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Olivia Profizi par Livres-Addict.fr

"Les exigences" d’Olivia Profizi (Actes Sud)

Voici un texte fragile, vacillant, incertain, un texte courageux qui n’hésite pas à se frotter à ce qui, précisément, pourrait le distordre et le disqualifier.

Un texte qui va même jusqu’à établir ses fondements et déployer son mode opératoire au sein même du travail de sape.

Le périlleux pari est le suivant : le texte est bâti autour d’une destruction, une destruction avérée qui tente, simultanément, de remonter son cours, d’identifier les conditions qui présidèrent à sa mise en œuvre et de se conjurer elle-même.

Le dispositif dramaturgique est le suivant : la voix majeure est celle de Rachel, une jeune femme confinée dans une unité psychiatrique. Au fil du texte, elle déroule deux lignes qui se développent en parallèle ou convergent et se superposent. D’une part, elle prélève de menus incidents qui ponctuent son séjour à l’hôpital et note les traits saillants de ceux qui l’entourent, patients ou soignants. Dans le même temps et à la faveur des contacts qu’elle noue avec les autres, elle divulgue peu à peu les causes de sa dissolution. On apprend progressivement que, manipulée par un homme pervers (lequel prétendait l’aimer et s’intitulait meilleur ami de sa mère), elle s’est livrée à des pratiques sexuelles dégradantes. Elle a consenti à une violence et un avilissement qui excédaient de beaucoup ce qu’elle était capable d’endurer.

Par bonheur, le récit ne s’en tient pas à cette seule version, à cette condamnation sans appel. Il s’accroît et se nuance d’un contrepoint. Car la voix de l’homme incriminé aussi, se fait entendre. Les deux voix alternent, donc, et, au fil des mises en perspectives, la « vérité » qui se dégage n’apparaît plus aussi univoque que la bien-pensance le souhaiterait.

L’homme, que tous s’accordent à réduire et clouer à son rôle de bourreau, développe une partition inattendue. Non qu’il cherche à clamer son innocence, à se dédouaner et s’absoudre de tout. Il assume sa part mais pointe aussi, au fil de la remémoration, celle des autres.

C’est ainsi que naît le trouble, que se brouillent les frontières, et, à mesure que le regard s’aiguise, la situation, si manichéenne au départ, s’affine et devient captivante.

On prend conscience que ce type de drame n’est jamais le fait d’un seul mais résulte d’une conjonction de facteurs et, surtout, de failles humaines conjuguées. Car l’homme assigné est aussi un homme souffrant, un affamé qui, au détour des torsions, quêtait, invoquait l’éclairement. Et il en va de même pour tous les autres proches de Rachel : tous ont, à un moment ou à un autre, failli, tous ont leurs raisons qui, toutes, méritent d’être entendues.

Et c’est ce qui fait le prix de ce beau texte vibrant : il n’assène jamais ni solution ni réponse, il ne fait qu’ouvrir des questions qui sont autant de singulières et universelles blessures et qui tremblent durablement dans nos corps.

BH 04/13

              

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