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 Alejandra Pizarnik par Livres-Addict.fr

"L’enfer musical" d’Alejandra Pizarnik (ypsilon.éditeur)

Alejandra Pizarnik est une flibustière hors-catégorie et c’est aussi une voix qui, dégagée des décombres, perce et désigne l’insondable. On va de l’obscur à l’obscur, c’est une conscience ténébreuse, obstruée, qui va fouiller une matière menaçante, et cependant, tout du long, ce sont des esquilles de lumière, des éclats éblouis qui surgissent. Ce à quoi l’on assiste, ce n’est pas à une joute ou un combat, mais à un véritable corps à corps, féroce, implacable, avec la langue. Car, pour Aleandra Pizarnik, c’est tout l’objet de son écriture en même temps que c’est tout l’enjeu de sa vie que de s’identifier à travers une langue qui lui est propre. Car, écrit-elle, "un vide gris est mon nom, mon prénom. »

Il est question, beaucoup, d’enfance, de nuit, de mutité, d’absence, de solitude, de mort.

C’est la trajectoire d’une conscience tarabustée, pressurée, talonnée par une malédiction interne. Par les textes de Pizarnik, par la grâce de son écriture sorcière et pénétrante, on accède à un en-deçà ou un au-delà de la conscience.

C’est un combat avec l’ange, une lutte titanesque pour extraire, de la gangue obstruée, quelque chose qui relève à la fois du sens ultime et du sens premier. Quelque chose qui, enfin, permette d’être et d’aller.

Il est question de se « cacher dans le langage » de « langage perdu » de « présences inquiétantes » d’écrire « contre la peur », de « dialogue impur » mais aussi de la « cime de la joie », du « jardin des délices » « d’un souffle de la lumière retrouvée », du « rythme des corps » qui « creusait un espace de lumière à l’intérieur de la lumière »…

C’est donc là une instance qui oscille entre l’ombre qu’elle creuse intrépidement et les percées et épiphanies qui toujours se dérobent.

Mais il s’agit peut-être surtout de trouver comment « écrire sans pourquoi, sans pour qui », de faire taire cette trépidation intérieure qui est une volition et une interrogation sans repos. Il s’agit de pratiquer des brèches dans le malheur d’être au monde et d’aménager, au sein du langage même, un espace salvateur qui s’égale au silence. A l’enfance nue.

« L’enfer musical » c’est l’opération alchimique par laquelle la matière obscure et chaotique que travaille Alejandra Pizarnik se fait ligne mélodique ponctuée d’éclairs cristallins.

Ces textes, comme écrits sous hypnose, sont cependant d’une perçante lucidité. Un recueil arraché à la mort (que Pizarnik s’infligea prématurément) et qui mérite éminemment d’être arraché à l’oubli.

BH 12/12

              

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