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 Emmelene Landon par Livres-Addict.fr

"Portrait(s) de George" d'Emmelene Landon (Actes Sud)

Voici un texte allègre, véloce, qui foisonne de chaleur, de vie. Et déborde d'empathie. C'est aussi un texte infiniment délicat, un texte tout en nuances qui épouse les méandres et les fluctuations d'une âme subtile et chahutée. Car c'est l'âme d'une créatrice qu'Emmelene Landon nous rend lisible et pénétrable ou presque. Elle nous rend au moins sensibles les ondes telluriques qu'elle enregistre et qui la percutent.

L'énigmatique George du titre est une femme peintre qui nous invite dans son atelier et nous initie moins aux secrets de son art qu'aux liens insolites, singuliers, qui l'unissent aux modèles dont elle brosse le portrait.

Il y a l'interlocutrice rêche, le modèle rétif, femme étrange, fantasque, volontiers hargneuse qui, au fil des séances de pose, se délie, se livre abondamment cependant qu'elle inspire à George un portrait si étrange qu'il flirte avec le tératologique.

Il y a Joseph, l'ami cher et bâtisseur, qui longuement devise et expose les diverses manières de couvrir, quadriller et parcourir le monde.

Il y a la jeune femme, toute de fraîcheur et de joliesse, débordante d'entrain, d'enthousiasme et de désirs qui deviendra l'amour fou et bafoué du tendre Joseph.

Il y a le complexe tenancier d'une boite de nuit, le maître des ombres qui impose aussi bien ses horaires, ses caprices que son culte, affiché, du factice et de l'artifice.

Il y a la jeune gothique enragée, "physio" dans ladite boite de nuit et secrètement éprise du susdit tenancier, qui déboule comme une furie, clame et crache son désenchantement et, camée jusqu'à l'os, va même jusqu'à convulsivement théâtraliser une crise de manque au sein de l'atelier.

Et il y a la petite fille amoureuse des arbres qu'est une âme pure et éclairée, un petit prince candide et salubre.

Tous ces personnages animent la vie et l'atelier de George, lequel atelier est tout un ensemble un laboratoire, un lieu alchimique et cathartique.

Les relations singulières, intenses, qui se tissent entre peintre et modèle sont restituées avec beaucoup de simplicité et de tendresse. On pénètre dans les arcanes de la création fluidement, sans presque s'en rendre compte.

On découvre aussi qu'il existe une temporalité propre à l'espace de création et un état d'esprit particulier attaché à ces séances de pose et de peinture.

George dénude les âmes, elle pose sur la toile ce qui court sous la peau et les âmes peintes , elles, se livrent spontanément à la faveur des séances de pose qui possèdent la magique propriété de desceller les modèles.

Ce texte est aussi, bien entendu, un portrait elliptique, sautillant, bombillant, de George dont les traits, peu à peu et partiellement, se dégagent.

Mais rien ne pèse et rien n'est jamais vraiment posé car un souffle de grande liberté décoiffe les phases écrites.

Un texte en forme de jeu de piste et de récit initiatique, aussi attachant que prodigieusement intéressant.

BH 03/14

              

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