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 Elisabetta Rasy par Livres-Addict.fr

"Un hiver à Rome" d'Elisabetta Rasy (Seuil)

C'est un roman de l'infime, du souffle contenu, des situations vaporeuses, soulevées presque à partir de rien. C'est la trajectoire, zigzaguée, toute de flux contradictoires, d'une femme qui semble à peine posée dans la vie. C'est un texte au charme trouble dont le mystère tient autant aux ellipses, aux coupes sombres pratiquées dans la matière vive, qu'au sens explicite, livré, très délicatement exprimé.

Une saison, l'hiver, une femme, Costanza, la cinquantaine, un lieu, Rome, que notre héroïne arpente inlassablement. Mais au fil de ses déambulations, surgissent des souvenirs, prégnants, qui se sur-impriment aux impressions fugitives du présent. Car Costanza est une femme qui se délite. La perte récente de Bruno, un ami et allié qui fut témoin majeur de sa vie, précipite et accuse le processus d'étiolement. Bruno était photographe, homosexuel et Costanza, après avoir quitté son emploi de secrétaire dans un lycée (car elle ne voulait plus se plier aux astreintes d'un travail rémunéré), lui tenait lieu d'assistante plus ou moins sauvage et officieuse. Auprès de Bruno, sa vie, par ailleurs frappée de déshérence, prenait sens. Mais voilà qu'elle se trouve aux prises avec un délaissement qui la laisse sans recours. Et, entre longues périodes, amples remémorations et impressions instantanées, c'est un singulier portrait de femme qui se dégage et se brosse par touches subtiles.

Se détachent trois volets, trois épisodes essentiels de sa vie. D'abord la prime jeunesse et l'amour souffle coupé pour son mari, Vincenzo. Amour qui la prenait, l'emplissait toute jusqu'à la suffocation et qui s'est délité, lui aussi, dans un vouloir acharné et vain qui était celui de la procréation.

La deuxième saison évoquée est aussi celle d'un amour, adultère celui-là, et fugace (puisqu'il n'excéda pas trois mois), mais non moins intense et vorace, qui unit Costanza à un professeur de sport sévissant dans le lycée où elle travaillait. Enfin, le lecteur est projeté dans le présent de la narration et confronté à un déroutant engouement qui va saisir Costanza quasiment à son corps défendant. Cette femme, déjà presque à l'automne de son existence, va, à la suite d'étranges tribulations et concours de circonstances, entrer en contact avec Martin, un jeune ami de Bruno. Et la relation, improbable, inespérée, qui se tisse entre la femme mûre et le jeune homme est comme le legs secret du non moins secret Bruno.

Le rapport à l'art, à la création est un flux continu qui irrigue le récit tout entier. Mais ce qui domine et préside à l'existence de Costanza, c'est l'amour et les relations qu'elle eut, qu'elle a, avec les trois hommes susnommés.

Ce qui frappe dans ce récit d'un regain, d'une ultime embellie, c'est que, même au plus fort de l'amour (qui pourtant semble tout lui importer), Costanza reste une présence floue, une silhouette élégante et détachée, une héroïne quasi durassienne qui traverse la vie frappée d'une absence essentielle.

C'est cette qualité d'absence ou de présence presque envapée, tout en apesanteur, qui imprègne le récit et le doue d'un charme arachnéen, entêtant autant qu'impondérable.

BH 06/14

              

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