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 Catherine Ysmal par Livres-Addict.fr

"Irène, Nestor et la vérité" de Catherine Ysmal (Quidam éditeur)

C’est un texte qui herse, fouaille, extirpe, sabre sans retenue. Un texte qui corsète, sangle, harnache, tenaille, sectionne et l’air se raréfie à mesure.

C’est un texte qui, dans un même mouvement, vous soulève de terre et vous y précipite, étourdi, défait par KO.

Un texte qui broie une matière monstre et tellurique, un texte tout d'ondes sismiques qui plonge les mains dans l’humus, l’originel et le malpropre.

Ce sont des voix, trois voix distinctes, juxtaposées, mais qui s’entrelardent et interfèrent tout le temps.

C’est la traditionnelle triangulation si ce n’est qu’entre le mari et la femme, ce n’est pas l’amant qui s’interpose, mais l’ami. Et l’époux a beau nourrir une certaine suspicion quant aux rapports entre sa femme et leur ami commun, ce n’est pas la jalousie amoureuse qui est le ressort principal du récit.

Ce à quoi on assiste, c’est à une déflagration, un éboulement intérieur chez Irène et Nestor, les deux époux désaccordés, cependant que Pierrot, l’ami, endosse le rôle du témoin.

Irène, Nestor et Pierrot prennent la parole à tour de rôle et dressent un état des lieux de la désastreuse situation.

Les trois voix s’articulent et se modulent distinctement, bien sûr, mais elles puisent toutes à la même source, alluviale, boueuse, crasseuse et se confondent dans une même et furieuse éructation.

Les monologues de Nestor et d’Irène, notamment, jaillissent sous la forme de rageuses déferlantes. Avant de s'établir d’aucune autre manière, le divorce se consomme au sein de la parole intime laquelle est d’une singulière violence.

Ce ne sont pas des idées, des abstractions, des arguments qui sont avancés : rien de cérébral dans ce texte qui est, tout entier, un bloc de sensualité brute, sale, poisseuse. On est, tout du long, dans la tourbe des sens et des sentiments. Rien n’est noble, rien n’est délicat et pourtant, à travers Irène et la folie qui affleure en elle, on accède à une forme, extrême et suffocante, de poésie.

Tout est proféré d'un seul tenant, dans un présent absolu qui contient et consume aussi bien le passé et l'avenir. Un présent terreux, pierreux, qui remplit la bouche, les yeux, et sature le sens.

C’est surtout une langue. Qui crisse, grince, tord, tonne, fulmine, arrache, grimpe et se ramifie irrépressiblement, jusqu’à l’asphyxie.

C’est une langue sans équivalent connu et sans commune mesure.

C’est une langue qui invente à mesure son propre mode opératoire. Une langue qui vient du corps, qui parle au corps et qui, alors qu’elle inventorie les mille et une figures de la destruction, procure une jouissance paradoxale.

Une langue qui triture, pétrit et charrie les sucs barbares, les humeurs les plus enfouies.

Une langue organique et sans merci.

Un premier roman en forme de commotion. Un choc.

BH 04/13

              

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