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  Anne Plantagenet par Livres-Addict.fr

"Le prisonnier" d'Anne Plantagenet (Stock)

image_plantagenetAnne Plantagenent écrit à l'économie et sur le fil d'une fièvre continue. Elle resserre l'espace, raréfie l'air à mesure qu'elle dilate l'âme, ouvre les portes de l'esprit. Elle maintient tout du long une cadence haletée qui oblige à lire, à regarder à neuf . La tension qui jamais ne décroît nettoie et annule les scories. On est happé par une force centripète qui pulvérise le superflu.

Nous sommes quelque part dans un indéterminé hameau de montagne. Les jeunes et frustes gars du village viennent, par un hasard souverain, de capturer l'ennemi numéro un, le redoutable dissident en cavale lequel, contre toute attente, s'est livré à eux. Mais les gamins sont tous trop jeunes et inexpérimentés et tremblants et ils ne savent pas que faire de ce trophée ("Papa" de son nom de code) tout de suite trop pesant pour leurs frêles forces morales. Alors ils vont tambouriner à la porte de Julia, l'institutrice, seul référent valide en l'absence du maire et de toute autre autorité locale. Julia se voit donc, en pleine nuit, confier ce fardeau, cet opaque paquet de chair sanguinolente recroquevillée au fond de sa salle de classe. Julia a 19 ans et un esprit buté qui s'insurge contre cette intrusion, cette abusive effraction de même qu'elle stigmatise la lâcheté des gamins. Elle n'en veut pas de ce corps puant, suant qui halète d'épuisement et de souffrance animale à quelques mètres d'elle. Lui échoit pourtant la charge de le soigner, de le nourrir et elle s'acquitte d'abord de sa tâche avec un dégoût suprême. Débute une longue nuit, un face à face oppressé entre deux êtres traqués, deux corps meurtris, deux âmes en bout de course. Car Julia, si elle ne se mêle pas de politique, mène sa propre croisade : il s'agit pour elle de s'affranchir d'un joug intime, d'un chagrin dément, de la béance laissé par le départ d'Abel son fiancé, son unique amour. image_plantagenetAlternent le monologue intérieur de Julia qui se livre à une cinglante et sanglante récapitulation de son histoire amoureuse et la friction, le corps à corps abrupt, primaire entre la jeune femme et le prisonnier. Car c'est d'un corps à corps qu'il s'agit bien qu'ils se touchent à peine : le contact est brutal, sans merci, tout est physique, tout passe par les humeurs et par les souffles. Par la parole aussi, au bout d'un certain temps, car les langues se élient, les deux blessés se flairent, se reconnaissent, s'explorent à mots nus et rugueux et "Papa" n'est pas le plus captif des deux. C'est un affrontement qui se double d'un apprivoisement, une chorégraphie viscérale. Il est question d'engagement, de trahison, de loyautés réversibles, de luttes menées à corps perdu jusqu'à épuisement des ressources. Il est question du corps qui se donne à une cause ou à un homme. Le temps d'une nuit, les vies s'échangent les sangs se mêlent et se découvrent jumeaux. Le récit est servi par un âpre lyrisme, une sourde incantation, les phrases sont sèches comme des détonations, ce sont des sarments craquants qui crépitent et se consument dans une belle incandescence.

BH 09/09

Retrouvez également l'interview d' Anne Plantagenet par Bénédicte Heim sur le podcast des Contrebandiers éditeurs.

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