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 Adriana Lisboa par Livres-Addict.fr 

"Des roses rouge vif" d'Adriana Lisboa (Métailié)

C'est un roman qui s'avance masqué. Un piège ensorceleur qui se referme sur le lecteur. Des cailloux de petite poucette sont semés en grand nombre le long du chemin, lovés au creux des phrases. On frémit parce qu'on sait avant de savoir, l'art consommé du subliminal, les indices distillés en filigrane, en transparence, agissent avec force et pourtant la révélation finale produit l'effet d'un choc tétanique. Pour autant, il ne s'agit en aucun cas d'une enquête et même s'il y a plusieurs énigmes, c'est un texte purement atmosphérique, une décoction vénéneuse, un long philtre envoûteur qui vous tient en son pouvoir, provoque des états modifiés de conscience et une exaltation parfois à la limite du soutenable.

image_rosesC'est une histoire de famille et de destins brûlés. Une histoire crépusculaire baignée de lumière aurorale. Il y a des amours, tortueuses et torturées, qui éclosent, des amitiés qui laissent des empreintes de fer rouge, un goût de fruit éclaté et de cendres.

Ca commence par la fin. On est au Brésil, dans une fazenda isolée. Candice, 47 ans au compteur, recluse dans la demeure familiale, attend la venue de sa soeur cadette, Maria Ines, qu'elle n'a pas vue depuis 15 ans. Candice a un voisin, Tomas, peintre raté qui végète et s'avoue aimanté, électrisé par l'arrivée de Maria Ines.

Et la narration commence son travail de couture décousue, de passerelles jetées vers le passé. La remémoration est minutieuse et n'élucide rien, elle opacifie et accroît le mystère à mesure que des éléments surgissent et s'agrègent.

Il y a les figures parentales qui s'étiolent et se délitent dans un mariage qui ne tient pas ses promesses.

Il y a Clarice 9 ans, au centre d'un phalanstère d'amis, fourmillante de dons artistiques, se tenant, heureuse, en voie d'accomplissement, sur la pointe des rochers estivaux, sur un point d'équilibre précaire.

Il y a Lena, l'amie noire de Clarice, époustouflante de splendeur, déjà femme en ses formes fines, porteuse de la beauté du diable, d'autant plus belle qu'ignorante de sa beauté et que Clarice, subjuguée, sculptera.

Il y a Lena, saccagée, massacrée, corps divin profané, abandonné seul et mort en la lisière de la forêt.

Il y a Maria Ines, 9 ans à son tour, qui, du jour au lendemain, s'invente et porte un regard de meurtrère pour avoir surpris une scène interdite.

Il y a Clarice qui, à 15 ans, est exilée de la demeure familliale, proscrite, ennvoyée à Rio confiée pour le temps de ses études, à une vieille tante en sucre mais sagace.

Il y a Maria Ines, restée, qui developpe et cultive une inarrétable sauvagerie. Maria Ines si farouche qu'elle devient, en son regard attentatoire, la peur et la hantise de ses propres parents.

Il y a Maria Ines qui succèdera à Clarice, revenue amont, chez la tante miellée. Maria Ines qui prend Tomas, le peintre prometteur, pour amant.

Il y a la mère qui s'abîme dans une mystérieuse, une indicible maladie.

Il y a Clarice qui brade et enterre ses dons artistiques. Clarice qui, après quelques années d'un plat mariage de raison, se déchaîne, prend les chemins de la drogue et de la perdition. Clarice qui devient maigrissime, restera décharnée.

Il y a Maria Ines qui, semble-t-il, tourne le dos à sa jeunesse bohème, à la force indomptée qui lui est venue, à son âme vif-argent, pour emprunter une voie rangée, sécurisée...

Et il est question d'un foulad orné de roses rouge vif...

Mais ce sont moins les faits qui importent que la manière dont ils sont évoqués, fragments d'une mosaïque tournante, motifs repris, retissés, chaque fois mêmes et autres et différemment entrelacés.

C'est un antienne, une mélopée aux accents de rhapsodie, un chant couvert, une mélodie lancinante comme une blessure sans cesse rouverte mais pas en grand, juste entrouverte, faille fascinante et revenante à la manière d'un refrain entêtant.

Un style de très haut vol, un récit délicat et ravageur, une finesse dentelée et une douce langueur qui électrochoque, une douce drogue dure, une percussion, un arrachement, un choc littéraire.

BH 07/09

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