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Virginie Reisz par Livres-Addict.fr
"La Dame de pierres" de Virginie Reisz (Le temps qu'il fait)
C'est
un texte de haute tension, de grands fonds et de ligne claire. Un texte
qui orchestre la rencontre entre la plus rugueuse réalité, le concret
le plus pragmatique et la poésie la plus aiguë.
C'est une quête incantatoire. Des voix s'élèvent, habitées, âpres, éperdues. Deux hommes sont réunis, soudés au plus profond par une ivresse, un désir fou qui n'est pas d'une femme mais d'une bâtisse. Une distillerie sise aux confins du monde, dans une île des Hébrides et dont le sauvetage mobilise toutes leurs forces.
Deux hommes, contraires et alliés, soumis au joug d'une même passion, vont unir leurs forces pour redonner forme et vie à celle qu'ils nomment "La Dame blanche", la distillerie de whisky qui est passée de mains en mains et a été laissée en déshérence.
Il y a Joy, l'entier, le pur, le violent, le noué autour de son battement intime, Joey le natif de l'ïle qui a grandi et s'est identifié entre les murs de la distillerie.
Il y a Abel, l'étranger, plus doux et délicat, en apparence plus mesuré mais dont le corps, une fois qu'il a débarqué sur l'île, ne fait bientôt plus qu'un avec celui de la distillerie.
Une grande part de la beauté du texte réside dans l'art, qui est celui de Virginie Reisz, d'évoquer les corps au travail, les corps aux prises avec les matières récalcitrante. Les hommes s'édifient en même temps que la "Dame blanche". Le travail de la matière humaine n'est pas moindre que celui de la pierre. C'est à un corps à corps des plus violents, des plus sensuels que nous assistons. Une âme se dégage qui est celle, restaurée, restituée, de la Dame blanche, qui est l'âme commune, décantée, des deux hommes en leur lutte conjointe, leur marque singulière qu'ils appliquent à la matière.
Abel et Joey sont soutenus, dans leur lutte, leur croisade (car c'est bien à cette dimension qu'ils atteignent) par l'amour pur, indéfectible, de leurs épouses respectives.
Mais comme ils se modifient et s'ajourent à mesure qu'ils bâtissent, un espace se dégage en eux, inédit, et propice à l'insurrection d'un nouvel amour.
C'est Joey l'impétueux, le fiévreux qui sera touché.
Eloigné de son point d'origine, altéré, expulsé de lui-même, surcreusé, épuré à tel point qu'il se trouvera nu et vulnérable absolument face à Clara, une jeune journaliste intriguée par "l'oeuvre au noir" qui se trame.
Les voix sont celles, tour à tour, de Joey et d'Abel.
Mais la Dame blanche, sous la forme d'une prosopée, intervient aussi et livre son point de vue sur l'odysée dont elle est le principal (mais non le seul) enjeu.
Des partitions surgissent qui sont autant de psaumes, de récitatifs hantés et envoûtants.
La langue est bruissante, suggestive, incandescente et le
texte est une coulée brûlante et un diamant brut.
BH 02/12