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 Jean Rolin par Livres-Addict.fr

"Joséphine" de Jean Rolin (Gallimard)

image_josephineC'est un livre de failles. Un livre de cris et chuchotements. Un cri qui fulgure sans les allures trompeuses du chuchotement. C'est un texte de l'éperdu, un tombeau qui prélève le plus vif et le plus vrai de la femme aimée et perdue. Le profil perdu peu à peu émerge, sort de l'indistinction. Une jeune femme d'abord interchangeable qui s'identifie, se singularise au fil des traits précis, saillants, dont la doue l'écrivain.

Mais cette identification s'accomplit comme du bout des doigts, du bout des mots. Les mots sont rares et il y entre chacun d'eux, il entre en chacun d'eux tout l'espacement du silence, de la difficile respiration d'un corps étreint par l'absence. Chaque mot est, on le sent, une Eurydice arrachée aux Enfers et chacun se dépose, fragile et incertain sur la page, dans la crainte d'être, plus que superflu ou faux, sacrilège. Car tout, désormais, menace d'être trop.

Jean Rolin restitue, par touches pudiques et tremblées, des scènes qui sont des instantanés étincelants ou tragiques, qui sont surtout des états sensibles, des états de la sensibilité des deux amants, comme une cartographie émotionnelle, un précipité chimique et alchimique. Au fil des évocations lacunaires, nécessairement elliptiques car portées par un souffle haleté, interrompu, cisaillé par la douleur, Joséphine, la tant aimée, apparaît, fleur fauchée et portrait prélevé de l'abîme.

On apprend que Joséphine était jolie, fantasque, qu'elle parait son corps menu, corps d'enfant, de vêtements trop criards, tapageurs et qu'elle grimait excessivement son visage, outrances que l'écrivain réprouvait. On découvre aussi que la jeune femme, pure écorchée et authentique candide, était douée d'un rare sens de l'empathie et que c'est elle, toujours, qui revenait, tout ouverte et disposée au pardon, vers l'auteur lors des heurts et violents déchirements qui opposaient les deux amants terribles qu'ils furent.

Et puis la came (dont il y a si peu et tant à dire), dite, distillée entre les pages et qui grignote la vie de Joséphine.

Le récit alterne et entrelace traits futiles et plongées dans l'essentiel et on se demande, à la fin, si ce ne sont pas les détails, en apparence les plus anodins, qui déchirent le plus car ils cristallisent tout la scintillante singularité d'un être.

Un texte qui se lit gorge serrée, coeur grand ouvert.

BH 05/10

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