiétude, de malaise et la tension monte. C'est que Julien, bien qu'amant d'Anna, se prend de passion pour la petite Nathalie. C'est une enfant de six ans, ravissante, vive, joyeuse. L'intensité de sa présence au monde sidère Julien et il contracte envers elle une obsession qui ne lui laisse pas de repos ... L'écriture de Leslie Kaplan est singulière. Elle déroute les clichés, les rapports usuels entre les mots et les choses. Elle décale la vision de manière à nous faire entrer dans un autre ordre de réalité, dans une autre dimension qui est celle de l'art. Son style est d'une grande précision et cependant elle installe un climat très éthéré. Mais les accents durassions sont légion (syntaxe bousculée, nombreuses et abusives abstractions, complaisance dans le vague, l'indécis, l'indécidable etc ... ). C'est la seule réserve que je formulerais. Le reste vaut amplement la peine ...

BH 08/07

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