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 Marc Molk par Livres-Addict.fr

"La disparition du monde réel" de Marc Molk (Buchet-Chastel)

Marc Molk est une dentellière des heures, un chroniqueur inspiré de la perdition douce. Chez lui, même la violence est bien élevée, dressée à se taire, à se cacher, se transmuer : elle ne nous parvient que sous forme filtrée et tamisée mais percute, sans préavis, d’autant plus redoutablement.

Marc Molk excelle à dire la nonchalance des heures estivales qui s’étirent et se dissolvent dans le presque rien. Il nous convie à un drame, une dramaturgie qui élisent pour cadre et pour conditions de nouement la plus grande bénignité, la plus parfaite innocuité apparente.

Voici donc un groupe d’amis qui ont pour coutume de passer les grandes vacances à bord d’un mas provençal. Ledit mas se présente comme un vaisseau à bord duquel s’effectuait, jusqu’ici sans encombres, la traversée de l’été.

Cette fois, cependant, la belle harmonie que l’on croyait pérenne, se fissure: les personnages croqués sont tous à l’aube de la quarantaine et proies de renouements et remaniements plus ou moins sismiques.

Il y a Michel et Jacques, homosexuels assumés mais aussi plus ou moins résignés, Michel ayant enterré son rêve de devenir une rock-star, Catherine, qui compense sa solitude à coup de réflexions corrosives, Sarah, comédienne peu convoitée qui commence à prendre la mesure de son échec, Daphnée et Frédéric, couple rongé par l’alcoolisme du dernier, Eurydice et Pierre-Yves seuls parents du lot et alliage modèle si ce n’est que Pierre-Yves cavale manifestement ailleurs, Leïla qui se débat entre un prétendant transi mais indésirable et un homme secrètement, éperdument aimé mais qui toujours se dérobe. Et enfin le narrateur, chroniqueur innommé, qui rend compte des turbulences, tribulations et turpitudes de toute cette petite troupe. Narrateur qui n’apparaît ni se désigne jamais autrement que sous la forme personnelle et impersonnelle du pronom « vous ». Procédé qui suscite le trouble car il crée une distance et, simultanément, l’annule.

Ce narrateur est aux prises avec un passé qui le hante. Plus précisément avec une femme (la sienne) follement aimée qui l’a quitté, le laissant démuni et proie d’une solitude incompensable.

Rien n’est donné d’emblée ni facilement. Bien que l’écriture soit ciselée, tout le début est flou, les personnages d’abord s’esquissent puis leurs traits se précisent et s’impriment distinctement.

De même, l’intrigue s’articule et se déploie au fil de scènes apparemment anodines mais dont la somme fait sens et distille un sourd malaise. Peu à peu viennent au jour tourments et secrets embusqués.

C’est l’épreuve de vérité pour cette poignée de personnages confrontés à la fameuse crise de la quarantaine et sommés de dresser leurs premiers bilans.

Mais ce qui fait la singularité du texte et retient l’attention, c’est le caractère subtilement prenant de l’ensemble. On a à faire à un texte atmosphérique qui recèle de multiples tours d’adresse : il articule, notamment, drames et relations complexes sous une forme vaporeuse, à peine pondérable.

L’aigu et l’acerbe se font ténus, les aspérités s'émoussent et cependant tout est vif et décapant.

Tout est languide et cependant d’une cruauté sans merci. Une chronique désenchantée des plus mélodieuses.

BH 04/13

              

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