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Hélène Waysbord par
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"L’amour sans visage"
d’Hélène Waysbord (Christian Bourgois)
Hélène Waysbord est
une
orfèvre. De la vie et des mots. Elle cisèle les heures, les drames,
l’indicible et les phrases avec la même extrême délicatesse. Avec un
sens implacable de la beauté.
Le temps est éclaté et la langue, pareillement, se diffracte en une multitude d’éclats prismatiques. Il appartient au lecteur de restituer le sens comme la chronologie et c’est une opération des plus captivantes.
C’est l'histoire d’une perte originelle incompensable et d’une réappropriation progressive qui advient au terme d’une quête tissée de cris rengorgés, d’impacts invisibles et qui, cependant, ponctionnent et vident peu à peu tout le sang. Et toute la sève.
Même quand on se croit au début, le texte nous attrape tout le temps par le milieu, au cœur, obliquement, à revers. Il nous attrape et nous soulève avec une grâce qui n’a d’égal que le tragique qui le fonde.
C’est une trame trouée, chaque fragment est nu et déparé, nu et désemparé et pourtant chacun se déploie selon une implacable logique organique. Il s’agit aussi de la délicate identification d’une femme issue d’une enfant non seulement orpheline mais délaissée et spoliée de la plus indicible façon. La prose d’Hélène Waysbord, pointilliste et cisaillée d’éclairs, nous apprend une enfance torpillée. Dynamitée le jour où c’est un étranger qui vint la cueillir au sortir de l’école. Après, il ne lui fallut pas moins de toute une vie, à cette enfant, pour pouvoir entendre que c’est la déportation qui, ce jour-là, lui ravit ses parents. La langue comme l’entendement se sont noués pour des décennies.
Le texte procède par voltes, saccades, apparents dérivatifs et manœuvres dilatoires.
On comprend qu’il est ardu de devenir femme après avoir été une telle enfant et que cette enfance-là étend ses ravages à travers les amours massacreuses mais aussi à travers le perfectionnisme professionnel qui n’autorise aucune faille, aucune faillite.
C’est à l’écriture qu’il incombe de poser des mots sur l’irrecevable et c’est une langue de foudre qui se charge de cet office, une langue toute de cisaillements, de fulgurances, d’arcs électriques, une langue véritablement chargée de foudre et qui perce, bouleverse et éblouit de bout en bout. Tout passe, tout vient au jour, enfin, à travers des traits filants et une langue de comète, à travers de troublants précipités et de sublimes raccourcis poétiques.
Une prose rougie au fer du doute et de la souffrance et qui se mue en pure incandescence.
Une œuvre tardive et,
du premier coup, un chef-d’œuvre.