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 Marc Pautrel par Livres-Addict.fr

"Polaire" de Marc Pautrel (Gallimard)

C’est une histoire simple et déchirante, de celles dont on ne se remet pas.

Marc Pautrel aborde son amour comme un enfant les galeries fabuleuses de son imagination : avec un émerveillement incrédule. Il est devant son amour comme un enfant : les mains nues et le cœur pas davantage vêtu.

L’objet de cet amour est une jeune femme de trente ans et elle surgit dans le texte, qu’elle exhausse et illumine, comme un elfe irrésistible, une fée radieuse, rayonnante et crépitante  de vie.

Mais quelque chose d’emblée déraille sans qu’on sache quoi car Marc Pautrel, bien que son écriture soit d’une précision d’orfèvre, procède par élisions et brouillages temporels. Il nous jette dans un drame dont il ne cite pas le nom, dont il ne dessine que très progressivement les contours.

Et ce qui requiert, ce n’est pas tant la teneur du drame que la manière dont Marc Pautrel l’approche et le restitue. Ce qui importe, c’est le regard, toujours surprenant, que porte cet homme sur cet événement, considérable, qui lui advient.

L’élue est, par essence, par excellence, l’incaptable car atteinte de ce trouble que les médicastres ont baptisé bipolarité, elle est donc agie par des ressorts indéchiffrables et sujette à des revirements aussi brusques qu’imprévisibles.

Et l’homme, lui, piste et épouse l’aimée jusque dans ses voltes les plus violentes et mortifiantes avec une candeur et une abnégation qui forcent l’admiration.

C’est un éperdu férocement épris d’une perdue. On le suit au travers de ses étreintes rêvées qu’il étend jusque dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique.

Car la jeune élue cristallise toutes les aspirations du narrateur au point de lui faire écrire : « Oui, cette peau a été créée pour moi seul, ou plutôt j’ai été conçu pour caresser cette peau et être caressé par elle. Tout le reste n’a aucune importance, mon destin c’est d’être la caresse de ce corps-ci, pour toujours jusqu’à ma mort. Elle c’est moi au Paradis, c’est avec elle que j’accomplis ma vie ». Et cet amour est si fort qu’il prête au narrateur des forces et une capacité de résistance extraordinaires.

Il devient apte à accompagner sa bien-aimée au fil de ses balancements et oscillations extrêmes. Comme la jeune femme varie et, à certains moments bénis, se laisse approcher et manifeste même une certaine tendresse, notre homme se berce de l’espoir qu’adviendra un rapprochement décisif.

Il endure douches écossaises, vexations et rebuffades au-delà de ce qui est raisonnablement supportable.

Au narrateur, il faut plus que de l’amour pour tenir sur cette ligne insensée et, à certains moments, il perce l’épaisseur du réel, il va presque au-delà de l’amour, il se propulse, effectue un saut qualitatif et rejoint une forme de transcendance.

Hélas ce texte semble prouver que l’amour n’est pas plus fort que la mort et qu’il n’est pas même plus fort que la maladie.

Car la maladie empoigne la jeune femme dans une étreinte têtue qui éteint un à un les espoirs rédempteurs.

Mais cette chronique d’une défaite annoncée est écrite dans une langue cristalline, elle déroule un récit d’une simplicité désarmante et donne à voir une âme d’une limpidité non moins désarmante.

Et ce texte est, en soi, et en dépit de son dénouement, une intense et sublime célébration de l’amour fou.

BH 02/13

              

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