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 Hélène Cixous par Livres-Addict.fr

"Chapitre Los" d’Hélène Cixous (Galilée)

Hélène Cixous est une grande prêtresse présidant des cérémonies qui demeurent secrètes, cryptés, même à elle qui pourtant officie sans désemparer.

Tel un oracle, tout ensemble intrépide et glacé d’effroi, elle épouse les entrelacs, les tracés complexes de la mémoire. Elle se fraie un chemin incertain au cœur de ces fluctuantes arabesques.

Ce livre-ci a, comme tous les textes d’Hélène Cixous, pour office explicite de maintenir sa mère en vie, de l’arracher, encore et encore, à la mort qui se fait de plus en plus pressante.

Mais c’est aussi un magnifique tombeau. En hommage, non pas à ladite mère, mais à l’ami-amant, l’indésignable car trop dense, trop instamment présent Carlos Fuentes.

Carlos Fuentes dont la mort soudaine a frappé Hélène Cixous comme la foudre, le réactualisant violemment alors qu’elle le rêvait doucement, fabuleusement immortel.

Hélène Cixous explique également dans la note d’intention qui précède désormais chacun de ses textes que ce livre-ci ne constitue en fait qu’un fragment d’un projet beaucoup plus vaste, un livre à caractère global : l’auteur entend en effet, produire son « livre total » dont « Chapitre Los » serait un « pétale détaché ». Il s’agit aussi d’une tentative par avance vouée à l’échec et, de ce fait, sans cesse reconduite : c’est un chapitre du « Livre-que-je-n’écris-pas » déclare Hélène Cixous, un avatar du livre messianique, celui qui annonce, condense, « précède » et « résume » l’auteur tout entière. C’est donc un texte qui travaille la matière même du temps, cette complexe concrétion qu’il pétrit, sonde, à laquelle sont arrachés des éclats erratiques et singulièrement significatifs.

Il est beaucoup question, comme chaque fois, du processus même de l’écriture, du caractère organique du surgissement et de la mise en œuvre. De même pour la langue : autour de la particule « Los » (présente dans « Carlos ») on assiste à un étourdissant et virtuose ballet verbal catapulté tous azimuts.

La littérature aussi, s’invite dans le texte, comme un personnage à part entière, elle irrigue toutes les pages.

Et puis elle surgit, carrément, en la personne de Carlos Fuentes.

Carlos Fuentes avec qui Hélène Cixous noue, autour de 68, une relation fiévreuse, puissamment érotique. Carlos qui lui inspire une phrase fulgurale, qui la magnétise, la méduse et deviendra le point nodal, le centre névralgique du texte.

Le phénomène suscite un paragraphe littérairement si admirable qu’il mérite d’être cité en entier:

"Ce n'est pas un Napoléon qui m'a fascinée, dis-je à ma fille, mais une phrase: "il traversait sa vie à une vitesse folle". Cette phrase est une sphinge. La première fois que je l'ai lue j'ai éprouvé la certitude émue aux larmes qu'elle était mon explication, ma lumière, le jour qui se levait pour moi en fanfare. J'étais éblouie. Je ne la comprenais pas, je l'admirais. Elle me comprend, pensais-je, c'est ce qui m'arrive. La vitesse à laquelle cette phrase me traversait, tout en s'articulant avec netteté, m'empêchait de voir le visage de il. C'était toujours lui mais selon les jours il était un autre. La vie et la vitesse de cette phrase me faisaient décoller sans effort de moi-même. Dehors j'étais dedans, dedans le dehors. Je me répète cette phrase et aussitôt j'éprouve encore à nouveau l'émoi ivre de se sentir dehors, en lieu béant et douillet, totalement inhabitable mais constitué de vitesse cristallisée."

Le texte s’articule et rayonne, en amont et en aval, autour de ce passage crucial. Tout s’agrège, en ramifications multiples, et procède de cette sidérante énigme originelle.

Un texte, comme de coutume, hors-normes, mais encore plus magnétique que les précédents car c’est un texte en crue, porté tout du long par un puissant flux de désir et d’amour.

BH 03/13

"Revirements dans l'antarctique du coeur" d'Hélène Cixous (Galilée)

Revirements_CixousC'est un texte qui fuse, taille, entaille, cisaille, crisse, siffle, perce, vrombit, vire, troue, tire à hue et à dia.

Un texte dans lequel l'écriture est à elle-même son propre objet, sa propre nourriture et qui, tel un cyclotron, attire et broie toute forme de vie au coeur de sa machinerie infernale.

C'est le combat, toujours perdu, toujours réengagé, de l'écriture contre elle-même. C'est une empoignade féroce, un corps à corps sans merci, la meule qui tourne et broie toute chose et l'on sent le souffle court, la sueur versée, le sang jailli et l'on voit le corps éventré, la face tuméfiée, la tête perforée de l'écriture.

Il est question de la mère, bien sûr, centenaire, et devenue l'enfant inversée de son enfant. Il est question de la famille et de ses méfaits, des prédations et prévarications qu'elle opère sur le corps de l'écrivain, sur le corps même de l'écriture.

Il est question de l'amour qui se délite, d'un certain O. dont la présence, sonore, marquée, exaspérée et ulcérante pèse et épuise. En dépit de l'amour même.

Il est question de "Montaigne" lieu-dit qui cristallise tous les flux contradictoires, les "revirements" qui traversent le corps de l'auteur. Hélène Cixous bataille contre la chair des sentimens au-dedans de la chair des mots.

Et c'est à une corrida sans nom que l'on assiste. Une corrida sans nom et qui est sans équivalent dans la littérature contemporaine.

C'est la marque d'Hélène Cixous qui agence et concasse, de manière absolument inédite, les événements de la vie et les défis de l'écriture. Et c'est le propre de son écriture de racler, haler, hisser, tendre, pecer et triturer ces éléments jusqu'à produire un texte qu'on pourrait croire purement cérébral mais qui regorge d'émotions subreptices.

Un texte d'une aveuglante singularité et qui plonge dans une stupéfaction éblouie.

BH 01/12       

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